Indice mondial de l’innovation 2024 : soutenir la croissance des pôles d’innovation africains de premier plan

20 novembre 2024

McLean Sibanda (Bigen Group), Philippe Kuhutama Mawoko (Université du Kwango), Lukovi Seke (AUDA-NEPAD), Loretta Asiedu, Davide Bonaglia, Lorena Rivera León, Mody Oluwatobiloba et Sacha Wunsch-Vincent (OMPI)
L’évolution dynamique de l’Afrique témoigne d’un engagement croissant en faveur d’un continent axé sur l’innovation.

L’Afrique connaît une véritable mutation dans le domaine de la science et de la technologie, témoignant d’un engagement croissant en faveur de l’innovation sur l’ensemble du continent. Cette évolution est soutenue par les politiques et stratégies de l’Union africaine (UA) telles que la Stratégie pour la science, la technologie et l’innovation pour l’Afrique 2015-2024 (STISA-2024), bientôt STISA-2034, qui propose un dispositif à l’échelle du continent pour accélérer la transition de l’Afrique vers une économie fondée sur l’innovation et les connaissances dans le cadre général de l’Agenda 2063.

Le 26 septembre 2024, le Bureau international de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) a lancé l’Indice mondial de l’innovation 2024. Le tableau 1 montre les résultats des économies africaines à l’Indice mondial de l’innovation 2024 en proposant un classement global, mais aussi un classement des moyens mis en œuvre et des résultats. Le nouvel explorateur de données et d’écosystèmes d’innovation de l’Indice mondial de l’innovation 2024 peut être utilisé pour accéder à des fiches pays détaillées, qui s’intéressent à l’écosystème d’innovation de chaque pays.

  • Maurice arrive en tête de la région, passant du 57e au 55e rang; elle se distingue également parmi les économies de l’Indice mondial de l’innovation qui ont le plus progressé depuis 2019.
  • Le Maroc se classe au 66e rang et fait partie des économies classées à l’Indice mondial de l’innovation qui ont le plus progressé depuis 2014.
  • L’Afrique du Sud occupe la 69e place, suivie de la Tunisie (81e) et de l’Égypte (86e).
  • Le Botswana se classe à la 87e place, tandis que Cabo Verde a progressé de la 91e à la 90e place, que le Sénégal est passé de la 93e à la 92e et que le Kenya a fait un bond notable en passant de la 100e à la 96e place. [1]

Tableau 1 : Classement des économies africaines à l’Indice mondial de l’innovation 2024 

Source : Indice mondial de l’innovation 2024 de l’OMPI

Selon l’Indice mondial de l’innovation, les économies africaines se démarquent généralement par des résultats en matière d’innovation supérieurs aux attentes compte tenu de leur niveau de développement, par rapport à d’autres régions du monde. La figure 1 montre les résultats des pays africains par rapport à leur niveau de développement (par exemple, le PIB par habitant).

  • Le Rwanda, Madagascar, le Sénégal, l’Afrique du Sud, le Burundi et le Maroc sont les pays qui dépassent le plus souvent toutes les attentes en matière d’innovation dans la région.
  • Le Rwanda dépasse les attentes en matière d’innovation depuis 2012, tandis que Madagascar affiche des progrès constants depuis 2016.
  • Le Sénégal et le Maroc ont également fait des progrès considérables en matière d’innovation par rapport à leur PIB par habitant, soulignant leur potentiel en tant que pôles d’innovation émergents.
  • Enfin, l’Afrique du Sud maintient de bonnes performances selon cet indicateur depuis 2018, tandis que le Burundi a enregistré des améliorations notables au cours des dernières années.

Plusieurs autres économies africaines affichent des résultats conformes à leur niveau de développement, comme le montrent les points bleus dans le diagramme à bulles. Ces pays sont notamment Cabo Verde, l’Égypte, le Ghana, le Kenya, Mozambique, Maurice, le Nigéria, le Togo, la Tunisie, la République-Unie de Tanzanie, l’Ouganda, la Zambie et le Zimbabwe.

Figure 1 : Résultats en matière d’innovation des économies africaines au regard de leur niveau de développement.

Remarque : la taille des bulles est fonction de la population. La courbe de tendance à spline cubique présente les résultats escomptés en matière d’innovation à différents niveaux du PIB par habitant pour toutes les économies couvertes par l’Indice mondial de l’innovation 2024.

Source : Indice mondial de l’innovation 2024 de l’OMPI.

L’aspiration de l’Afrique à gravir les échelons de l’innovation se manifeste également par l’émergence d’importants pôles scientifiques et technologiques sur l’ensemble du continent.

Depuis 2016, l’Indice mondial de l’innovation adopte une approche ascendante pour identifier les principales régions du monde en fonction de leurs capacités d’innovation et de deux paramètres essentiels. Le premier porte sur la localisation des inventeurs figurant dans les demandes de brevet publiées dans le cadre du Traité de coopération en matière de brevets (PCT) de l’OMPI, tandis que le second s’intéresse aux auteurs d’articles scientifiques publiés.

Pour la première fois, un pôle africain rejoint le classement des 100 premiers en 2024, avec l’arrivée du Caire dans le classement des 100 premiers pôles scientifiques et technologiques mondiaux selon l’Indice mondial de l’innovation de l’OMPI. Auparavant, aucune ville ou région africaine ne faisait partie de cet illustre groupe de tête.

Au-delà de la présence du Caire parmi les 100 premiers mondiaux, l’Indice mondial de l’innovation 2024 a mis en évidence les 50 principaux pôles scientifiques et technologiques en Afrique, c’est-à-dire les villes et régions où se concentrent la science et la technologie, mais qui, à l’exception du Caire, ne figurent pas encore parmi les 100 premiers [2]. [2]

Dans ce classement des 50 premiers pôles africains, les cinq premiers pôles africains après Le Caire sont Johannesburg/Pretoria[3] (Afrique du Sud), Le Cap (Afrique du Sud), Tunis (Tunisie) et Alexandrie (Égypte). L’Égypte est en tête du continent avec 11 pôles, suivie par l’Afrique du Sud avec huit pôles, dont le principal est celui de Johannesburg. Le Maroc se classe en troisième position avec cinq pôles, menés par Rabat, tandis que le Nigéria et la Tunisie ont chacun 4 pôles, menés respectivement par Ibadan et Tunis. L’Éthiopie et le Ghana comptent chacun deux pôles, menés par Addis-Abeba et Accra. Le Kenya, avec Nairobi comme pôle principal, vient compléter la liste avec un pôle.

Tableau 2 : Principaux pôles scientifiques en Afrique

Source : Pôles scientifiques et technologiques selon l’Indice mondial de l’innovation 2024 de l’OMPI,

La figure 2 représente visuellement la répartition géographique de ces principaux pôles scientifiques et technologiques sur le continent, tels qu’ils sont indiqués dans le rapport sur l’Indice mondial de l’innovation 2024.

Figure 2 : Principaux pôles scientifiques en Afrique

Principaux pôles scientifiques en Afrique

Source : Pôles scientifiques et technologiques selon l’Indice mondial de l’innovation 2024 de l’OMPI,

La figure 3 donne une vue d’ensemble de la répartition des activités scientifiques et technologiques en Afrique. Chaque point représente un inventeur selon le PCT ou un auteur d’article scientifique. Des régions telles que Le Caire, Johannesburg et Ibadan abritent des pôles d’activité très denses, reflétant leur situation de centres d’innovation de premier plan en Afrique. Néanmoins, il existe également des régions où une activité importante est observée en dehors des pôles les mieux classés. L’Afrique centrale et l’Afrique de l’Ouest, par exemple, affichent une activité émergente, avec des points importants au Nigéria, au Ghana et au Cameroun.

Figure 3 : Répartition des activités scientifiques et technologiques en Afrique

Répartition des activités scientifiques et technologiques en Afrique

Source : Pôles scientifiques et technologiques selon l’Indice mondial de l’innovation 2024 de l’OMPI,

Il est important de noter que les pôles africains sont principalement liés aux publications scientifiques plutôt qu’à l’activité de dépôt de demandes de brevet selon le PCT – il s’agit donc, à première vue, davantage de pôles scientifiques avec une activité de publication scientifique que de pôles scientifiques et technologiques à part entière, avec une activité de dépôt de demandes de brevet selon le PCT substantielle.

Il serait néanmoins erroné de supposer que les pôles scientifiques et technologiques africains ne mènent aucune activité dans le domaine des brevets et de la propriété intellectuelle. En effet, si certains de ces pôles ont une activité de dépôt de demandes de brevet selon le PCT relativement modeste, les pays en question – et très probablement les pôles en question – font preuve d’une activité croissante des dépôts de demandes de brevet au niveau national. En d’autres termes, des économies comme l’Égypte, l’Afrique du Sud, le Maroc et la Tunisie, où sont situés les principaux pôles scientifiques et technologiques africains, observent une croissance de l’activité des résidents résidents en matière de dépôt de demandes de brevet auprès de l’office national de la propriété intellectuelle.

En effet, au cours des deux dernières décennies, l’Afrique a connu une augmentation prometteuse des dépôts de demandes de brevet, passant d’environ un millier de brevets en 2004 à environ 3 500 par an en 2022. [4] La croissance a été en moyenne de 4,7% par an, bien que marquée par des fluctuations. Les inventeurs africains ne se contentent pas de produire de nouvelles idées, ils cherchent également à les protéger et à les commercialiser.

Figure 4 : Tendances des demandes de brevet déposées en Afrique, par origine, 2004-2022

Source : Centre de données statistiques de propriété intellectuelle de l’OMPI

Cette tendance se manifeste également dans l’activité en matière de brevets des diverses économies africaines. Plusieurs pays ont enregistré une augmentation des dépôts de demandes de brevet entre 2004 et 2022. Madagascar arrive en tête avec un taux de croissance annuel impressionnant de 192%, ce qui témoigne d’une forte progression de ses activités en matière de propriété intellectuelle. Le Bénin suit de près avec 170%, et l’Ouganda avec 119%, bien que ces pays partent parfois de niveaux très bas.

On peut également citer le Burkina Faso, la République démocratique du Congo et le Mali, qui affichent chacun un taux de croissance annuel d’environ 68%. L’Égypte, avec un taux de croissance annuel de 66% sur la période 2004-2022, enregistre également une augmentation de son activité en matière de brevets. L’Afrique du Sud, qui compte déjà un nombre important de dépôts de demandes de brevet, continue de croître à un rythme de 60% par an, ce qui renforce sa position en tant que l’un des principaux centres d’innovation du continent. Le Kenya a également multiplié par 10 le nombre de demandes de brevet déposées par habitant, passant de 31 en 2004 à 367 en 2022.

Le tableau 3 donne un aperçu des activités de propriété intellectuelle dans les pays africains entre 2018 et 2022, y compris les demandes de brevet déposées par les résidents, les dépôts selon le PCT, les marques et les dessins et modèles industriels. L’Afrique du Sud arrive en tête dans toutes les catégories, avec 5 221 brevets, 1 141 dépôts selon le PCT, 114 312 marques et 4 323 dessins ou modèles industriels. L’Égypte affiche également un niveau d’activité important, avec des chiffres élevés pour les demandes d’enregistrement de marques (110 375) et les dépôts de dessins et modèles industriels (9 248). Le Kenya et le Nigéria méritent également d’être mentionnés, avec respectivement 1 418 et 1 231 demandes de brevet déposées par des résidents. Le Maroc et l’Algérie, en revanche, affichent une forte activité en matière de marques, avec 49 043 et 29 865 demandes d’enregistrement déposées par des résidents. Le Ghana se distingue également par le nombre élevé de dépôts de dessins et modèles industriels (2 382), ce qui laisse supposer qu’il met l’accent sur les industries de la création.

Tableau 3 : Aperçu de l’activité en matière de propriété intellectuelle dans les pays africains

Source : Centre de données statistiques de propriété intellectuelle de l’OMPI

Compte tenu de ces excellents résultats, les années à venir seront cruciales pour développer et accélérer de manière systématique et durable les principaux systèmes et pôles d’innovation africains.

La collecte et l’analyse de données adéquates sur l’innovation – qui alimenteront également les futures éditions de l’Indice mondial de l’innovation et permettront de couvrir un plus grand nombre de pays – devraient être considérées comme une priorité.

Des informations plus détaillées sur le paysage de l’innovation en Afrique seront disponibles dans la quatrième édition de la revue African Innovation Outlook (AIO-2024).

Références

Notes de bas de page

[1] Pour une analyse plus détaillée des performances de l’Afrique en matière d’innovation, voir Mawoko et al. (2024) dans leur discussion sur l’Indice mondial de l’innovation et les stratégies d’industrialisation de l’Afrique, dans les Perspectives de l’innovation africaine 2023.

[2] La méthodologie applicable aux pôles de l’Indice mondial de l’innovation se fonde sur l’algorithme de regroupement spatial d’applications fondé sur la densité en présence de bruit (DBSCAN) pour recenser les domaines à forte concentration d’inventeurs et d’auteurs scientifiques. Pour l’Afrique, le paramètre de densité est ajusté pour refléter le taux relativement faible de dépôt de demandes de brevet et de publications scientifiques, afin que les pôles émergents soient correctement pris en considération. La méthodologie permet d’équilibrer la répartition géographique de l’innovation tout en garantissant une représentation solide des activités d’innovation dans les différentes régions.

[3] Johannesburg inclut Pretoria, qui se trouve à 65 km.