21 novembre 2022
Un changement majeur s’est produit au cours de la dernière décennie, rendant certains médicaments plus accessibles aux personnes qui en ont le plus besoin. Les entreprises qui créent des médicaments sont devenues de plus en plus ouvertes aux accords de licences volontaires, c’est-à-dire des accords qui rendent possible la fabrication et la commercialisation de certains médicaments pour des besoins vitaux de santé publique, en particulier dans les pays à faible revenu. Le lancement du Medicines Patent Pool (MPP) a considérablement accéléré la concession de licences volontaires et amélioré les conditions d’accès, en élargissant par exemple la portée géographique de nombreuses licences et en exigeant un contrôle qualité pour les produits sous licences. Que ce soit dans un cadre bilatéral ou par l’intermédiaire du MPP, des accords de licences volontaires ont été signés pour des médicaments permettant de traiter le VIH, la tuberculose et la COVID-19. Cependant, en dehors des médicaments contre la tuberculose, jamais un accord de cette nature n’avait été jusqu’à présent signé pour un antibiotique.
Le 15 juin 2022, Shionogi & Co., Ltd. (Shionogi) et le Partenariat mondial pour la recherche-développement d’antibiotiques (officiellement GARDP Foundation ou GARDP) ont signé un accord de licence et de transfert de technologie afin d’accélérer l’accès au céfidérocol, un antibiotique pour le traitement, chez l’adulte, de certaines infections bactériennes graves, pouvant présenter une résistance à d’autres traitements antibiotiques. Le céfidérocol est approuvé par la Food and Drug Administration des États-Unis d’Amérique et l’Agence européenne des médicaments et figure sur la liste des médicaments essentiels de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Afin de faciliter la fabrication, la commercialisation et l’utilisation appropriée du céfidérocol sur le territoire couvert par la licence, Shionogi, le GARDP et la Clinton Health Access Initiative (CHAI) ont signé un accord de collaboration dans le cadre duquel la CHAI est avant tout responsable de la procédure de sélection d’un fabricant approprié et contribuera à tous les autres axes de travail.
Ensemble, ces accords ont la capacité de rendre le céfidérocol accessible à un grand nombre de pays qui tendent à avoir un accès tardif (voire inexistant) aux nouveaux antibiotiques. Le territoire couvert par la licence inclut les secteurs public et privé dans tous les pays à faible revenu, dans la plupart des pays à revenu intermédiaire et intermédiaire de la tranche supérieure ainsi que dans certains pays à revenu élevé. Avec 135 pays au total – presque 70% des pays du globe – le territoire visé par la licence inclut une proportion considérable de la population mondiale vivant dans des régions les plus touchées par la résistance aux antibiotiques (voir la Présentation de l’accord de licence et l’étude récente consacrée au fardeau mondial de la résistance aux antibiotiques).
La collaboration entre le GARDP, Shionogi et la CHAI représente une grande avancée dans le recours à la concession de licences volontaires pour permettre l’accès aux nouveaux antibiotiques. L’accord de licence crée, en particulier, un nouveau paradigme pour concéder des licences pour des médicaments importants en dehors de ceux destinés à lutter contre le VIH, le paludisme et la tuberculose qui ont été les principales cibles des efforts de santé mondiale. L’accord de licence revêt également une importance stratégique car il est le premier de cette nature pour un antibiotique répondant à des priorités de santé publique. Il est également significatif que la licence ait été concédée par l’une des rares entreprises pharmaceutiques de taille moyenne ou grande disposant d’un portefeuille dynamique de développement d’antibiotiques.
Cette collaboration comporte trois autres aspects notables : le transfert de technologie, un prix abordable et une utilisation appropriée. Si un fabricant sollicite un transfert de technologie, Shionogi assurera un transfert de technologie de son mode de fabrication, y compris le savoir-faire pertinent, à un preneur de sous-licence de fabrication. En revanche, si les fabricants du principe actif pharmaceutique pour le céfidérocol et du produit pharmaceutique fini sont différents, Shionogi assurera alors des transferts partiels de technologie à chaque fabricant qui, combinés, couvriront le développement depuis le principe actif pharmaceutique jusqu’au produit pharmaceutique fini. Shionogi accordera également un accès aux documents et aux droits nécessaires afin de faciliter l’enregistrement auprès des instances réglementaires.
Dans un effort visant à favoriser un accès abordable, Shionogi a renoncé à ses droits de recouvrement des coûts sur les ventes nettes de céfidérocol dans les pays à revenu faible et intermédiaire entrant dans le territoire couvert par la licence. Shionogi a droit respectivement à 5% et 9% de droits de recouvrement sur les ventes nettes dans les pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure et à revenu élevé sur le territoire couvert par la licence. Ces conditions semblent positives au regard des taux de recouvrement de coûts figurant dans d’autres licences récentes publiées pour des territoires qui comprennent des pays à revenu intermédiaire supérieur ou des pays à revenu élevé.
La production de produits d’une qualité contrôlée et l’utilisation appropriée des antibiotiques sont essentielles dans tout effort visant à élargir l’accès aux antibiotiques. Des antibiotiques contrefaits ou de qualité médiocre ainsi qu’une utilisation excessive ou un mauvais usage des antibiotiques peut favoriser la résistance à ceux-ci. Par conséquent, l’accord de licence exige que les produits sous licence soient fabriqués par un preneur de sous-licence dont la qualité de fabrication est démontrée au moyen d’une approbation par le programme de préqualification de l’OMS ou par une autorité réglementaire rigoureuse (figurant, par exemple, sur la liste des autorités reconnues par l’OMS). En outre, les accords de sous-licences et le plan d’accès aux sous-licences (qui doivent être élaborés avec les preneurs de sous-licences) comporteront des clauses d’intendance exigeant une utilisation appropriée et venant compléter les activités/partenariats d’intendance supplémentaires.
Afin de faciliter les accords de licences volontaires à venir pour les antibiotiques, Shionogi et le GARDP ont publié l’intégralité du contenu de l’accord de licence et de transfert de technologie. Cet accord décrit en détail qui détiendra la propriété intellectuelle découlant de l’accord pour le mode de fabrication comme pour les activités de développement. On peut espérer que cet accord de licence servira de référence pour des accords similaires visant à élargir l’accès aux antibiotiques à l’avenir.
Jennifer Cohn, docteure en médecine et titulaire d’un master en santé publique, est directrice du Global Access au sein du GARDP. Gareth Morgan est directeur de la Gestion du portefeuille mondial chez Shionogi inc. David Ripin est le vice-président exécutif pour les maladies infectieuses et directeur scientifique de la CHAI.
Veuillez vous référer aux informations complètes sur la prescription du céfidérocol aux États-Unis d’Amérique.