1. Quel rôle pour l'OMPI?
2. Une infrastructure mondiale de la propriété intellectuelle au service du
commerce électronique
3. Extension du WIPOnet
4. La voie de l'avenir
Étude établie par :
Mme Tarja Koskinen-Olsson, directrice générale,
KOPIOSTO, Helsinki
et M. Daniel Gervais, directeur par intérim des relations avec les titulaires
de droits, Copyright Clearance Center (CCC), Danvers (États-Unis d'Amérique)
Par Mme Tarja Koskinen-Olsson et M. Daniel Gervais
L'importance du commerce électronique est aujourd'hui bien connue et les experts estiment que son chiffre d'affaires passera de 20 milliards de dollars É.-U. en 1998 à 320 milliards en 2002. La vente de paquets d'éléments binaires représentant des oeuvres protégées par le droit d'auteur - livres et revues électroniques, musique, films, photographies, etc. - est sans doute la forme la plus intéressante du commerce électronique. Dès lors que la plupart des oeuvres littéraires et artistiques peuvent être numérisées ou sont créées numériquement, l'Internet devrait logiquement offrir le meilleur moyen d'y accéder (comparé à l'achat de produits matériels). Il semble que d'ici quelques années la plupart des achats de contenus protégés par le droit d'auteur, en particulier dans le domaine des échanges inter-entreprises, puissent s'effectuer avec plus de commodité et d'efficacité en ligne. Ce système donnera également aux créateurs du monde entier la faculté d'accéder à des contenus disponibles sur les réseaux numériques planétaires et de les réutiliser.
Dans ce domaine, l'OMPI pourrait jouer deux rôles essentiels. D'abord, elle pourrait promouvoir l'adoption de règles et de normes, tant juridiques que techniques, nécessaires à l'essor harmonieux du commerce électronique. Nombre de ses objectifs, en effet, ont directement trait à la réglementation et au développement de l'infrastructure de ce commerce.
Ensuite, l'OMPI pourrait démultiplier son investissement dans le WIPOnet pour donner aux créateurs et aux utilisateurs de la propriété intellectuelle, dans tous ses États membres, la possibilité de s'informer sur les oeuvres protégées et d'accorder des licences d'utilisation.
Nous examinerons les objectifs possibles d'actions à entreprendre dans ces deux domaines avant de débattre de la façon de les mettre en oeuvre.
S'il est vrai que le commerce électronique et la technique sur laquelle il repose évoluent très rapidement et qu'il n'est pas certain qu'une solution trouvée aujourd'hui soit encore valable demain, un certain nombre de faits sont avérés :
a) les forces du marché peuvent résoudre une partie des questions juridiques touchant le commerce électronique : il faut manifestement aborder certaines questions fondamentales précises dans le cadre d'un forum auquel tous les pays puissent participer et qui leur permette d'obtenir du marché et du monde entier l'information la plus récente, d'exprimer leurs opinions, d'influencer les nouvelles politiques sur le plan multilatéral et d'informer leurs propres organes de décision;
b) l'identification des contenus échangés par l'intermédiaire de l'Internet est nécessaire, comme l'attestent les nombreux efforts en cours pour y parvenir. Il n'existe actuellement aucun observatoire ou forum où les organes de décisions puissent en débattre et où les meilleures pratiques puissent être encouragées, soutenues et mises au point;
c) les instruments du commerce électronique, comme les métadonnées, exigent des normes. Quel est le code de la route électronique? Les nouvelles normes techniques, comme le langage de balisage extensible (XML), permettent aux fournisseurs de contenu de coder leurs métadonnées dans les fichiers échangés par l'intermédiaire d'Internet; mais il n'existe, là encore, aucun forum universel pour débattre de ces options.
a) De nombreux pays s'emploient à créer des centres d'acquittement des droits en multimédia. Il faut, semble t-il, observer ces systèmes et permettre aux pays qui souhaitent prendre des mesures pour appuyer ces centres d'avoir accès aux toutes dernières informations techniques, juridiques et autres; des modules types d'acquittement des droits pourraient être conçus de façon à ce que tous les pays puissent accéder rapidement à cette technique, permettant ainsi à leurs créateurs de concéder des licences d'utilisation de leurs créations dans le monde entier et d'obtenir le droit d'utiliser des contenus préexistants.
b) Des centres compatibles qui seraient créés dans chaque pays ou chaque région et pourraient dialoguer avec leurs homologues dans d'autres pays, seraient certainement très avantageux pour les auteurs, éditeurs et utilisateurs. Cela encouragerait la création de nouvelles oeuvres de "qualité universelle" dans d'autres pays, mais surtout faciliterait l'accès à des oeuvres, notamment folkloriques, connues et utilisées seulement dans leur pays ou région d'origine. Pour y parvenir, il faut assurer la compatibilité.
c) La création de dispositifs permettant l'octroi de licences d'utilisation de contenus protégés par le droit d'auteur par l'intermédiaire de l'Internet suppose l'accès au réseau et à la technique nécessaire. On pourrait voir là un élément du rôle du WIPOnet, qui assurerait dans le monde entier les connexions voulues et l'accès à l'information protégée par le droit d'auteur.
Questions juridiques et normatives
Ce qu'il faut avant tout, c'est un forum où l'information puisse être mise à la disposition des décideurs et les questions librement débattues et examinées. Il s'agirait notamment de réunir l'information sur les travaux relatifs aux identificateurs et aux métadonnées ainsi que sur les activités connexes, de la rassembler - dûment tenue à jour - en un seul endroit et de permettre ainsi aux organes de décision d'examiner ces options, de participer activement au processus sur le plan mondial et d'intensifier leurs propres actions d'élaboration de politiques à l'échelon national.
L'OMPI, par exemple, pourrait remplir cet office de forum, éventuellement de concert avec le projet INDECS (compatibilité des données dans les systèmes de commerce électronique) ou des initiatives comparables. INDECS vise précisément à réaliser un consensus sur les questions essentielles d'identificateurs de création et de métadonnées y relatives pour le commerce électronique de contenus protégés par le droit d'auteur.
Un réseau mondial d'information relative aux droits et d'octroi de licences
L'élaboration de normes techniques est une étape indispensable. Quant au domaine des techniques nécessaires à la création de centres d'acquittement des droits d'auteur en multimédia, à l'échelon national ou régional, il relèverait aussi tout à fait de la compétence d'une organisation comme l'OMPI. La création de contenus plus nombreux et de meilleure qualité dans tous les pays s'en trouverait stimulée et l'une des grandes fonctions de ces jeunes réseaux mondiaux serait remplie : mettre les oeuvres de tous les pays à la portée des utilisateurs de la planète. Le WIPOnet pourrait être un prolongement de ces nouveaux réseaux et en étendre l'action à l'ensemble des principaux droits de propriété intellectuelle.
Dans ce contexte, l'OMPI serait en quelque sorte un "noeud principal" dans un réseau de centres d'information relative au droit d'auteur, dont certains administrés par les pouvoirs publics (par l'intermédiaire de l'office ou de l'institut national de la propriété intellectuelle), et d'autres détenus par des organismes privés. Les réseaux pourraient compter d'autres noeuds principaux ou à haut niveau. Ces noeuds auraient la responsabilité du fonctionnement du réseau, de ses opérations et de l'intégrité des données. Ce WIPOnet "droit d'auteur" pourrait constituer l'interface avec des réseaux du même ordre, notamment quand il existe déjà une base de données extérieure de haute qualité sur les droits pour, par exemple, un support spécialisé. Il existe actuellement d'importantes bases de données consacrées aux droits sur les films, les contenus imprimés et la musique, mais aucune n'est à ce stade vraiment mondiale.
Ces noeuds principaux, qui contiendraient des données relatives aux droits concernant toutes les catégories d'oeuvres protégées par le droit d'auteur et les droits connexes, pourraient, le cas échéant, servir d'agent accordant des licences. Un logiciel serait aussi fourni pour créer des noeuds nationaux dans tous les pays intéressés. Il pourrait s'agir simplement d'un programme entièrement compatible, sécurisé, qui fonctionnerait au sein de logiciels de navigation standard tels qu'Internet Explorer ou Netscape Navigator.
Les noeuds nationaux seraient chargés de rassembler des données relatives aux droits à l'échelon national (comme cela se fait généralement pour les droits de propriété industrielle), et, le cas échéant, de mettre les oeuvres à disposition pour concession de licences à d'autres membres du réseau, leur permettant ainsi d'être connues et accessibles dans le monde entier. Ils fourniraient également une information sur les contenus étrangers et, là aussi, offriraient le cas échéant des solutions d'octroi de licence. Naturellement, selon les conditions propres à chaque pays, les noeuds nationaux pourraient faire appel à des entreprises et partenaires privés, tels que les fournisseurs de contenu.
Outre ses autres fonctions, le noeud principal pourrait proposer d'accueillir une partie des données nécessaires au fonctionnement de certains noeuds nationaux, à titre temporaire ou durable. Il pourrait également servir de système de sauvegarde en cas de perte de données.
Les titulaires de droits et les utilisateurs pourraient se relier à ce réseau à l'échelon national ou, le cas échéant, par l'intermédiaire d'un noeud principal. Ils seraient à même d'ajouter des données relatives à leurs oeuvres et à leurs droits, tandis que les utilisateurs obtiendraient facilement une information sur les oeuvres et les droits existants et seraient en mesure, dans bien des cas, d'obtenir des licences d'utilisation de ces oeuvres dans leur propre pays, par exemple pour créer des productions multimédias.
À notre avis, l'OMPI a sans conteste les connaissances, le savoir-faire et une grande partie des ressources nécessaires pour atteindre ces objectifs et faire du commerce électronique du droit d'auteur une réalité pour les créateurs et les utilisateurs dans tous les pays. En outre, elle est la mieux placée de toutes les organisations à cet effet.