Le logo traditionnel Dilmah (marque communautaire n°E4314167 de l'Union européenne).
Généralités
Merrill J. Fernando grandit dans le village de Pallansena, dans la région du sud-est de la République démocratique socialiste de Sri Lanka où dans les années 40 il passe une partie de ses vacances scolaires chaque année sur les plantations de thé qui appartient aux familles de certains de ses proches amis. Il est marqué par le dur travail et l’implication des producteurs de thé. En dépit du caractère prenant et éreintant de leurs longues heures de travail, M. Fernando est toujours impressionné par la bonne nature et l’attitude positive des agriculteurs, qui sourient en toutes circonstances. C’est ainsi que plus il leur rend visite, plus il apprend à les aimer, et qu’il tombe amoureux du thé et de l’industrie du thé.
Recherche-développement
Dans les années 50, après avoir terminé ses études supérieures, M. Fernando part pour la capitale de Colombo dans l’idée de devenir goûteur de thé. L’industrie du thé vient juste d’être nationalisée, après l’indépendance de Sri Lanka en 1948, et la gestion des plantations de thé vient de passer sous le contrôle de l’État. L’industrie du thé pâtit fortement de cette période de transition car les nouveaux dirigeants connaissent mal les aspects les plus importants de la culture et de la production du thé. Dans le but de mettre au point et de commercialiser un thé pour les populations locales, quelques entreprises britanniques décident de former six personnes, parmi lesquelles le jeune M. Fernando. C’est alors que son amour du thé et le temps qu’il a passé dans sa jeunesse sur les plantations de ses amis lui sont fort utiles. “J’avais passé du temps dans les plantations à observer comment le thé était cultivé puis fabriqué, et j’avais maintenant l’occasion de me lancer dans son commerce” déclare-t-il. Ainsi, en commençant par goûter le thé, puis en passant par l’étape de mélange, M. Fernando devient vite un spécialiste de l’industrie du thé de Sri Lanka.
À l’âge de 24 ans, M. Fernando part pour Mincing Lane à Londres, alors le haut-Lieu du thé qui abrite le siège des grands établissements importateurs mondiaux de thé. Pendant deux ans, il apprend tout sur la production de thé, et l’utilisation du thé de Sri Lanka. Il apprend bientôt comment ce thé est le plus souvent mélangé avec d’autres thés qui ne proviennent pas de Sri Lanka mais est généralement commercialisé en Europe comme un pur thé de Sri Lanka. À son grand effroi, il découvre également que le thé provenant de son pays est généralement traité comme une matière première et exporté à un très faible coût. En d’autres termes, il découvre que les producteurs de thé de Sri Lanka ne perçoivent qu’une faible partie des bénéfices des grandes entreprises de thé qui profitent à d’autres. Face à cette inégalité, M. Fernando prend conscience qu’il lui appartient d’agir pour que les bénéfices tirés du thé de Sri Lanka profitent davantage aux producteurs locaux.
À la fin de sa première année de formation, M. Fernando s’inquiète de plus en plus car les producteurs ne touchent pas grand-chose et en outre, le mélange excessif de thés se traduit par une faible qualité de ces derniers. Il redoute que le fait de mélanger le thé de Sri Lanka à d’autres thés ne nuise à sa notoriété auprès des consommateurs. Il décide d’agir pour protéger la réputation et la popularité que ce thé risque de perdre, ce qui ne serait pas sans conséquences financières pour les producteurs au Sri Lanka pour qui le thé représente le principal moyen de subsistance. C’est ainsi qu’au cours de sa deuxième année de formation, M. Fernando commence à planifier comment élaborer et commercialiser son propre thé 100% d’origine de Sri Lanka qu’il cultivera, traitera et emballera localement.
Commercialisation
Vingt années de stagnation vont suivre la nationalisation de l’industrie du thé au Sri Lanka : les cultures périssent et les prix s’effondrent. “Nous avons traversé une période terrible” raconte M. Fernando, mais avec le retour à des modes de production classiques et à une gestion assure par le secteur privé, les plantations redeviennent viables. Constatant l’efficacité de cette nouvelle gestion, le Gouvernement de Sri Lanka décide de privatiser le secteur du thé et de vendre les plantations à des particuliers et des entreprises privées. En 1974, M. Fernando achète ses premières plantations pour se faire la main en produisant un thé pur de Sri Lanka, et fonde en 1981 la Ceylon Tea Services Limited (CTS). Avec la croissance de cette entreprise, il implante des filiales dans d’autres pays. CTS et toutes les sociétés que possède M. Fernando sont des filiales de MJF Holdings, Limited (MJF Holdings).
Le thé de Sri Lanka a la réputation d’être un des meilleurs thés au monde (photo : Ranil Amarasuriya)
Au cours des premières années, le jeune chef d’entreprise a des difficultés à entrer en concurrence avec les sociétés multinationales de production de thé bien établies, et de transformer son rêve en réalité. Il peine à trouver des acheteurs pour son thé et à maintenir ses jeunes plantations à flot. Pendant une grande partie du début de sa carrière, M. Fernando va essentiellement vendre son thé aux entreprises multinationales de production de thé telles que Lipton et Tetley qui vont alors le commercialiser sous leurs propres noms de marques. Dans les années 70, ces sociétés ainsi que les autres grandes entreprises de thé multinationales commencent à acheter moins de thé de Sri Lanka, car elles le mélangent avec des thés meilleur marché provenant d’autres pays comme l’Inde et la Chine. Ces thés mélangés sont alors commercialisés en tant que thés de Sri Lanka et ce fait ils sont vendus plus chers que les thés indiens ou chinois, ce qui profite à ces grandes entreprises qui voient leurs bénéfices augmenter. Malheureusement, pour les cultivateurs, producteurs et négociants de Sri Lanka, cette hausse va être synonyme de disparition de leur principal moyen de subsistance. Perturbé par la tournure des évènements, M. Fernando décide de ramener la prospérité dans le secteur du thé de son pays en créant, produisant, vendant et promouvant une nouvelle marque de thé 100% d’origine de Sri Lanka sous le nom de marque de Dilmah (amalgame des noms de ses deux fils Dilhan et Malik). Il décide de positionner sa nouvelle entreprise sur le marché du thé 100% d’origine de Sri Lanka et ne déroge pas à son engagement à ne le mélanger à aucun autre thé. Cette nouvelle entreprise familiale essaie tout d’abord de vendre le thé Dilmah aux grandes entreprises internationales dans ce domaine et aux supermarchés étrangers, mais ces derniers pour la plupart n’ont jamais entendu parler de cette marque et ne se laissent pas facilement convaincre de donner une chance à cette nouvelle entreprise. “Il était très difficile d’obtenir ne serait-ce qu’un rendez-vous avec ces grands magasins” explique Jaliya Wickramasuriya, ancien cadre de Dilmah.
Dans le milieu des années 80, la situation commence à véritablement changer lorsque M. Fernando parvient à pénétrer le marché australien par le biais d’un partenariat avec Coles, l’un des plus gros détaillants d’Australie. Au début cette grande entreprise se montre sceptique car la marque de M. Fernando est une marque nouvelle, méconnue et en concurrence avec les grandes entreprises internationales de thé. Il faudra deux ans à M. Fernando pour convaincre Coles que les consommateurs choisiront un thé pur de Sri Lanka s’ils trouvent celui-ci dans leurs rayons. “Croyez-moi” va-t-il alors déclarer aux dirigeants de Coles “prenez deux de mes produits et mettez-les en rayon, je suis sûr que les consommateurs vont aimer ce thé”. Impressionné par son assurance et sa volonté, Coles lui passe commande pour un thé qui sera vendu sous le nom de marque de ce grand magasin. Coles décide tout d’abord de faire un essai avec ce nouveau thé sur un seul point de vente, mais sa popularité devient telle qu’en six mois l’entreprise le met en vente sur cinq points de vente. En deux ans, le thé de M. Fernando est en vente sur les rayons de tous les magasins Coles de toute l’Australie. Son thé gagne ainsi une bonne réputation auprès des consommateurs, ce qui lui permet de le lancer enfin sous son propre nom de marque.
La réaction positive des consommateurs à la réapparition du thé 100% d’origine de Sri Lanka et le succès de ses ventes permettent à M. Fernando de faire pression sur Coles et les autres acheteurs de thé, et ainsi en 1988, il peut lancer officiellement Dilmah comme marque indépendante. M. Fernando a confiance en la qualité de son thé : en effet, celui-ci passe directement des plantations aux rayons des magasins en quelques semaines, ce qui lui permet de conserver toute sa fraîcheur, et d’offrir une qualité bien supérieure à celle des produits commercialisés par les grandes entreprises internationales. Son succès sur le marché australien augmente fortement la notoriété de sa marque, et lui permet de pénétrer le marché international à plus grande échelle. Après la montée en flèche des ventes en Australie, Dilmah est bientôt en vente dans la Nouvelle-Zélande voisine et d’autres pays d’Océanie et d’Asie. Le thé Dilmah se vend alors rapidement dans d’autres pays, et dans les années 90, il devient l’un des thés les plus populaires d’Europe et d’Amérique du Nord.
Au début des années 2000, une initiative majeure de commercialisation est mise en œuvre avec la création du t-Bar Dilmah, prévu pour déguster une large variété de thés dans une ambiance accueillante. “Le t-Bar Dilmah est le premier véritable concept moderne de ‘corner du thé’ pour déguster sur place ou acheter du thé à l’intérieur d’un établissement” explique M. Fernando. “À la différence de ses concurrents, Dilmah n’a pas voulu copier les concepts de coins café traditionnels et a investi deux ans en recherche-développement d’un concept novateur et révolutionnaire. Ces études se sont traduites par la mise en place d’une collection mondiale des plus ésotériques et éclectiques de boutiques de thés offrant 39 thés différents provenant de plantations choisies, avec plus de 100 recettes différentes, toutes à base de thé” explique M.Fernando. Dans les t-Bars, les visiteurs peuvent goûter toutes ces variétés différentes, et également apprendre à faire le thé et comment l’apprécier et le déguster, de la même manière que les passionnés d’œnologie dégustent le vin dans une cave. Ces efforts ont pour but de montrer aux consommateurs que la qualité élevée du thé Dilmah mérite un prix à sa hauteur.
Dès 2011, grâce à ces stratégies Dilmah devient la seule entreprise productrice internationale de thé de Sri Lanka. C’est une des rares sociétés à intégration verticale du monde, qui cultive son thé dans ses propres plantations (dont certaines des meilleures plantations de Sri Lanka) et utilise un matériel des plus récents pour imprimer, empaqueter, expédier et commercialiser son thé. Ce type de “commercialisation verticale” reflète la vision de M. Fernando du thé Dilmah, et comme il aime à le répéter “Ma famille s’occupe de votre thé, de l’arbre directement dans votre tasse”.
Création de marques
Tôt déjà, M. Fernando prend conscience que pour pouvoir concurrencer de grandes entreprises multinationales, il doit commercialiser avec succès sa propre marque. “Si je ne m’étais pas jeté dans les questions de valorisation de marque et de commercialisation, j’aurais fermé mon entreprise en deux ou trois ans” déclare-t-il. La création d’un nom et d’une image de marque était certes capitale, mais M. Fernando savait également qu’il devait l’associer à un produit unique de la plus haute qualité. “J’ai alors réalisé que sans un produit unique, avec des caractéristiques uniques, je n’avais aucune chance de réussir” explique-t-il. Ce produit spécifique devait, en outre, être appuyé par une marque puissante. “Je voulais commercialiser le meilleur thé sur terre et le produire de manière éthique et surtout partager mes revenus avec les pauvres et la communauté”, ajoute-t-il.
La marque Dilmah de M. Fernando est axée sur une simple philosophie : une production éthique. Le thé Dilmah est cultivé, récolté, traité et empaqueté puis commercialisé par les exploitants et les ouvriers locaux au Sri Lanka. C’est la seule manière de permettre à ceux qui s’investissent totalement dans ce dur travail de profiter de ces bénéfices, et c’est également une mesure d’incitation dont les économies locales ont grandement besoin. “Il ne s’agit pas seulement de commerce équitable, c’est tout simplement la manière la plus équitable de commercialiser un produit” déclare M. Fernando. Lorsque les consommateurs voient la marque Dilmah, ils savent que ce thé présente non seulement la meilleure qualité, mais qu’il a été cultivé, traité et commercialisé selon des règles d’équité au Sri Lanka, et que les bénéfices financiers permettent à ceux qui le méritent d’en vivre.
Ce concept de grande qualité et de production éthique continue d’être la clé du succès du thé Dilmah, comme cela est rappelé sur chaque emballage de thé avec les mots “thé de Ceylan pur 100%”. Ce simple slogan marque le consommateur. La marque Dilmah se fonde sur deux concepts essentiels. Tout d’abord, le thé conserve son intégrité et est produit de manière éthique. Ensuite, il s’agit uniquement d’un thé pur de Sri Lanka qui figure parmi les meilleurs thés du monde. Lorsque les consommateurs achètent du thé Dilmah, ils savent qu’ils achètent un thé pur de Sri Lanka, et non pas un produit mélangé ou dilué. C’est là une caractéristique extrêmement importante qui donne à Dilmah un net avantage sur ses concurrents.
La majorité des grands producteurs et des grandes marques de thé mélangent leurs thés avec plusieurs variétés, notamment jusqu’à 35 variétés de différentes origines dans le monde entier. Néanmoins, chaque paquet de thé Dilmah ne contient qu’une seule sorte de thé qui ne provient que d’une seule région de Sri Lanka, ce qui le différencie considérablement de tous les autres thés et garantit sa qualité aux yeux des consommateurs. D’après le classement Euromonitor International 2009, les consommateurs apprécient grandement ce thé qui se situait cette année-là parmi les huit plus grandes marques de thé et était classé n° 3 mondial des principales marques de thé de dégustation. C’est là le fruit de toutes les initiatives menées par M. Fernando pour garantir l’équité du thé et de ses conditions de production, et en conséquence la marque Dilmah est devenue synonyme d’intégrité et de qualité pour les consommateurs.
La stratégie de marque de Dilmah consiste également à communiquer aux consommateurs la philosophie de l’entreprise, y compris son mode de gestion familiale, qui fait écho auprès de nombreux petits chefs d’entreprise et entrepreneurs. Au lieu de véhiculer ces idées par le biais de publicités, l’entreprise a choisi d’inclure un court message de M. Fernando dans chaque paquet de thé Dilmah, expliquant l’histoire de l’entreprise, les valeurs de la famille et son engagement à aider les pauvres et les communautés locales. Sur chaque paquet figure également la ligne suivante “un PDG qui fabrique son propre thé” qui accompagne un petit paragraphe vantant les qualités uniques du thé Dilmah, affirmant l’engagement personnel de M. Fernando en ce qui concerne son thé et la responsabilité sociale que l’entreprise assume totalement. “Si je n’avais pas associé ces valeurs à la marque, je n’aurais pas résisté à l’assaut des grandes entreprises” explique M. Fernando à propos de l’importance de la valeur ajoutée de la marque Dilmah.
Tandis que les concurrents de Dilmah ont tendance à axer leurs politiques sur la baisse des prix, la MJF Holdings consacre tous ses efforts à produire la meilleure qualité de thé possible et à associer cette dernière au nom de sa marque. Par conséquent, le thé Dilmah présente un prix plus élevé que celui de ses concurrents dans la plupart des pays, ce qui lui a gagné une réputation positive car dans l’esprit des consommateurs son prix élevé est associé à un haut niveau de qualité. Les études de marché réalisées et les réactions en retour des consommateurs ont appris à la MJF Holdings que les consommateurs ont tendance à acheter Dimmah car ils ne sont pas satisfaits des thés, certes, meilleurs marchés, mais de moins bonne qualité et recherchent quelque chose de mieux, même si cela implique de payer un peu plus. Comme le déclare M. Fernando “si la qualité est bonne, les consommateurs suivent”.
Les consommateurs sont séduits par cette approche personnelle en matière de marques, avec laquelle il est plus facile de se sentir concerné qu’avec celles adoptées par nombre de concurrents du Groupe MRF. La stratégie suivie par l’entreprise consiste à faire expliquer l’histoire de la culture du thé par M. Fernando, qui déclare avec passion qu’il a “fait pousser ceci ou cela dans son jardin pour vous l’apporter”. L’utilisation de la personnalité du fondateur, de ses mots, de ses valeurs confère un sens de confiance et d’intégrité à la marque, composante qui fait défaut à un grand nombre des concurrents de Dilmah. En effet, ces derniers s’appuient uniquement sur les personnes célèbres pour commercialiser leur thé. “Si vous demandez à des célébrités de déclarer qu’elles ont fait pousser ceci et cela, l’effet obtenu ne peut être que de courte durée car le mois suivant, ces mêmes personnes connues feront l’article d’un autre produit à vendre” explique le fondateur. “Si vous avez l’audace de présenter vous-même votre produit, c’est un signe de confiance et d’intégrité”. Toute la stratégie commerciale de la MJF holdings pour le thé Dilmah s’articule autour de cette philosophie, et les consommateurs ont montré qu’ils pouvaient s’identifier à cette marque.
Marques
Le logo stylisé “Dilmah t”(marque numéro 167904, Office de la propriété intellectuelle de Nouvelle-Zélande)
Le nom de marque du thé Dilmah épouse les qualités et le caractère éthique de sa production. Pour cette raison, l’utilisation d’un système de propriété intellectuelle pour le protéger a toujours constitué un élément capital du succès de l’histoire du thé Dilmah. Comme l’explique M. Fernando “pour nous il est capital de protéger le nom de la marque car elle doit représenter la qualité et l’intégrité”. Il dépose tout d’abord une marque pour Dilmah auprès de l’Office de la propriété intellectuelle de Sri Lanka en 1974, mais ne l’utilise pas avant 1988, lorsqu’il lance réellement la marque Dilmah de manière indépendante. En effet, dès le début de son activité dans la production du thé dans les années 70, il comprend vite l’importance de la protection d’une marque commerciale par le biais de son enregistrement. À cette époque, M. Fernando emballe son thé sous différentes marques en vue de le commercialiser auprès de grands détaillants comme Coles en Australie. Cette place sur les marchés étrangers de détail auxquels de nombreux producteurs de thé de Sri Lanka ne parviennent pas, ou qu’avec grande difficulté, à accéder, lui vaut d’être approché par de nombreuses personnes peu scrupuleuses qui lui proposent de fortes sommes d’argent pour copier le thé et les marques de grandes entreprises de thé multinationales bien connues telles que Lipton.
Refusant de participer à de telles activités aussi peu éthiques, M. Fernando leur fait toujours la même réponse pleine de bon sens : “le meilleur endroit pour acheter du thé Lipton est auprès de Lipton”. M. Fernando aurait, certes, pu gagner des sommes potentielles considérables s’il n’avait pas refusé systématiquement de porter atteinte aux marques de ses concurrents, mais il n’avait aucun intérêt dans de telles activités douteuses. En outre, il ne souhaitait pas non plus voir son thé commercialisé sous la marque de ses concurrents qui vendait, selon lui, un thé de qualité inférieure. En dépit de ses initiatives pour freiner les atteintes portées à la propriété intellectuelle, bon nombre de ses pairs se lançaient alors dans des copies et portaient atteinte aux marques, en emballant leurs propres thés sous le nom de marques de grandes entreprises internationales de thé. Prenant conscience de l’ampleur des contrefaçons dans ce domaine, il comprend alors que pour réussir, il lui faut protéger sa marque Dilmah en l’enregistrant.
Sa marque de thé Dilmah va également voir ses droits subir de nombreuses atteintes et elle va être copiée par les mêmes personnes qui copient les marques de ses concurrents. Néanmoins, les enregistrements qu’il effectue en temps voulu vont lui permettre de réduire les conséquences de ces contrefaçons au minimum. En 1986, l’enregistrement auprès de l’Office de la propriété intellectuelle de Nouvelle-Zélande et un autre enregistrement de marque en 1992 auprès de l’Office de la propriété intellectuelle d’Australie permettent à Dilmah de l’emporter sur ses principaux concurrents, d’implanter solidement son nom et son image de marque, et de gagner la fidélité des consommateurs d’Océanie qui va représenter le plus grand marché de Dilmah dans les premières années de son histoire. MJF holdings utilise à bon escient le système de propriété intellectuelle de ces pays et continue d’enregistrer des marques et de déposer des noms de marques pour ses principaux produits, dont le nom de Dilmah avec un t stylisé qui est utilisé pour les emplacements de ses t-Bar Dilmah en Australie, en Nouvelle-Zélande, aux États-Unis d’Amérique auprès de l’Office des brevets et des marques des États-Unis d’Amérique (USPTO) et en tant que marque communautaire par le biais de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur de l’Union européenne (OHMI).
Avec l’expansion de Dilmah dans d’autres régions, M. Fernando veille à effectuer d’autres enregistrements de marques. En 1986, son entreprise enregistre le nom de Dilmah auprès de l’Institut national de la propriété intellectuelle de France et en 1966 il enregistre la même marque aux États-Unis d’Amérique auprès de l’USPTO. M. Fernando protège également la philosophie de son entreprise, notamment le libellé thé de Ceylan 100% pur à l’aide de marques enregistrées dans de nombreux pays, dont l’Australie, la Nouvelle-Zélande et comme marque communautaire dans l’Union européenne. Il ne s’agit là que de quelques-unes des nombreuses demandes de marques déposées par MJF Holdings dans le monde en vue de protéger la marque Dilmah. Les enregistrements stratégiques de l’entreprise ont permis de résister aux contrefaçons et le fondateur de cette société considère que la protection de sa marque a été l’un des piliers de sa réussite. “La première étape que je conseillerai à toute personne désireuse de lancer sa propre marque serait tout d’abord de la faire enregistrer” déclare-t-il. Conscient du risque de copie pouvant exister n’importe où, M. Fernando a toujours été très vigilant dans ses recherches et MJF Holdings a toujours déposé une marque avant d’utiliser un nom de marque dans un pays donné dans lequel le thé Dilmah devait être vendu. “Vous ne pouvez pas savoir où ils vont imprimer le nom de votre marque pour la copier” déclare-t-il à propos de l’importance de l’enregistrement d’une marque.
La prévoyance de M. Fernando qui a su faire enregistrer la marque Dilmah a fortement contribué au succès du thé et de MJF Holdings de bien des manières. La marque Dilmah est une représentation non seulement du produit physique, le thé, mais également de l’éthique et des pratiques commerciales de Dilmah en tant qu’entreprise et c’est là l’élément le plus important. Aux dires de M. Fernando, le thé qui présente une grande qualité et qui sait la conserver présente les meilleures chances de succès face au thé bon marché et de faible qualité vendu par la concurrence. Pour décrire l’importance de la relation entre les enregistrements effectués pour la marque Dilmah et la notoriété de cette dernière, M. Fernando souligne que leur stratégie se construit autour de cette marque qui est l’élément clé. Sans dépôt de marque protégeant le nom de cette dernière, son entreprise n’aurait pas pu construire sa clientèle et s’assurer de sa fidélité.
Savoirs traditionnels
La totalité du thé Dilmah est produite selon des processus traditionnels (photo : Nick Leonard)
La conservation des savoirs traditionnels entourant la production du thé Dilmah constitue un des principaux ingrédients et un aspect majeur de son succès. Lors de ses expériences dans les jardins de thé dans lesquels il travaillait l’été dans sa jeunesse, M. Fernando apprend dès son jeune âge combien il est important de préserver les méthodes traditionnelles qui permettent ainsi de produire un thé de meilleure qualité. Dilmah suit encore le même processus de production que ceux que M. Fernando a eu la possibilité d’observer dans les plantations de thé de son ami dans les années 50. Perfectionnées au cours des décennies par les cultivateurs sri-lankais, les feuilles de thé sont ramassées à la main et sont ensuite séchées (évaporation de leur humidité), roulées, oxydées (subissent une fermentation) et soumises à dessiccation à haute température (chauffage naturel) selon les procédés traditionnels. Les thés ainsi obtenus sont sophistiqués mais accessibles à tout le monde. Ils conservent une qualité supérieure à celle obtenue par les procédés de fabrication de thé plus récent tels que le procédé Crush, Tear, Curl (CTC). Ce procédé permet, certes, de produire des thés plus rapidement, mais il le fait au détriment de la qualité et de nombreux aspects naturels qui lui confèrent ses caractéristiques particulières. Comme le décrit M. Fernando, le procédé CTC crée “un thé sans âme” ce qui ne respecte pas la philosophie de son entreprise. Décidée à rester fidèle aux véritables savoirs traditionnels de la fabrication du thé, MJF Holdings garantit une production réalisée selon les méthodes classiques, quel que soit le temps requis.
Outre la réduction de qualité, l’usage intensif du procédé CTC parmi les principales entreprises multinationales de thé s’est traduit par une forte diminution du nombre de grades du thé. En effet, les thés produits selon le procédé CTC ne présentent plus que trois grades. Les grandes entreprises peuvent ainsi répondre à la demande massive des consommateurs sans consacrer trop de temps ni d’effort à la production du thé mais leur qualité est largement inférieure et leur choix plus restreint. En revanche, les procédés traditionnels susmentionnés utilisés pour produire du thé au Sri Lanka permettent d’obtenir jusqu’à 40 grades de thé différents, présentant chacun un caractère, un goût et un aspect différents. Cet éventail de grades offre aux consommateurs une large palette de thés de Sri Lanka parmi lesquels choisir, et chaque consommateur peut ainsi trouver le grade qui correspond à ses propres goûts.
Questions sociales
La production du thé selon des méthodes éthiques n’est pas simplement un slogan mais un principe de vie de l’entreprise, comme en atteste la création de la fondation Merrill J. Fernando Charitable (MJC) en 1999. Toutes les entreprises de MJF Holdings donnent 10% de leurs revenus à la fondation pour participer aux projets sociaux visant à améliorer la santé, l’éducation et la qualité de vie des populations de Sri Lanka. En outre, M. Fernando lui-même a donné un tiers de ses revenus personnels annuels à la fondation. La création de cette dernière reflète la volonté de M. Fernando de remercier les ouvriers et les collectivités qui l’ont aidé à transformer la petite marque locale peu connue en une des plus grandes marques de thé mondiales : Dilmah. MJF Holdings souligne clairement le rôle de tous ceux qui ont contribué au succès de Dilmah, en l’occurrence, les collectivités, l’environnement, les ouvriers et le personnel. “La richesse que nous avons acquise est le fruit de la coopération et de l’engagement de tous” explique M. Fernando. “J’ai décidé que tant que je serai là, je souhaitais partager ces richesses avec tous ceux qui m’ont aidé à la construire, et pour cette raison j’ai créé la fondation MJF”.
Résultats commerciaux
Grâce à cette stratégie consistant à fournir un thé frais, de très haute qualité et produit selon des méthodes éthiques, Dilmah est devenue l’une des plus grandes marques de thé du monde. Dès 2011, la marque est vendue dans plus de 100 pays. Elle est la deuxième marque la plus populaire en Australie et l’une des marques internationales les plus connues. Dilmah est la marque internationale de Sri Lanka la plus connue et constitue également le principal exportateur de thé du pays. Sur l’un de ses plus grands terrains, l’entreprise assure une production d’environ 10 000 kilogrammes par hectare. En 2009, selon les données de Datamonitor, Dilmah était la sixième plus grande marque de thé au monde. Cette entreprise a également étendu ses ramifications au tourisme : elle a transformé quatre de ses bungalows de planteurs datant de la fin des années 1800 dans le centre de Sri Lanka en luxueuses maisons d’hôtes connues sous le nom de “Tea Trails”. Ce concept innovateur plonge le voyageur dans la vie d’une plantation de thé et lui enseigne tout l’art de la production du thé. En 2011, les Tea Trails ont été classés meilleurs hôtels du monde par le plus grand site Web mondial de voyage “Trip Advisor” qui organise chaque année les “Traveler’s Choice Award” où les internautes classent leurs établissements favoris.
L’industrie mondiale du thé a, certes, souffert de l’affaiblissement de l’économie internationale et des intempéries de 2008 à 2009. Néanmoins Dilmah a pu se maintenir à flot grâce à la réputation de sa marque. En 2010, l’entreprise a enregistré un bénéfice après impôt de 537 millions de Roupies de Sri Lanka (soit environ 4,9 millions de dollars É.-U.) contre 487 millions de Roupies de Sri Lanka (soit environ 4,5 millions de dollars É.-U.) pour l’année précédente. Les ventes se sont également maintenues, et le chiffre d’affaires de 2010 présente une hausse de 11,6% par rapport à celui de l’année précédente. La notoriété de la marque Dilmah et la réussite des initiatives visant à assurer sa promotion sont les clés de la stabilité du succès commercial de cette marque qui est devenue l’une des marques de thé les plus populaires au monde.
Une marque qui a relancé le secteur du thé
La voie suivie par M. Fernando pour transformer son rêve en réalité a été longue et semée d’embûches, mais il a réussi à créer une entreprise prospère et la transformer en la marque la plus populaire de Sri Lanka. Protégé par l’enregistrement de ses marques, ce chef d’entreprise a pu appuyer la croissance de sa société sur sa marque, aider l’environnement et les collectivités avec des incidences positives sur la vie de plus d’un million de personnes impliquées dans l’industrie du thé au Sri Lanka. En outre, Dilmah a réussi à repositionner Sri Lanka en tête de ce secteur. La création d’une marque à forte notoriété étayée par la confiance et la fidélité des consommateurs a permis à Dilmah d’aller au-delà des espérances de son fondateur. “En tant qu’entreprise familiale, nous avons atteint un niveau que nous n’aurions jamais espéré atteindre” déclare M. Fernando. “Nous ne voulons pas être la plus grosse marque” poursuit-il “mais nous sommes la meilleure marque, et c’est là la position que nous souhaitons conserver”.