OMPI |
OMPI/INDIP/RT/98/3 Add. ORIGINAL: anglais DATE:23 juillet 1998 |
ORGANISATION MONDIALE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE
GENÈVE
TABLE RONDE SUR LA PROPRIÉTÉ
INTELLECTUELLE ET LES PEUPLES AUTOCHTONES
Genève, 23 et 24 juillet 1998
Document établi par le Bureau international
1. Le présent document traite des aspects généraux de la propriété industrielle. En guise d'introduction, il présente brièvement les caractéristiques essentielles de la protection de la propriété industrielle. Des explications plus détaillées sont contenues dans les autres documents.
2. À propos de la "propriété industrielle", il importe de noter que cette notion s'inscrit dans le cadre plus large de la "propriété intellectuelle". L'expression "propriété industrielle" ne désigne donc pas une réalité tangible, par exemple des usines, du matériel ou des matériaux destinés à la fabrication industrielle, mais une réalité intangible quoique, dans la plupart des cas, extrêmement précieuse.
3. Avant de décrire plus en détail les aspects fondamentaux de la propriété industrielle, il importe d'expliquer ce que l'on entend par "propriété intellectuelle". Cette expression désigne un genre particulier de propriété.
4. En général, la caractéristique principale de la propriété est que le propriétaire ou le titulaire peut utiliser son bien comme il l'entend et que personne ne peut légalement utiliser ce bien sans son autorisation. Naturellement, des limites généralement reconnues restreignent l'exercice de ce droit. Par exemple, le propriétaire d'un terrain n'est pas toujours libre d'y ériger une construction de n'importe quelles dimensions mais doit respecter les dispositions prévues par la loi et les règlements administratifs.
5. On distingue en gros trois types de propriété.
6. Un premier type de propriété concerne les objets mobiliers, comme une montre-bracelet ou une voiture. Ces objets ne peuvent être utilisés par personne d'autre que par leur propriétaire. Il s'agit là d'une situation juridique dénommée droit exclusif, à savoir le droit exclusif du propriétaire d'utiliser l'objet qui lui appartient. Ce dernier peut naturellement autoriser un tiers à utiliser son bien. Mais cette autorisation est juridiquement nécessaire et utiliser l'objet sans l'autorisation de son propriétaire est illégal. En outre, le droit d'utilisation n'est pas illimité : il faut, dans l'exercice de ce droit, respecter les droits des tiers, par exemple dans le cas où une route appartient à un tiers, ainsi que les règlements administratifs, par exemple les limitations de vitesse pour les automobiles.
7. Un deuxième type de propriété concerne les biens immeubles, c'est-à-dire la terre et les choses qui y sont fixées en permanence, comme les maisons. Nous avons déjà vu un exemple des limitations qui concernent ce genre de propriété, à savoir les règles que l'on doit respecter pour ériger une construction.
8. Le troisième type de propriété concerne la propriété intellectuelle. Relèvent de la propriété intellectuelle les créations de l'esprit humain, de l'intellect, d'où le nom de propriété "intellectuelle". En simplifiant quelque peu, on peut dire que la propriété intellectuelle se rapporte à des éléments d'information pouvant être intégrés à des objets tangibles, et ce en un nombre illimité d'exemplaires simultanément, en différents endroits du monde. La propriété ne porte pas sur ces exemplaires mais sur l'information qu'ils reflètent. À l'instar de la propriété des biens meubles et immeubles, la propriété intellectuelle se caractérise par certaines limitations, par exemple une durée limitée dans le cas du droit d'auteur et des brevets.
9. La propriété intellectuelle se divise généralement en deux branches, à savoir la propriété "industrielle" et le "droit d'auteur"1).
10. Le droit d'auteur se rapporte aux créations artistiques comme les poèmes, les romans, la musique, la peinture, les uvres cinématographiques, etc. Le mot anglais "copyright" correspond dans la plupart des langues européennes à l'expression "droit d'auteur". Ce mot désigne l'acte principal qui, en ce qui concerne les créations littéraires et artistiques, ne peut être accompli que par l'auteur ou avec son autorisation. Il s'agit de l'acte qui consiste à faire des copies d'une uvre littéraire ou artistique, c'est-à-dire d'un livre, d'un tableau, d'une sculpture, d'une photographie, d'un film. L'expression "droit d'auteur" s'applique à la personne qui est le créateur de l'uvre artistique, son auteur, ce qui souligne, comme le reconnaissent la plupart des législations, que l'auteur a certains droits spécifiques sur sa création, par exemple le droit d'en empêcher la déformation, qu'il peut exercer lui-même tandis que d'autres droits, comme celui de faire des copies, peuvent être exercés par des tiers, par exemple par l'éditeur auquel il a concédé une licence à cet effet.
11. En ce qui concerne la propriété industrielle, cette expression est parfois interprétée à tort comme se rapportant aux biens meubles ou immeubles utilisés pour la fabrication industrielle, comme les usines, le matériel de fabrication, etc. Or la propriété industrielle est un type de propriété intellectuelle et, comme tel, se rapporte aux créations de l'esprit humain. Généralement, ces créations sont des inventions et des dessins ou modèles industriels. Disons pour simplifier que les inventions sont des solutions apportées à des problèmes techniques et que les dessins ou les modèles industriels sont des créations esthétiques qui déterminent l'apparence de produits industriels. Mais la propriété industrielle comprend aussi les marques de produits, les marques de services, les noms commerciaux et les désignations commerciales, ce qui englobe les indications de provenance et les appellations d'origine, et enfin la protection contre la concurrence déloyale. L'aspect de création intellectuelle, bien que tout à fait réel, est ici moins évident mais ce qui compte alors est que l'objet de propriété industrielle se compose très généralement de signes transmettant une information aux consommateurs, en particulier au sujet des produits et des services offerts sur le marché, et que la protection vise à prévenir l'utilisation non autorisée de ces signes qui serait de nature à induire le consommateur en erreur, et à prévenir les pratiques abusives d'une façon générale.
12. L'expression "propriété industrielle" peut paraître manquer partiellement de logique étant donné que c'est seulement dans le domaine des inventions que le principal secteur économique intéressé est celui de l'industrie. Il est un fait que les inventions sont en règle générale exploitées dans des établissement industriels. Toutefois, les marques de produits, les marques de services, les noms commerciaux et les désignations commerciales présentent un intérêt non seulement pour l'industrie, mais aussi et surtout pour le commerce. En dépit de ce manque de logique, l'expression "propriété industrielle" s'applique aujourd'hui clairement, au moins dans les langues européennes, non seulement aux inventions, mais aussi aux autres objets précités.
13. La coupole située dans l'entrée du bâtiment de l'OMPI à Genève porte une inscription2) qui vise, en quelques mots et de façon implicite, à définir les uvres de l'esprit. Cette inscription vise aussi à indiquer les raisons pour lesquelles les uvres de l'esprit devraient constituer des objets de "propriété", c'est-à-dire pourquoi leurs créateurs devraient bénéficier d'avantages reconnus par la loi. Enfin, cette inscription mentionne le devoir de l'État dans ce domaine. Naturellement, le texte de cette inscription n'a pas de prétention à l'exactitude juridique. Elle vise à souligner l'importance culturelle, sociale et économique de la protection de la propriété intellectuelle.
14. Ainsi qu'il a déjà été dit, les inventions sont des solutions nouvelles apportées à des problèmes techniques. Il ne s'agit pas là d'une définition officielle. La plupart des lois qui traitent de la protection des inventions ne contiennent aucune définition de la notion d'invention. La loi type de l'OMPI pour les pays en développement concernant les inventions (1979) contenait, quant à elle, la définition suivante : "on entend par "invention" l'idée d'un inventeur qui permet dans la pratique la solution d'un problème particulier dans le domaine de la technique".
15. L'une des caractéristiques des inventions est qu'elles sont protégées par des brevets, appelés aussi "brevets d'invention". Les pays qui accordent une protection juridique aux inventions - et ils sont plus de 140 dans ce cas - le font au moyen du brevet; il existe toutefois quelques pays où la protection des inventions peut aussi être assurée par des moyens différents, ainsi que nous le verrons.
16. Commençons tout d'abord par examiner ce qu'est un brevet.
17. Le mot "brevet", tout au moins dans certaines langues européennes, a deux sens; il désigne, d'une part, le document appelé "brevet" et, d'autre part, la teneur de la protection conférée par un brevet.
18. Arrêtons-nous tout d'abord sur le premier sens du mot "brevet", c'est-à-dire document.
19. Si une personne fait ce qu'elle pense être une invention, elle-même ou, si elle est employée, son employeur demandera aux pouvoirs publics - en déposant une demande auprès de l'office des brevets - de lui délivrer un document indiquant la nature de l'invention et précisant qu'elle ou il est titulaire du brevet. Ce document, qui est délivré par les pouvoirs publics, est appelé brevet ou brevet d'invention.
20. Toutes les inventions ne sont pas brevetables. D'une façon générale, il est prévu dans les textes de loi que, pour être brevetable, une invention doit être nouvelle, impliquer une activité inventive (ou ne pas être évidente) et être susceptible d'application industrielle. Ces trois critères sont parfois appelés conditions de brevetabilité.
21. Les conditions de nouveauté et d'activité inventive doivent être remplies à une certaine date. Cette date est, d'une façon générale, la date de dépôt de la demande. Toutefois, il existe un cas, régi par la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle ("Convention de Paris"), dans lequel il n'est plus nécessaire que les conditions mentionnées soient réunies à la date précitée; c'est lorsqu'une demande antérieure a déjà été déposée dans un autre pays partie à la Convention de Paris par la même personne (ou son ayant cause) pour la même invention. Supposons que la première demande ait été déposée au Japon et la seconde en France. Il suffira alors que les conditions de nouveauté et d'activité inventive soient remplies à la date du dépôt de la première demande (au Japon). Autrement dit, la seconde demande (déposée en France) bénéficiera d'une priorité sur toutes les demandes déposées par d'autres personnes en France entre la date de dépôt de la première demande (Japon) et de la deuxième (France), à condition que la période comprise entre ces deux dates ne dépasse pas 12 mois. Compte tenu de la priorité ainsi accordée, l'avantage dont bénéficie ainsi le déposant est appelé "droit de priorité".
22. On établit habituellement une distinction entre les inventions portant sur des produits et les inventions portant sur des procédés. Un nouvel alliage est un exemple d'invention de produit et une nouvelle méthode ou un nouveau procédé de fabrication d'un alliage nouveau ou déjà connu est une invention de procédé. Les brevets correspondants sont généralement appelés "brevet de produit" et "brevet de procédé", respectivement.
23. Passons maintenant à l'autre sens du mot "brevet", tel qu'il est employé pour désigner la teneur de la protection conférée par le brevet.
24. Il découle de la protection conférée par un brevet d'invention que quiconque souhaite exploiter l'invention doit obtenir pour cela l'autorisation de la personne à laquelle est délivré le brevet - appelée "breveté" ou "titulaire du brevet". Quiconque exploite l'invention brevetée sans cette autorisation commet un acte illégal. On utilise le terme "protection" étant donné que le breveté est effectivement protégé contre l'exploitation de l'invention non autorisée par lui. Cette protection est limitée dans le temps. Selon l'article 33 de l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce ("Accord sur les ADPIC"), conclu en 1994, la durée de la protection offerte ne doit pas prendre fin avant l'expiration d'une période de 20 ans à compter de la date du dépôt.
25. Le document appelé "brevet" ne contient aucune précision sur les droits et la protection ainsi conférés. Ces droits et cette protection sont décrits dans la loi sur les brevets du pays où le brevet d'invention a été délivré. Les lois sur les brevets des parties à l'Accord sur les ADPIC doivent être conformes à la section 5 de la partie II de l'accord qui énonce, dans son article 28, les droits exclusifs conférés par un brevet. Les autres dispositions de l'accord relatives aux brevets portent notamment sur l'objet brevetable, les conditions imposées aux déposants de demandes de brevet et la charge de la preuve en ce qui concerne les brevets de procédé. Les droits, habituellement appelés "droits exclusifs d'exploitation", sont généralement constitués :
- pour les brevets de produit, par le droit d'empêcher des tiers de fabriquer, d'utiliser, d'offrir à la vente, de vendre ou d'importer le produit qui fait intervenir l'invention, et
- pour les brevets de procédé, par le droit d'empêcher des tiers d'utiliser le procédé qui fait intervenir l'invention ainsi que le droit d'empêcher les tiers d'utiliser, d'offrir à la vente, de vendre ou d'importer des produits fabriqués à l'aide de ce procédé.
26. Ainsi qu'il a été dit précédemment, quiconque exploite une invention brevetée sans l'autorisation du titulaire du brevet d'invention commet un acte illégal. Toutefois, comme nous l'avons vu, ce principe souffre des exceptions parce que les législations sur les brevets peuvent prévoir des cas dans lesquels une invention brevetée peut être exploitée sans l'autorisation du titulaire du brevet, par exemple dans l'intérêt public ou pour le compte des pouvoirs publics ou en vertu d'une licence obligatoire. On entend par licence obligatoire l'autorisation d'exploiter l'invention, accordée par les pouvoirs publics, en général uniquement dans des cas très particuliers définis par loi et seulement lorsque la personne qui souhaite exploiter l'invention brevetée n'a pu obtenir l'autorisation du titulaire du brevet d'invention. Les conditions d'octroi des licences obligatoires sont aussi fixées de façon détaillée dans les lois qui instituent ces licences. En particulier, la décision d'octroi d'une licence obligatoire doit fixer la rémunération due au breveté et est susceptible de recours. Il convient de noter que l'Accord sur les ADPIC, en particulier les articles 27.1 et 31, impose un certain nombre d'obligations en ce qui concerne l'utilisation d'une invention brevetée sans l'autorisation du titulaire du brevet. Les parties à l'accord doivent respecter ces prescriptions, dont la plus importante précise que l'octroi de licences obligatoires pour défaut d'exploitation ou exploitation insuffisante de l'invention n'est plus autorisé si le produit protégé est importé légalement sur le territoire du membre intéressé.
27. En conclusion, on peut dire que parmi tous les moyens de protection des inventions, c'est le brevet qui est, de loin, le plus important. Toutefois, la protection des inventions en tant que modèles d'utilité mérite d'être mentionnée.
28. La notion de modèle d'utilité est reconnue dans les législations d'un nombre limité de pays (une vingtaine) et dans l'accord régional créant l'OAPI. En outre, certains autres pays (l'Australie et la Malaisie, par exemple) prévoient des titres de protection qui peuvent être considérés comme similaires aux modèles d'utilité. On les appelle "petty patents" (petits brevets) ou "utility innovations" (innovations d'utilité). L'expression "modèle d'utilité" est simplement un nom donné à certaines inventions, à savoir - selon le droit de la plupart des pays qui reconnaissent cette notion - des inventions touchant au domaine de la mécanique. Généralement, les modèles d'utilité diffèrent essentiellement à trois égards des inventions pour lesquelles des brevets d'invention ordinaires sont délivrés : premièrement, dans le cas d'une invention appelée "modèle d'utilité", soit la condition de nouveauté est la seule qui doive être remplie, l'activité inventive n'étant pas requise, soit l'activité inventive requise est moindre que dans le cas d'une invention pour laquelle un brevet d'invention est délivré; deuxièmement, la durée maximum de protection conférée par la loi à un modèle d'utilité est généralement plus courte que la durée maximum de protection conférée à un brevet d'invention; troisièmement, les taxes requises pour l'obtention et le maintien en vigueur du droit sont généralement moins élevées que celles qui sont applicables aux brevets. De plus, dans certains pays, il existe aussi des différences substantielles quant à la procédure d'obtention d'un modèle d'utilité : cette procédure est généralement plus courte et plus simple que la procédure prévue pour l'obtention d'un brevet d'invention.
29. D'une façon générale, un dessin ou modèle industriel est l'aspect ornemental ou esthétique d'un objet utilitaire. Un tel aspect peut résider dans la forme, dans la composition ou dans la couleur du produit. L'aspect ornemental ou esthétique doit être sensible à la vue. En outre, le produit doit pouvoir être reproduit industriellement; c'est là l'objet essentiel du dessin ou modèle et c'est pourquoi il est qualifié d'"industriel".
30. Pour pouvoir être protégé, un dessin ou modèle industriel doit, selon certaines législations, être nouveau et, selon d'autres, original.
31. Les dessins ou modèles industriels sont généralement protégés contre toute copie ou imitation non autorisée. Selon l'article 26.3 de l'Accord sur les ADPIC, la durée de la protection offerte doit être d'au moins 10 ans. Les parties à l'accord sont aussi tenues de faire en sorte que les prescriptions visant à garantir la protection des dessins et modèles de textiles, en particulier pour ce qui concerne tout coût, examen ou publication, ne compromettent pas indûment la possibilité de demander et d'obtenir cette protection.
32. Le document attestant la protection peut s'appeler certificat d'enregistrement ou brevet. Si le terme de brevet est choisi, il convient, afin de le distinguer du brevet d'invention, de toujours préciser qu'il s'agit d'un brevet de dessin ou modèle industriel.
33. La question relative au type de protection qui doit être accordé aux schémas de configuration (ou topographies) de circuits intégrés est relativement nouvelle. Bien que des composants préfabriqués de circuits électriques soient depuis longtemps utilisés dans la fabrication de matériel électrique (par exemple, des radios), l'intégration sur une large échelle d'une multitude de fonctions électroniques dans un composant minuscule n'est possible que depuis quelques années, grâce aux progrès de la technique des semi-conducteurs. Les circuits intégrés sont fabriqués selon des plans ou "schémas de configuration" très détaillés.
34. Les schémas de configuration des circuits intégrés sont des créations de l'esprit humain. Ils résultent habituellement d'investissements très importants, aussi bien sur le plan des experts hautement qualifiés qui sont nécessaires, que financièrement. Il existe un besoin permanent de création de nouveaux schémas de configuration réduisant les dimensions des circuits intégrés existant déjà et accroissant simultanément le nombre de leurs fonctions. Plus un circuit intégré est petit, moins l'on a besoin de matériaux pour sa fabrication et moins l'on a besoin d'espace pour le loger. Les circuits intégrés sont utilisés dans une gamme très étendue de produits, y compris des produits d'usage courant, tels que montres, appareils de télévision, machines à laver, automobiles, etc., ainsi que dans du matériel sophistiqué de traitement des données.
35. Alors que la création d'un nouveau schéma de configuration pour un circuit intégré nécessite un investissement important, le fait de copier un tel schéma de configuration peut ne coûter qu'une faible part de cet investissement. On peut copier en photographiant chaque couche d'un circuit intégré et en préparant des masques pour produire le circuit intégré sur la base des photographies obtenues. Le coût élevé de la création de tels schémas de configuration, et la relative facilité avec laquelle ils peuvent être copiés, sont les principales raisons pour lesquelles les schémas de configuration doivent être protégés.
36. Les schémas de configuration de circuits intégrés ne sont pas considérés comme des dessins et modèles industriels au sens de la législation prévoyant l'enregistrement des dessins et modèles industriels, ceci parce qu'ils ne déterminent pas l'aspect extérieur des circuits intégrés, mais plutôt, l'emplacement, à l'intérieur du circuit intégré, de chaque élément ayant une fonction électronique. De plus, les schémas de configuration de circuits intégrés ne constituent pas normalement des inventions brevetables, car leur création n'implique pas habituellement une activité inventive, bien qu'elle nécessite un gros travail de la part d'un expert. Par ailleurs, il se peut que la protection par le droit d'auteur ne soit pas applicable si la loi nationale exclut les schémas de configuration de cette protection. En raison de l'incertitude entourant la protection des schémas de configuration, les travaux menés aux niveaux national, régional et international ont été axés sur la question de savoir quel type de protection serait approprié et quelle devrait être la portée de celle-ci.
37. Le 26 mai 1989, sous les auspices de l'OMPI, le Traité sur la propriété intellectuelle en matière de circuits intégrés a été adopté à Washington, D.C., aux États-Unis d'Amérique. Ce traité n'est pas encore entré en vigueur mais ses dispositions de fond ont en grande partie été reprises dans l'Accord sur les ADPIC. Les principales caractéristiques de la protection prévue dans le cadre du traité peuvent être résumées comme suit.
38. Dans le traité, un schéma de configuration est défini comme "la disposition tridimensionnelle - quelle que soit son expression - des éléments, dont l'un au moins est un élément actif, et de tout ou partie des interconnexions d'un circuit intégré, ou une telle disposition tridimensionnelle préparée pour un circuit intégré destiné à être fabriqué". Un tel schéma de configuration est considéré comme protégeable en vertu du traité s'il est le fruit de l'effort intellectuel de son créateur et si, au moment de sa création, il n'est pas courant pour les créateurs de schémas de configuration et les fabricants de circuits intégrés.
39. La protection requise par le traité, telle qu'elle a été modifiée dans l'Accord sur les ADPIC, est l'interdiction d'accomplir, pendant une période d'au moins 10 ans, les actes ci-après, sans l'autorisation du titulaire du droit :
i) reproduire, que ce soit par incorporation dans un circuit intégré ou autrement, la totalité d'un schéma de configuration protégé ou une partie de celui-ci, sauf s'il s'agit de reproduire une partie qui ne satisfait pas à l'exigence d'originalité, et
ii) importer, vendre ou distribuer de toute autre manière, à des fins commerciales, un schéma de configuration protégé ou un circuit intégré dans lequel un schéma de configuration protégé est incorporé.
40. La manière dont doit être assurée la protection de ces droits sur un schéma de configuration n'est pas imposée par le traité. De ce fait, une partie contractante est libre de remplir ses obligations découlant du traité dans le cadre d'une loi spéciale sur les schémas de configuration (solution de plus en plus souvent adoptée) ou dans le cadre de ses lois sur le droit d'auteur, les brevets, les modèles d'utilité, les dessins et modèles industriels ou la concurrence déloyale, ou de toute autre loi ou d'une combinaison de ces lois.
41. Les parties contractantes sont libres de subordonner la protection d'un schéma de configuration à son enregistrement.
42. Les droits sur les schémas de configuration prévus par le traité font l'objet de trois exceptions. Premièrement, un tiers peut reproduire de quelque manière que ce soit un schéma de configuration, si l'acte considéré est accompli à des fins d'évaluation, d'analyse, de recherche ou d'enseignement. Deuxièmement, un tiers peut copier un schéma de configuration ou une partie de celui-ci en vue de la préparation d'un second schéma de configuration original. Selon le traité, ce second schéma de configuration ne doit pas être considéré comme portant atteinte aux droits détenus sur le premier schéma de configuration. Troisièmement, un tiers peut accomplir n'importe quel acte à l'égard d'un schéma de configuration qu'il a créé indépendamment.
43. Une marque de produits est un signe utilisé sur des produits ou en relation avec la commercialisation de produits. Dire que le signe est utilisé "sur" les produits signifie qu'il peut être situé non seulement sur les produits proprement dits mais aussi sur le récipient ou l'emballage dans lesquels se trouvent ces produits lorsqu'ils sont vendus. Par ailleurs, l'expression "en relation avec la commercialisation" des produits vise principalement l'utilisation du signe dans des annonces publicitaires (journaux, télévision, etc.) ou dans les vitrines des magasins qui vendent les produits. Lorsqu'une marque est utilisée en relation avec des services, elle peut être appelée "marque de services". Par exemple, les hôtels, les restaurants, les compagnies aériennes, les agences de voyage, les maisons de location de voitures, les blanchisseries et les teintureries utilisent des marques de services. Toutes les remarques faites à propos des marques de produits s'appliquent aussi, par analogie, aux marques de services.
44. On dit en général qu'une marque remplit quatre fonctions principales. Ces fonctions ont trait à l'identification des produits ou services sur lesquels portent cette marque, à leur origine, à leur qualité et à leur promotion sur le marché.
45. La première fonction d'une marque est de distinguer les produits ou services d'une entreprise de ceux d'autres entreprises. Les marques facilitent le choix que doit faire le consommateur lors de l'achat de certains produits ou lors de l'utilisation de certains services. La marque aide le consommateur à identifier un produit ou un service qu'il connaissait déjà ou qui a fait l'objet de publicité.
46. Du fait qu'une marque a une fonction distinctive, seuls les signes distinctifs sont aptes à servir de marque et le but principal de la protection des marques est d'assurer que seuls des signes distinctifs soient utilisés et que la confusion entre marques soit ainsi évitée.
47. La deuxième fonction d'une marque est de rappeler une entreprise particulière qui offre des produits ou services sur le marché, c'est à dire de donner une indication quant à l'origine des biens ou services pour lesquels la marque est utilisée.
48. Les marques ne servent pas seulement, ni toujours, à distinguer les produits ou services en tant que tels. Elles distinguent ces derniers dans leurs rapports avec une entreprise particulière, à savoir l'entreprise dont ils émanent. Ainsi, les marques distinguent les produits ou services provenant d'une source donnée des produits ou services identiques ou similaires provenant d'autres sources, à savoir les diverses entreprises qui offrent de tels produits ou services. Cette fonction est importante quant à la définition de l'étendue de la protection des marques. Le critère décisif à l'égard de cette protection consiste à déterminer si le consommateur moyen, devant des marques identiques ou similaires se rapportant à des produits ou services de même nature ou de types similaires, peut être amené à croire que ces produits ou services proviennent d'une seule et même entreprise.
49. La troisième fonction des marques est d'évoquer une qualité particulière des produits ou services pour lesquels elles sont utilisées. Cette fonction n'est pas toujours reconnue. En fait, cette fonction de garantie de qualité attachée aux marques est une des questions les plus controversées du droit des marques.
50. Les raisons pour lesquelles on peut soutenir que les marques ont pour fonction d'évoquer une qualité particulière des produits ou des services pour lesquelles elles sont utilisées peuvent être résumées de la façon suivante : il arrive souvent qu'une marque soit utilisée par plus d'une entreprise parce que son titulaire peut accorder des licences d'utilisation à d'autres entreprises; de ce fait, il est essentiel que les preneurs de licence respectent les normes de qualité fixées par le titulaire de la marque. Bien plus, les entreprises commerciales utilisent souvent des marques pour des produits qu'ils ont acquis de diverses sources. Aussi, les produits, bien que ne provenant pas d'une seule et même entreprise, doivent-ils néanmoins correspondre à certaines caractéristiques communes et répondre à certaines normes de qualité que le titulaire de la marque applique. Le titulaire d'une marque garantie donc que seuls les produits qui répondent à ces normes ou à ces exigences de qualité seront proposés sous la marque en cause. En pareil cas, le titulaire de la marque n'est pas responsable de la production des produits mais plutôt - et ceci peut être tout aussi important -de la sélection des produits qui satisfont à ces normes et exigences de qualité. Cet argument est étayé par le fait que, même lorsque le titulaire de la marque est le producteur d'un produit particulier, il arrive souvent, au cours du processus de production, que soient utilisés des composants qui n'ont pas été produits par le titulaire mais choisis par lui.
51. Admettre que les marques ont une fonction de garantie de qualité a, en pratique, des répercussions sur les licences de marques. À cet égard, il est généralement admis que le preneur de licence doit respecter certaines normes de qualité fixées par le titulaire de la marque.
52. Une question controversée est celle de savoir si le titulaire d'une marque peut lui-même changer la qualité et, s'il le fait, quelles en sont les conséquences pour cette marque. Diverses solutions sont actuellement à l'étude pour permettre de résoudre cette question mais aucune n'est encore généralement admise.
53. La quatrième et dernière fonction des marques est de promouvoir la commercialisation et la vente des produits ainsi que la commercialisation et l'offre de services.
54. Cette fonction est devenue récemment de plus en plus importante. Les marques ne sont pas seulement utilisées pour établir une distinction ou pour évoquer une entreprise particulière ou une qualité particulière mais aussi pour stimuler les ventes. Pour pouvoir remplir cette fonction, la marque doit être soigneusement choisie. Elle doit avoir suffisamment d'attrait pour le consommateur, susciter un intérêt et inspirer un sentiment de confiance. C'est pourquoi cette fonction est parfois appelée la "fonction d'appel".
55. Les marques dont cette fonction d'appel est trop marquée encourent le risque d'être trompeuses. Ceci doit être gardé en mémoire lors de la sélection de marques car les marques trompeuses échappent à toute protection.
56. Tout signe, ou toute combinaison de signes, propre à distinguer les produits ou les services d'une entreprise de ceux d'autres entreprises sera propre à constituer une marque. De tels signes, en particulier les mots, y compris les noms de personne, les lettres, les chiffres, les éléments figuratifs et les combinaisons de couleurs, ainsi que toute combinaison de ces signes, seront susceptibles d'être enregistrés comme marques (article 15.1 de l'Accord sur les ADPIC). Dans la plupart des pays, les marques ne peuvent être protégées que si elles sont enregistrées auprès des pouvoirs publics. La protection conférée par la loi à une marque consiste essentiellement à rendre illégale, pour toute personne autre que le titulaire de la marque, l'utilisation de cette marque ou d'un signe qui lui ressemble, au moins en relation avec des produits pour lesquels elle a été enregistrée ou avec des produits analogues. L'article 16 de l'Accord sur les ADPIC énonce les droits conférés par les marques, en particulier par les marques notoirement connues.
57. L'Accord sur les ADPIC prévoit aussi des dispositions concernant notamment l'objet de la protection, la durée de la protection, l'obligation d'usage, ainsi que les licences et la cession.
58. Une autre catégorie d'objets de la propriété industrielle est constituée par les "noms commerciaux et les désignations commerciales".
59. Un nom commercial est le nom ou la désignation permettant d'identifier l'entreprise. Dans la plupart des pays, les noms commerciaux peuvent être enregistrés auprès des pouvoirs publics. Selon l'article 8 de la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle, cependant, le nom commercial doit être protégé sans obligation de dépôt ou d'enregistrement, qu'il fasse ou non partie d'une marque. En général, la protection signifie, d'une part, que le nom commercial d'une entreprise donnée ne peut pas être utilisé par une autre entreprise comme nom commercial ou comme marque de produits ou de services, et, d'autre part, qu'un nom ou une désignation qui ressemble au nom commercial au point de pouvoir induire le public en erreur ne peut pas être utilisé par une autre entreprise.
60. Il reste enfin à traiter, parmi les désignations commerciales, des indications géographiques.
61. L'Accord sur les ADPIC (articles 22 à 24) impose certaines obligations en ce qui concerne la protection des indications géographiques, qui sont définies, aux fins de l'accord, comme "les indications qui servent à identifier un produit comme étant originaire du territoire d'un membre, ou d'une région ou localité de ce territoire, dans le cas où une qualité, réputation ou autre caractéristique déterminée du produit peut être attribuée essentiellement à cette origine géographique". Les notions d'"indication de provenance" et d'"appellation d'origine", utilisées dans la Convention de Paris, englobent les indications géographiques telles qu'elles sont définies dans l'Accord sur les ADPIC.
62. Constitue une indication de provenance toute dénomination, toute expression ou tout signe qui indique qu'un produit ou un service provient d'un pays, d'une région ou d'un lieu déterminé (par exemple : "made in ..."). D'une manière générale, l'utilisation d'indications de provenance fausses ou fallacieuses est illicite.
63. Constitue une appellation d'origine la dénomination d'un pays, d'une région ou d'un lieu déterminé servant à désigner un produit qui en est originaire et dont les qualités caractéristiques sont dues exclusivement ou essentiellement au milieu géographique, c'est-à-dire à des facteurs naturels ou humains. L'utilisation d'une appellation d'origine n'est licite que pour un certain cercle de personnes ou d'entreprises situées dans la zone géographique en question et en relation avec les produits particuliers qui en sont originaires (par exemple, "Bordeaux").
64. Enfin, dernier objet de la protection de la propriété industrielle, la protection contre la concurrence déloyale. Cette protection, requise en vertu de l'article 10bis de la Convention de Paris, s'exerce à l'encontre des actes de concurrence contraires aux usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale. Constituent en particulier des actes de concurrence déloyale par rapport à la propriété industrielle : tous les actes de nature à créer une confusion avec l'établissement, les produits ou l'activité industrielle ou commerciale d'un concurrent; les allégations fausses dans l'exercice du commerce, de nature à discréditer l'établissement, les produits ou l'activité industrielle ou commerciale d'un concurrent; les indications ou allégations dont l'usage, dans l'exercice du commerce, peut induire le public en erreur sur les caractéristiques des marchandises.
65. La protection contre la concurrence déloyale complète la protection des inventions, des dessins et modèles industriels, des marques de produits ou de services et des indications géographiques. Ce type de protection est particulièrement important en ce qui concerne le savoir-faire, c'est-à-dire les techniques ou les informations qui ne sont pas protégées par un brevet mais qui peuvent être nécessaires pour tirer le meilleur parti d'une invention brevetée.
66. L'article 39 de l'Accord sur les ADPIC contient des dispositions sur la protection des renseignements non divulgués (secrets de fabrication ou secrets d'affaires). En assurant une protection effective contre la concurrence déloyale conformément à l'article 10bis de la Convention de Paris, les parties à l'Accord sur les ADPIC sont tenues de donner aux personnes physiques et morales la possibilité d'empêcher que des renseignements licitement sous leur contrôle ne soient divulgués à des tiers ou acquis ou utilisés par eux sans leur consentement et d'une manière contraire aux usages commerciaux honnêtes, sous réserve que ces renseignements :
a) soient secrets en ce sens que, dans leur globalité ou dans la configuration et l'assemblage exacts de leurs éléments, ils ne sont pas généralement connus de personnes appartenant aux milieux qui s'occupent normalement du genre de renseignements en question ou ne leur sont pas aisément accessibles;
b) aient une valeur commerciale parce qu'ils sont secrets; et
c) aient fait l'objet, de la part de la personne qui en a licitement le contrôle, de dispositions raisonnables, compte tenu des circonstances, destinées à les garder secrets.
[Les notes suivent]
NOTES
1) La Convention instituant l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI), signée à Stockholm le 14 juillet 1967, précise qu'il faut entendre par "'propriété intellectuelle', les droits relatifs :
[1] aux uvres littéraires, artistiques et scientifiques,
[2] aux interprétations des artistes interprètes et aux exécutions des artistes exécutants, aux phonogrammes et aux émissions de radiodiffusion,
[3] aux inventions dans tous les domaines de l'activité humaine,
[4] aux découvertes scientifiques,
[5] aux dessins et modèles industriels,
[6] aux marques de fabrique, de commerce et de service, ainsi qu'aux noms
commerciaux et dénominations commerciales,
[7] à la protection contre la concurrence déloyale;
et tous les autres droits afférents à l'activité intellectuelle dans les domaines industriel, scientifique, littéraire et artistique" (article 2.viii)).
Les objets mentionnés au point 1 appartiennent à la branche "droit d'auteur" de la propriété intellectuelle. Les objets mentionnés au point 2 constituent ce que l'on appelle généralement les "droits voisins" (c'est-à-dire voisins du droit d'auteur). Les objets mentionnés aux points 3, 5, 6 et 7 constituent la branche "propriété industrielle" de la propriété intellectuelle. L'objet mentionné au point 4 - les découvertes scientifiques - ne relève d'aucune des deux branches de la propriété intellectuelle. Il a même été dit que les découvertes scientifiques n'auraient pas dû être mentionnées parmi les diverses formes de propriété intellectuelle étant donné qu'aucune loi nationale ni aucun traité international ne reconnaît de droit de propriété sur les découvertes scientifiques. Il ne faut pas confondre découvertes scientifiques et inventions. Le Traité de Genève concernant l'enregistrement international des découvertes scientifiques (1978) - qui n'est pas entré en vigueur - définit une découverte scientifique comme "la reconnaissance de phénomènes, de propriétés ou de lois de l'univers matériel non encore reconnus et pouvant être vérifiés" (article 1.1)i)). Les inventions sont des solutions nouvelles apportées à des problèmes techniques particuliers. Ces solutions doivent naturellement reposer sur les propriétés ou les lois de l'univers matériel (faute de quoi elles ne seraient pas matériellement ("techniquement") applicables), mais il ne doit pas nécessairement s'agir de propriétés ou de lois "non encore reconnues". Une invention consiste en une nouvelle utilisation, une nouvelle utilisation technique, desdites propriétés ou lois, qui peuvent être reconnues ("découvertes") en même temps que l'invention est faite ou être déjà reconnues ("découvertes") avant l'invention et indépendamment de celle-ci.
2) L'inscription est rédigée en latin; sa traduction française est la suivante : "De l'esprit humain naissent les uvres d'art et d'invention. Ces uvres assurent aux hommes la dignité de la vie. Il est du devoir de l'État de protéger les arts et les inventions."
[Fin du document]