25 avril 2023
Le paludisme est une maladie transmise par certains types de moustiques qui sont surtout présents dans les pays tropicaux. Cette maladie peut être mortelle, mais il est possible d’en guérir si elle est traitée correctement. À ce jour, l’Afrique continue de faire état du plus grand nombre de cas : en 2021, le continent recensait 95% des cas de paludisme et 96% des décès associés dans le monde, parmi lesquels 80% étaient des enfants. Quatre pays africains ont enregistré un peu plus de la moitié des décès imputables au paludisme dans le monde : le Nigéria (31,3%), la République démocratique du Congo (12,6%), la République-Unie de Tanzanie (4,1%) et le Niger (3,9%). Les disparités géographiques concernant les décès dus au paludisme illustrent bien les inégalités en matière de santé, en particulier en Afrique subsaharienne.
Bien que des mesures importantes telles que la lutte antivectorielle, les moustiquaires imprégnées d’insecticide et les traitements antipaludiques aient permis de réduire le nombre de cas et de décès dus au paludisme, il est nécessaire de mettre au point de nouveaux outils, tels que des vaccins. La production d’un vaccin efficace contre le paludisme est en cours depuis plus de trente ans. En comparaison, les vaccins contre la COVID-19 ont été mis au point et autorisés en moins d’un an. Comment expliquer un tel écart? La réponse tient à la biologie complexe du parasite du paludisme contre lequel il s’est révélé difficile de mettre au point un vaccin efficace. Les difficultés de financement et le manque de sentiment d’urgence ont également joué un rôle important.
Alors que le monde célèbre la Journée mondiale contre le paludisme, il est essentiel de reconnaître l’importance de la collaboration entre les différents acteurs sur le marché des vaccins antipaludiques afin d’assurer leur disponibilité en temps voulu et un large accès pour les personnes qui en ont le plus besoin.
Le dernier Rapport sur le paludisme dans le monde de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) montre que l’augmentation des cas de paludisme qui a suivi la pandémie de COVID-19 a commencé à se normaliser. Cependant, il reste encore beaucoup à faire et il est essentiel de trouver des moyens de vacciner les personnes les plus susceptibles de développer des formes graves de paludisme.
Le déploiement du premier vaccin antipaludique au monde, le RTS,S/AS01E, constitue une avancée historique et a été bien accepté dans les pays africains en un laps de temps relativement court. Ce vaccin agit contre le Plasmodium falciparum, qui est le parasite palustre le plus mortel et le plus répandu en Afrique. L’administration de quatre doses de ce vaccin permet de réduire de 39% les cas cliniques et de 30% les cas graves. Ce vaccin est mis au point par GSK depuis plus de 30 ans et en partenariat avec PATH, une organisation mondiale à but non lucratif, depuis 2001. À ce jour, il s'agit du seul vaccin antipaludique préqualifié par l’OMS.
Ce vaccin est en cours de développement depuis de nombreuses années et son déploiement à grande échelle a également pris du temps. En août 2021, afin de répondre à l’incertitude autour de la demande, Gavi, l’Alliance du Vaccin, GSK et MedAccess ont annoncé un accord de financement innovant pour garantir la poursuite de la production de l’antigène nécessaire pour ce vaccin. Cet accord a été conclu en prévision de la recommandation d’utilisation généralisée du vaccin par l’OMS et a permis à GSK d’accélérer la production immédiatement après sa publication en octobre 2021. GSK prévoit de produire 18 millions de doses de RTS,S/AS01E entre 2023 et 2025, dont 4 millions seront disponibles à partir de fin 2023.
Malgré les efforts novateurs de GSK, le fait de ne disposer que d’un seul fournisseur ne permettra pas de répondre à la demande colossale de vaccins. Plus de 25 millions d’enfants naissent chaque année dans des régions où le vaccin est recommandé. En janvier 2021, GSK, PATH et la société indienne de biotechnologie Bharat Biotech (BBIL) ont signé un accord de transfert de produit pour garantir l’approvisionnement à long terme du vaccin RTS,S/AS01E. En vertu de cet accord, une licence est octroyée à BBIL pour la commercialisation et la distribution du vaccin RTS,S/AS01E, garantissant ainsi la poursuite de sa production et de sa mise à disposition.
Le vaccin RTS,S/AS01E est actuellement testé au Ghana, au Kenya et au Malawi dans le cadre du Programme de mise en œuvre de la vaccination antipaludique. Depuis 2019, plus d’un million d’enfants ont reçu le vaccin. Les ministères de la santé sont chargés de la mise en œuvre du vaccin, avec le soutien de l’OMS, de GSK, de PATH, de Gavi, l’Alliance du vaccin et d’autres partenaires.
Il ressort manifestement de ces stratégies multipartites essentielles pour financer, fabriquer et distribuer le vaccin qu’il faut tout un village pour garantir la santé et la sécurité des personnes les plus exposées. Quelles sont donc les prochaines étapes?
Un seul vaccin ne suffira pas pour répondre à la nécessité de réduire les cas de paludisme à long terme. Heureusement, outre les efforts en cours pour augmenter l’offre du vaccin RTS,S/AS01E, d’autres vaccins antipaludiques sont attendus sur le marché. D’après l’OMS, en 2021, 102 études étaient en cours (bien que la majorité d’entre elles [91%] soient au stade de la découverte, de la phase préclinique ou de la phase I).
Le vaccin antipaludique R21/Matrix-M mis au point par l’Université d’Oxford présente un fort potentiel. Les données des essais de phase II montrent une efficacité de 77% après une quatrième dose de rappel. Les résultats des essais de phase III en cours devraient être communiqués à la fin de l’année 2023. L’OMS évalue actuellement l’innocuité et l’efficacité du produit, dont l’utilisation a déjà été approuvée par les autorités ghanéennes et nigérianes.
Le Serum Institute of India Pvt. Ltd. (SIIPL) est le titulaire de la licence de fabrication et de commercialisation du vaccin et s’est fixé comme objectif de produire jusqu’à 200 millions de doses par an. En outre, SIIPL a annoncé un accord de transfert de technologie pour produire le vaccin au Ghana. Cela contribuera à la réalisation de l’objectif fixé par l’Union africaine tendant à faire en sorte que l’industrie africaine soit en mesure de produire 60% de toutes les doses nécessaires sur le continent d’ici à 2040.
La demande de vaccins antipaludiques est estimée à quelque 110 millions de doses par an d’ici 2036. Selon le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), l’offre de vaccins antipaludiques devrait répondre à la demande entre 2026 et 2028, en fonction de la mise à l’échelle du vaccin RTS,S/AS01E, des résultats des essais de phase III sur le R21/Matrix-M et de l’octroi de licences et de la préqualification de l’OMS découlant de cette mise à l’échelle. Pour atténuer les contraintes d’approvisionnement, l’OMS a mis en place un cadre d’attribution des vaccins afin de faciliter une répartition transparente et équitable des vaccins limités.
Comment les partenariats mondiaux en matière de santé peuvent-ils accélérer la mise au point et le déploiement des vaccins antipaludiques?
L’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) continue de collaborer avec les parties prenantes dans le domaine de la santé mondiale. Par exemple, la série “Dialogue sur la propriété intellectuelle et la santé” de l’OMPI réunit des organisations internationales ayant leur siège à Genève et dont les activités opérationnelles se situent à l'intersection de la propriété intellectuelle et de la santé. L’objectif de cette série est de permettre aux participants de mettre en commun des données d’expérience et de faire part des difficultés rencontrées et, pour l’OMPI, de renforcer le soutien qu’elle apporte aux initiatives en matière d’accès à l’innovation.