Catherine Jewell, Division des communications de l’OMPI

Un vent d’optimisme souffle sur l’industrie musicale mondiale aujourd’hui. Jamais auparavant une telle variété de musique n’avait été accessible à autant de personnes.

Partout dans le monde, de nouveaux services numériques gagnent du terrain, offrant aux consommateurs des possibilités sans précédent de découvrir de nouveaux sons, d’écouter de la musique sur demande et de communiquer avec leurs musiciens préférés. De plus, avec l’augmentation du taux de pénétration de l’Internet et de la téléphonie mobile, l’accès à la musique à l’échelle mondiale est voué à s’élargir. Dans les pays émergents et les pays en développement, le marché de la musique, pourtant encore peu exploité, recèle d’immenses possibilités de croissance commerciale et laisse présager une augmentation des investissements en faveur des artistes locaux.

Cette année, le thème choisi pour la Journée mondiale de la propriété intellectuelle, “Créativité numérique : la culture réinventée”, se concentre d’une part sur les multiples possibilités générées par la révolution numérique en cours, ainsi que sur les défis qu’elle pose et ses effets sur la création, la distribution et l’exploitation à l’échelle mondiale des œuvres musicales et culturelles. D’autre part, il aborde la pertinence des droits de propriété intellectuelle, notamment en ce qui concerne la reconnaissance et la récompense des créateurs, ainsi que la maîtrise de la valeur économique de leur travail.

Au-delà de son apport humain et culturel, la musique tire sa valeur économique des droits de propriété intellectuelle associés aux œuvres originales, ainsi qu’à leur interprétation ou exécution et à leur diffusion. Les droits de propriété intellectuelle contribuent à modeler et à sous-tendre la multitude de transactions commerciales réalisées quotidiennement dans l’industrie musicale. Parmi les droits de propriété intellectuelle existants, tels que le droit d’auteur ou les droits attachés aux dessins ou modèles, aux marques et aux brevets, le droit d’auteur et les droits connexes sont les plus pertinents pour les musiciens.

Le droit d’auteur est défini dans le cadre de la législation nationale en matière de droit d’auteur, dont la majeure partie découle de traités internationaux qui, pour la plupart, sont administrés par l’OMPI (voir encadré). Le droit d’auteur désigne les droits dont jouissent les auteurs d’œuvres originales, leurs interprètes ou exécutants, ainsi que les organismes chargés de leur diffusion à grande échelle, tels que les maisons de disques et les organismes de radiodiffusion.

Le principe du droit d’auteur entre en scène une fois qu’une œuvre a été créée, c’est-à-dire lorsque les paroles ou les notes ont été écrites, arrangées ou enregistrées. Il n’existe pas d’obligation formelle de procéder à l’enregistrement d’une œuvre auprès d’une administration nationale; toutefois, dans certains pays, tels que les États-Unis d’Amérique, il n’est possible d’intenter une action en justice pour infraction que si l’œuvre a été enregistrée auprès de la Bibliothèque du Congrès.

En vertu de la Convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques, adoptée en 1886, une œuvre originale est protégée pendant au minimum 50 ans après la mort de l’auteur; toutefois, cette durée peut atteindre jusqu’à 70 ans, voire plus, comme c’est le cas dans plusieurs pays.

À quoi sert le droit d’auteur?

En résumé, le droit d’auteur permet aux personnes qui jouissent de droits sur une œuvre de décider comment, où, quand et par qui cette œuvre peut être utilisée. L’un des objectifs du droit d’auteur est de créer des conditions propices pour que les créateurs puissent vivre de leur art, en recevant une compensation pour le temps et l’énergie consacrés à la production d’une œuvre, et puissent être reconnus en tant qu’auteur de l’œuvre.

Le droit d’auteur comprend aussi des droits patrimoniaux, lesquels confèrent au créateur le droit d’autoriser, d’interdire ou d’obtenir une compensation financière (sous forme de rémunération équitable) pour :

  • la reproduction d’une œuvre, par exemple sur CD, en ligne, ou dans un film;
  • la distribution de copies d’une œuvre;
  • la communication au public d’une œuvre. Si un morceau est interprété en public ou reproduit par un système de sonorisation dans un centre commercial ou dans une boîte de nuit, les auteurs, interprètes ou exécutants, ou encore les titulaires de droits peuvent percevoir une redevance en vertu de la législation nationale;
  • la radiodiffusion ou la mise à disposition d’une œuvre au public (par radio, télévision ou en ligne);
  • l’adaptation d’une œuvre, dans le cas où une personne traduit les paroles d’une chanson et souhaite en enregistrer une nouvelle en utilisant la mélodie de la chanson originale; ou si une personne modifie une œuvre originale en y ajoutant de nouveaux éléments, elle devra d’abord obtenir l’autorisation des titulaires des droits sur l’œuvre originale. À son tour, l’œuvre adaptée remplira les conditions pour être protégée par le droit d’auteur. Suivant les conditions établies par les contrats de licence relatifs à l’œuvre originale, il est possible que toute personne qui souhaite publier ou utiliser une telle œuvre doive d’abord obtenir l’autorisation des titulaires de droits sur l’œuvre originale.

Le droit d’auteur confère aussi des droits moraux (article 6bis de la Convention de Berne), qui permettent à l’auteur d’une œuvre de revendiquer la paternité de l’œuvre (droit de paternité ou d’attribution), ainsi que de s’opposer à toute modification susceptible de porter atteinte à l’œuvre (droit d’intégrité).

Peu de nos artistes préférés sont les auteurs de leurs propres chansons; en réalité, ils interprètent ou exécutent des œuvres créées par d’autres personnes. Ce faisant, ils apportent leur touche personnelle à leur prestation et jouissent ainsi de certains droits similaires au droit d’auteur : ce sont les droits connexes sur leur interprétation ou exécution. Les maisons de disques (aussi connues sous le nom de “producteurs de phonogrammes”) ainsi que les organismes de radiodiffusion bénéficient aussi de droits connexes. Chaque entité ajoute une valeur spécifique à une œuvre, que ce soit par sa propre créativité, son savoir-faire, ou encore par ses ressources financières ou organisationnelles.

Les artistes interprètes ou exécutants, titulaires de droits connexes, peuvent d’une part autoriser, ou empêcher, l’enregistrement (fixation) ou la radiodiffusion de leur prestation en direct; d’autre part, ils peuvent distribuer, diffuser, rendre accessible ou communiquer au public leurs prestations enregistrées. Ils peuvent aussi demander à percevoir une “rémunération équitable”, c’est-à-dire une rémunération juste versée aux artistes interprètes ou exécutants ainsi qu’aux producteurs pour la radiodiffusion et la communication au public de leurs œuvres. Ces droits sont attribués à des organisations de gestion collective, lesquelles sont chargées de les faire valoir au nom des artistes interprètes ou exécutants ou des producteurs.

Le Traité de Beijing sur les interprétations et exécutions audiovisuelles, adopté en 2012, ainsi que certaines législations nationales, confèrent aux artistes interprètes ou exécutants des droits moraux de paternité, d’attribution ou d’intégrité sur leurs prestations (voir plus haut). Le droit de mise à la disposition du public, introduit en 1996 par le Traité de l’OMPI sur le droit d’auteur (WCT) et le Traité de l’OMPI sur les interprétations et exécutions et sur les phonogrammes (WPPT), permet aux auteurs, aux artistes interprètes ou exécutants, ainsi qu’aux producteurs de phonogrammes d’autoriser ou d’empêcher la diffusion de leurs œuvres ou de tout autre matériel protégé par des moyens numériques tels que la diffusion en continu.

Qui sont les autres bénéficiaires des droits connexes?

Les producteurs de phonogrammes, qui sont chargés de fixer une œuvre, au moyen d’un enregistrement par exemple, jouissent aussi de droits connexes, dans la mesure où ils peuvent autoriser ou empêcher la reproduction, l’importation ou la distribution de leurs “phonogrammes” ou enregistrements, de leur CD, etc. Ils ont aussi droit à une rémunération équitable pour la radiodiffusion et la communication au public de leurs enregistrements.

Les organismes de radiodiffusion, qui investissent des sommes importantes dans la programmation, la transmission et la retransmission de programmes radiodiffusés, ont aussi le droit d’autoriser ou d’empêcher la réémission, la fixation ainsi que la copie de leurs radiodiffusions.

Durée des droits connexes?

En vertu du Traité de Beijing, ainsi que du WPPT et de l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (Accord sur les APDIC), la durée de la protection des artistes interprètes ou exécutants, ainsi que des producteurs de phonogrammes est de 50 ans, à partir de la date du premier enregistrement de l’œuvre ou de la première prestation. Par contre, la durée de la protection des organismes de radiodiffusion est de 20 ans, bien qu’elle soit sujette à modification si les négociations en cours aboutissent à un nouveau traité international portant sur les organismes de radiodiffusion.

Ces droits sont-ils assortis de limitations?

Dans certains cas, il se peut que le droit d’auteur et les droits connexes soient assortis de limitations prévues dans les législations nationales et internationales sur le droit d’auteur. C’est le cas, par exemple, lorsqu’une personne veut utiliser une œuvre, dans sa totalité ou en partie, à des fins d’enseignement, de recherche scientifique ou d’information, entre autres.

Ainsi, la plupart des pays prévoient la possibilité d’utiliser une œuvre sans l’autorisation de son propriétaire, une telle utilisation étant toutefois réglementée de différentes façons. Certains pays ont dressé une liste “d’utilisations autorisées”, tandis que d’autres ont introduit une disposition générale dans leur législation sur le droit d’auteur, telle que le principe “d’usage loyal” aux États-Unis d’Amérique. Plusieurs facteurs permettent de déterminer si l’utilisation d’une œuvre est “loyale”, notamment le but et le caractère de l’utilisation; la nature de l’œuvre protégée; le volume de la partie utilisée par rapport à l’ensemble de l’œuvre protégée; ainsi que l’incidence de l’utilisation sur la valeur marchande de l’œuvre protégée.

La libre utilisation des œuvres protégées est possible dans certains cas spéciaux, à condition qu’elle “ne porte pas atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre”, ni “ne cause un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l’auteur” (ou du titulaire des droits). C’est ce qu’on appelle souvent le “triple critère”.

Comment utiliser ces droits?

Le titulaire des droits patrimoniaux sur une œuvre musicale (rappelons que les droits moraux ne peuvent pas être cédés par le créateur original) peut les utiliser comme source de revenus. Il peut les vendre ou octroyer une licence d’exploitation à un tiers (une entreprise ou une personne physique en mesure de placer le produit sur le marché), en échange d’un paiement sous forme de redevance, c’est-à-dire que la rétribution dépend généralement de l’utilisation effective de l’œuvre. Il peut aussi céder les droits permettant d’autoriser ou d’empêcher une partie ou la totalité des actions susmentionnées. Dans les deux cas, la personne à qui les droits ont été vendus ou cédés devient le nouveau titulaire du droit d’auteur. Dans certains pays, tels que l’Allemagne, la cession des droits est contraire à la loi; par conséquent, seule l’exploitation sous licence de l’œuvre est possible.

L’octroi d’une licence consiste à conclure un accord entre le titulaire du droit d’auteur et un tiers, autorisant ce dernier à utiliser l’œuvre dans un but précis et pendant une période définie. Par exemple, un auteur-compositeur peut autoriser un éditeur de musique à faire enregistrer sa chanson par un artiste interprète ou exécutant ou par des maisons de disques. Ces licences d’exploitation peuvent être exclusives, lorsqu’une seule partie est concernée, ou non exclusives, c’est-à-dire lorsque plusieurs parties sont concernées.

Pour les auteurs et artistes interprètes ou exécutants, il n’est pas simple de négocier des contrats de licence séparément avec chaque station de radio ou chaîne de télévision en particulier, ou avec chaque entreprise qui souhaite utiliser leur œuvre. C’est pourquoi souvent, les musiciens et autres créateurs signent des contrats avec une organisation de gestion collective, et ce faisant, ils leur octroient des licences exclusives.

Agissant au nom des auteurs-compositeurs, des musiciens et des artistes interprètes ou exécutants, les organisations de gestion collective mettent en relation les créateurs avec ceux qui souhaitent utiliser leur œuvre. Certaines législations nationales autorisent les organisations de gestion collective à entreprendre des négociations au nom des auteurs et des artistes interprètes ou exécutants. Les organisations de gestion collective permettent d’utiliser l’œuvre d’un musicien; de percevoir et de distribuer des frais ou des redevances; et de suivre de près tout abus ou toute infraction.

Chaque morceau de musique est protégé par le droit d’auteur. La mélodie en elle-même est protégée par le droit d’auteur, ainsi que les paroles de la chanson. L’enregistrement sonore est protégé par les droits connexes. Toute personne qui souhaite utiliser une œuvre musicale, dans sa totalité ou en partie, doit obtenir l’autorisation du titulaire des droits, sauf dans les cas qui font l’objet d’une limitation (voir plus haut). Tout comme les organisations de gestion collective peuvent aider les artistes à gérer leur œuvre musicale et à percevoir les redevances y associées, elles peuvent aussi fournir un appui aux personnes cherchant à obtenir une autorisation en vue d’utiliser une œuvre protégée.

Le “sampling”, ou échantillonnage, est une pratique qui consiste à extraire des fragments d’œuvres musicales préexistantes et à s’en servir pour créer de nouvelles pièces, à des fins commerciales; quant au “mash-up”, il consiste à créer une chanson à partir d’œuvres musicales préexistantes. L’échantillonnage et le mash-up sans autorisation préalable des titulaires de droits sur les œuvres originales ne sont pas sans risque et peuvent donner lieu à des poursuites pour atteinte au droit d’auteur.

Grâce à des sites Web tels que WhoSampled.com, ou à des applications mobiles de reconnaissance musicale comme Shazam, il est possible d’approfondir l’écoute des chansons et d’identifier des liens directs avec des milliers de chansons. Jetez un coup d’œil aux vidéos de la chanson de Robin Thicke et de Pharell Williams, Blurred Lines; les deux chanteurs ont été récemment reconnus coupables, à l’issue d’un procès, d’avoir plagié le titre de Marvin Gaye, Got to Give it Up (1977).

Certains artistes sont convaincus qu’ils devraient avoir le dernier mot sur l’utilisation de leur œuvre, et qu’ils devraient pouvoir décider qui l’utilise, quand et comment. “Le droit le plus important que détient un artiste interprète ou un auteur-compositeur est celui du consentement et il faut qu’il puisse décider des modalités d’utilisation de son œuvre”, explique le leader du groupe de rock Aerosmith, Steven Tyler. Toutefois, certains artistes sont heureux de mettre leur œuvre à disposition d’autres artistes. Prenez par exemple les œuvres musicales postées sur la bibliothèque virtuelle Converse Rubber Tracks Sample Library. Les musiciens qui utilisent cette bibliothèque en ligne, où des milliers de samples sont accessibles gratuitement, considèrent le sampling comme un moyen de rendre quelque chose à la communauté.

“On ne peut pas considérer l’investissement dans le secteur musical comme allant de soi”, observe le président de la Fédération internationale de l’industrie phonographique (IFPI), Placido Domingo. “À l’image de la créativité d’un artiste, il faut encourager et protéger l’investissement en créant un environnement juridique sûr. C’est pourquoi il est primordial d’avoir un cadre juridique en matière de droit d’auteur sûr et adapté aux besoins des artistes et des maisons de disques.”

L’industrie musicale est tributaire du droit d’auteur. “C’est grâce au droit d’auteur qu’il est possible d’investir dans la musique. En effet, c’est le droit d’auteur qui permet aux entreprises qui soutiennent les artistes d’avoir un retour sur leurs investissements et de réinvestir de nouveaux fonds et ressources dans la nouvelle génération de talents”, explique M. Domingo.

Les droits : la monnaie d’échange de la créativité

Les droits dont jouissent les créateurs d’œuvres musicales sont comme une monnaie d’échange qui peut servir lors de la négociation de contrats avec des entreprises. Par exemple, les auteurs et compositeurs signent des contrats d’édition avec un éditeur de musique, dans lesquels ils confèrent des droits sur les paroles, sur la composition et sur l’arrangement musical de leur œuvre. En retour, l’éditeur assure la promotion de leur œuvre auprès des artistes interprètes ou exécutants et au sein des médias (films, télévision, etc.) et peut aussi percevoir des redevances, lesquelles sont ensuite redistribuées aux auteurs et aux compositeurs.
Les éditeurs de musique gèrent différents types de redevances :

  • les redevances relatives à la reproduction mécanique : elles proviennent de la vente de musique enregistrée (CD ou téléchargement numérique) et sont versées aux éditeurs par les maisons de disques;
  • les redevances relatives à l’interprétation ou exécution en public : elles sont perçues par les organismes qui gèrent les droits d’interprétation ou exécution, tels que la SESAC , la BMI, l’ASCAP ou la PRS. Elles sont versées par les stations de radio, les entreprises, ou tout autre organisme de radiodiffusion de musique enregistrée;
  • les redevances relatives à la synchronisation : elles sont versées lorsqu’un morceau de musique est utilisé dans la bande sonore d’un film ou d’un programme télévisé.

Plusieurs musiciens en herbe rêvent de signer un contrat avec une grande maison de disques. D’après le rapport publié par l’IFPI en 2014, intitulé “Investing in Music” (Investir dans la musique; www.ifpi.org/investing-in-music.php) : “Les maisons de disques sont les principaux investisseurs dans la carrière des musiciens”. En 2013, elles ont investi 4,3 milliards de dollars des États-Unis d’Amérique dans la promotion et la vente des artistes et de leur répertoire partout dans le monde.

En signant un contrat d’enregistrement exclusif avec une maison de disques, un artiste peut compter sur un soutien pour développer sa carrière, promouvoir son travail et recevoir une avance bienvenue (qui peut aller de 50 000 à 350 000 dollars É.-U.)

D’après l’IFPI, les maisons de disques ont pour rôle de “découvrir, de soutenir et de promouvoir les artistes”, ainsi que de les mettre en lien avec le public le plus vaste possible. Elles fournissent un soutien financier ainsi qu’un accès à un large éventail d’expériences, de compétences et de relations. Dans un marché saturé et compétitif, un contrat d’enregistrement permet à des artistes talentueux de sortir du lot. Et l’IFPI d’ajouter que : “le partenariat entre artistes et maisons de disques demeure au cœur de l’industrie musicale moderne”.

Daniel Glass, président et fondateur de Glassnote Records, résume ainsi l’intérêt des maisons de disques pour les artistes : “Rares sont les artistes qui se font connaître sans travailler en équipe. Une équipe encourage l’épanouissement d’un artiste, place les œuvres dans les magasins, les fait passer à la radio, organise la promotion auprès de la presse et de la télévision. Une équipe aide à se frayer un chemin dans l’univers musical dense, en passant par les réseaux sociaux et la diffusion en flux continu, pour se placer sur le devant de la scène et ainsi se faire connaître par le public”.

À mesure que le marché de la musique numérique progresse, les maisons de disques offrent aux artistes un éventail de services de plus en plus vaste. Selon Max Hole, président et directeur général d’Universal Music Group International : “Loin de diminuer, l’importance des maisons de disques pour les artistes ne cesse de croître. Auparavant, on s’occupait d’A&R [artistes et répertoire], de commerce, de promotion, de vente et de distribution physique. C’est ce qu’on fait toujours en 2014, mais aussi beaucoup d’autres choses. On compte désormais des centaines de partenariats numériques; on crée des campagnes numériques et de nouvelles plateformes de services; on donne à nos artistes accès à des analyses et collectes de données approfondies sur le comportement des consommateurs, on assure la promotion à travers les réseaux sociaux, on dirige des campagnes de sensibilisation des consommateurs. De plus, on a mis au point des produits, tels que de nouveaux formats numériques, des produits de luxe, des services mobiles, créant ainsi des sources de revenus infinies”.

Bon nombre d’artistes en devenir développent leurs propres réseaux sociaux en ligne, afin d’attirer plus d’admirateurs. Bien qu’il soit exceptionnel qu’un artiste connaisse la gloire ainsi (pensez à Psy et à son Gangnam Style), les maisons de disques utilisent de plus en plus les réseaux sociaux comme instrument pour évaluer la popularité d’un artiste.

Les risques courus par les maisons de disques

Les maisons de disques sont les premières à subir tout le poids des risques associés au lancement d’un nouvel artiste sur un marché important, ce qui peut leur coûter entre 200 000 et 700 000 dollars É.-U. Étant donné que peu d’artistes parmi ceux qui ont un contrat rencontrent un succès commercial, les maisons de disques n’engrangent pas de recette sur tous les albums qu’ils produisent. Nick Raphael, président de Capitol Records (Royaume-Uni), maison de disques qui produit notamment Sam Smith, affirme : “Nous déployons autant d’effort et investissons autant d’argent, sinon plus, tant pour les productions infructueuses, que pour celles qui sont réussies. Il peut y avoir toutes sortes de raisons qui expliquent pourquoi elles ne touchent pas le public, mais il serait faux de dire que c’est par manque d’effort ou de soutien de la part des maisons de disques qui souhaitent leur succès”.

La montée en puissance des services numériques de diffusion en continu

Compte tenu du nombre toujours plus élevé de plateformes numériques, les maisons de disques se concentrent de plus en plus sur le commerce en ligne. La popularité grandissante des services numériques de diffusion en continu modifie aussi la façon dont les maisons de disques récupèrent l’argent avancé aux artistes. Ainsi, tandis qu’auparavant elles le récupéraient par les ventes d’album, désormais, elles se concentrent sur les téléchargements et les flux continus.

Ces nouvelles plateformes numériques suppriment les obstacles au succès, dans la mesure où le simple fait de poster une chanson en ligne donne une visibilité mondiale et permet aux personnes de découvrir de nouveaux talents. À propos du succès du groupe australien 5 Seconds of Summer (5SOS), dont le premier album a cartonné dans les classements iTunes dans plus de 70 pays, Nick Raphael, président de Capitol Records (Royaume-Uni), explique : “L’ère du numérique, ça veut dire que vous pouvez vous lancer simultanément partout dans le monde; d’ailleurs, vous ne pouvez rien freiner, dans la mesure où la musique se propage de façon virale sur l’Internet”.

En l’espace de quelques années seulement, des services numériques tels que Spotify (20 millions d’abonnés en juin 2015), Apple (quelque 10 millions d’abonnés en janvier 2016) et Deezer (plus de 6,3 millions d’utilisateurs) se sont implantés partout dans le monde. Presque chaque jour, le lancement d’un nouveau service de diffusion de musique en continu est annoncé.

D’après le rapport publié par l’IFPI en 2015, les revenus numériques de l’industrie musicale sont montés à 6,9 milliards de dollars É.-U. (avec un taux de croissance de 6,9%) en 2014. Dans ce même rapport, on peut lire que les revenus dégagés par l’industrie musicale numérique correspondent désormais aux ventes physiques mondiales.

Selon Lauri Rechardt (IFPI), les services de diffusion en continu sont “des chaînes de vente pour la musique enregistrée”. Il explique que ce qui différencie les services de diffusion en continu des ventes de CD par exemple, c’est essentiellement “le mode de rémunération des titulaires de droits. Dans le cas des ventes de CD ou des téléchargements, ils perçoivent une somme prédéfinie à chaque vente de produit, que le consommateur écoute la musique ou non. Par opposition, dans le cadre du modèle appliqué par les services numériques, fondé sur la consommation du produit, les titulaires de droits touchent une somme à chaque utilisation du contenu. Les montants perçus au départ sont moindres, mais les revenus augmentent au fil du temps”.

D’aucuns sont convaincus que le modèle de diffusion en continu fondé sur l’abonnement est en mesure d’assurer la viabilité à long terme de l’industrie musicale mondiale.

What does it cost to break a new artist into a major music market?

    Il faut compter entre 200 000 et 700 000 dollars É.-U
  • Généralement, une grande maison de disques verse entre 50 000 et 350 000 dollars É.-U. d’avance.
  • La production de 3 vidéos coûte en moyenne entre 50 000 et 300 000 dollars É.-U.
  • L’enregistrement coûte environ entre 150 000 et 500 000 dollars É.-U.
  • Les avances sur les frais de tournée s’élèvent entre 50 000 et 150 000 dollars É.-U.

Les marques jouent elles aussi un rôle de plus en plus important dans le monde de la musique. Par définition, une marque de produit ou une marque de service est un nom ou un symbole qui permet de distinguer les produits ou services d’une entreprise, en leur conférant un caractère exclusif. Dans le monde de la musique, le nom d’un groupe correspond à sa marque et c’est pourquoi il peut être protégé en tant que marque de service. Des groupes tels que The Grateful Dead, Aerosmith et REM ont leur propre marque. De plus, les groupes peuvent enregistrer des marques en lien avec leurs albums, t-shirts ou tout autre produit dérivé qu’ils créent.

Une marque permet à un groupe de détenir un droit exclusif sur l’utilisation de son nom, en tant que fournisseur de services de divertissement, ainsi que de protéger davantage son identité. Par ailleurs, l’obtention d’une marque peut aider à dégager d’autres sources de revenus, par exemple, par l’octroi de licences ou la vente de produits dérivés.

Enregistrer le nom d’un groupe comme marque constitue une première étape importante qui permet d’éviter des situations de conflit, dans le cas où le même nom est utilisé par un autre groupe, quelque part ailleurs. Face à une telle situation, le groupe devrait changer de nom, ou y ajouter un élément distinctif. À titre d’exemple, le boys band One Direction (Royaume-Uni) a rencontré ce problème et a été poursuivi en 2012 par un groupe de punk américain portant le même nom; toutefois, le boys band a obtenu gain de cause devant les tribunaux.

Comme dans d’autres secteurs commerciaux, la marque d’un groupe est un excellent atout, réunissant la clientèle conquise ainsi que la réputation construite au fil des années. De plus, dans l’industrie musicale, les marques jouent un rôle essentiel, en particulier au sein des secteurs qui élaborent des instruments et des systèmes de sonorisation, ainsi que d’autres types de technologie qui nous rapprochent jour après jour de notre musique préférée.

En règle générale, les titres de chansons ne bénéficient pas de protection en tant que marque, sauf dans les cas où le titre est lié à des produits dérivés ou fait partie d’une série d’œuvres. Par exemple, l’artiste américain Meat Loaf détient des droits de marque sur “A Bat out of Hell”, titre d’une série de trois albums. Toutefois, s’il est possible de montrer que les consommateurs associent exclusivement le titre d’une chanson à un artiste en particulier, alors on peut considérer que le titre a pris une deuxième acception et qu’il peut être enregistré comme marque.

Musique et commerce : une relation symbiotique

La musique et le commerce entretiennent des liens symbiotiques de longue date. En effet, les vendeurs reconnaissent depuis longtemps le pouvoir de la musique pour attirer les clients et nouer un lien émotionnel avec ceux-ci. Leur besoin d’élargir leur clientèle profite souvent aux artistes émergents qui sont à la recherche de nouvelles plateformes où promouvoir leur musique. Ainsi, les artistes titulaires de droits de marque sont bien placés pour mettre à profit de tels parrainages par des entreprises, ainsi que les débouchés provenant de la vente de produits dérivés.

D’après une étude récente publiée par The Future of Music Coalition, organisation à but non lucratif : “Les ventes de produits dérivés sont la source de revenus la plus répandue en ce qui concerne l’image de marque d’un artiste”. De plus, les artistes qui sont en mesure de tirer parti de leur marque en font un usage de plus en plus stratégique. Toutefois, ce n’est pas le cas des compositeurs, des joueurs d’orchestre salariés, ni des musiciens de session, entre autres.

Non seulement la vente de produits dérivés permet de dégager des revenus, mais elle permet aussi à un groupe ou à un artiste d’élargir son audience. Certains artistes, à l’image de Carlos Santana, ont utilisé leur vente de produits dérivés au profit d’œuvres de charité. D’après le site Brandchannel.com, la légendaire star de rock a créé en 2001 la marque de chaussures pour femmes “Carlos by Carlos Santana”, dont un pourcentage des ventes est reversé à la Fondation Milagro de l’artiste, qui s’engage à rendre meilleure la vie d’enfants dans le monde entier.

À mesure que le monde se convertit au numérique, les groupes locaux peuvent se faire connaître plus facilement dans le monde, en postant leurs œuvres en ligne ou en créant leur propre page Web. C’est pourquoi il est d’autant plus important pour eux de bien s’informer en matière de protection des droits attachés aux marques.

L’innovation est une composante clé de la musique. La quête de nouveaux sons originaux et de moyens permettant d’améliorer l’expérience musicale (par les radiodiffusions, le Walkman, les lecteurs MP3, l’iPod, les tablettes, entre autres) a été le moteur de l’expansion commerciale de l’industrie musicale et a été à l’origine de progrès technologiques considérables. La volonté de produire le nouveau tube du moment continue de modeler le mode de création de la musique, ainsi que notre façon d’écouter de la musique et, bien sûr, la façon dont les musiciens et l’industrie dans son ensemble font de l’argent et gagnent leur vie en faisant de la musique.

Pour créer les conditions permettant aux personnes chargées d’inventer ces technologies toujours plus sophistiquées de recouvrer leurs frais et d’empêcher des tiers de les copier ou de profiter sans contrepartie du temps et de l’énergie investis dans l’élaboration des technologies, les inventeurs peuvent déposer des demandes de brevet.

C’est l’office national de propriété intellectuelle qui est chargé d’octroyer des brevets pour les technologies innovantes, c’est-à-dire celles qui sont inédites, utiles et qui ne sont pas évidentes pour les personnes travaillant dans ce domaine. Comme les autres droits de propriété intellectuelle, les brevets ont pour but de reconnaître et de récompenser les inventeurs, ainsi que de les encourager à continuer d’élaborer des solutions technologiques, tant sur le plan qualitatif que sur le plan quantitatif, tout en s’assurant que le public puisse profiter de ces inventions. La durée de la protection par brevet est limitée à 20 ans (sous réserve de paiements périodiques), après quoi la technologie tombe dans le domaine public, c’est-à-dire qu’elle peut être exploitée par des tiers, sans qu’il soit nécessaire d’obtenir l’autorisation du titulaire des droits.

Si les changements apportés par les nouvelles technologies, récemment l’utilisation répandue de l’Internet et d’autres technologies numériques, ont révolutionné chaque pilier de l’industrie musicale – de la composition, à l’interprétation et à l’enregistrement, en passant par la distribution, la promotion et l’écoute –, ils ont aussi eu des retombées sur le mode de compensation des titulaires de droits sur des œuvres musicales.

À titre d’exemple, alors que de nouveaux services de diffusion de musique en continu, tels que Spotify et Deezer, offrent aux consommateurs un accès sans précédent à une vaste bibliothèque musicale, les avantages et les inconvénients liés à un tel modèle commercial font actuellement débat parmi les musiciens. Certains utilisent ces services comme instrument pour atteindre un nouveau public, stimuler leur carrière et accroître leurs profits; tandis que d’autres sont d’avis que les musiciens sont perdants et négocient par conséquent des accords plus avantageux.

La révolution numérique a incontestablement transformé le paysage musical : elle a permis de générer d’importants bénéfices en termes de qualité et de diversité musicale; sans compter qu’elle a modifié notre rapport à la musique, à savoir quand et comment nous écoutons de la musique. Toutefois, il convient de se demander quelle sera la situation dans cinq ans et ce qu’il faudra faire pour continuer de profiter d’un large accès aux musiques qui nous plaisent tant.