7 juin 2023
L’année dernière, la demande de vaccins anticholériques oraux (VCO) a explosé. En mars 2023, au moins 24 pays continuent de faire état de cas de choléra, selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Malheureusement, en raison des défis mondiaux que sont le changement climatique, les conflits armés et les déplacements de population, les épidémies de choléra devraient s’intensifier. La maladie, provoquée par la bactérie Vibrio cholerae, se transmet par ingestion d’eau ou d’aliments contaminés. Le choléra étant une maladie dont on peut mourir en quelques heures en l’absence de traitement, il est essentiel d’en prévenir et d’en contrôler la transmission. Idéalement, les campagnes de vaccination contre le choléra vont de pair avec des améliorations de la distribution d’eau et des services d’assainissement, ainsi qu’avec des programmes de sensibilisation des communautés afin de garantir de bonnes pratiques d’hygiène, en particulier dans les régions vulnérables aux épidémies.
Le stock mondial de VCO a été constitué en 2013. Il est géré par le Groupe international de coordination (GIC), avec le soutien de Gavi, L’alliance du Vaccin, depuis 2014. Depuis, 73 millions de doses de VCO ont été distribuées dans 23 pays. Cela constitue un bon début, mais reste en deçà de la demande, qui est estimée à plus de 75 millions de doses par an. Le nombre et la gravité sans précédent des flambées en 2022, associés à l’offre limitée de VCO, ont contraint le GIC à suspendre temporairement le schéma de vaccination standard à deux doses recommandé dans les campagnes de lutte contre les flambées de choléra, au profit d’une stratégie reposant sur l’administration d’une dose unique.
Il a été prouvé que la première dose de VCO permettait d’endiguer une épidémie, même si les preuves de la durée exacte de la protection sont limitées. La deuxième dose, administrée au plus tard six mois après la première, confère une immunité pendant trois ans. Il apparaît donc qu’une suspension temporaire de la vaccination à deux doses n’est qu’une solution à court terme. À plus long terme, des mesures doivent être prises d’urgence pour augmenter la production mondiale de vaccins.
L’offre de vaccins anticholériques est extrêmement limitée. Il existe actuellement 3 vaccins anticholériques préqualifiés par l’OMS. Dukoral, fabriqué par Valneva Sweden AB, Shanchol, fabriqué par Shantha Biotechnics (filiale indienne de Sanofi), et Euvichol-Plus, fabriqué par EuBiologics. Shanchol et Euvichol sont les vaccins disponibles actuellement par l’intermédiaire du stock mondial de VCO. En 2022, Shantha Biotechnics, qui produit environ 15% de l’offre mondiale de VCO, a annoncé qu’elle mettrait fin à la production et à la distribution de Shanchol d’ici 2023. Bien qu’EuBiologics ait l’intention d’augmenter sa capacité de production d’Euvichol-Plus, cela prendra du temps. La pandémie de COVID-19 a également mis en évidence les problèmes qui peuvent survenir lorsqu’il n’y a qu’une seule source ou un nombre limité de fabricants et de fournisseurs. Il est donc urgent de trouver de nouveaux fabricants ayant une plus grande couverture géographique pour répondre à la demande croissante de VCO.
Le marché des VCO n’est pas lucratif. Ces vaccins sont peu coûteux et doivent être vendus en grandes quantités pour générer des bénéfices. La concession volontaire de licences de propriété intellectuelle et le transfert de technologie peuvent contribuer à accélérer l’intérêt des fabricants pour la production et la distribution de VCO. Les droits de propriété intellectuelle peuvent donc favoriser l’accès aux technologies médicales. Le contrat de licence et de transfert de technologie conclu entre Biovac, une société biopharmaceutique sud-africaine, et l’International Vaccine Institute (IVI), une organisation internationale à but non lucratif dont le siège se trouve en République de Corée, pour la fabrication du vaccin anticholérique oral, en est un bon exemple.
L’IVI a mis au point le premier VCO à faible coût préqualifié par l’OMS et a conclu un accord de transfert de technologie avec BioVac en novembre 2022. Cet accord permettra de renforcer les capacités locales en Afrique pour la production des antigènes et des matières premières nécessaires à la fabrication des vaccins. Ce transfert de technologie permettra également d’établir des capacités locales pour la mise à l’échelle des bonnes pratiques de fabrication, la fabrication locale de produits d’essais cliniques et la production de vaccins de bout en bout en Afrique. Le projet bénéficie d’une subvention de 6,9 millions de dollars É.-U. du Wellcome Trust et de la Fondation Gates. Ce financement permettra à Biovac d’étendre ses capacités, du remplissage et de l’emballage de flacons en passant par le développement de produits vaccinaux et la fabrication de principes actifs de bout en bout. Biovac prévoit de fabriquer les premiers lots de VCO prêts pour les essais cliniques en 2024. Elle devrait obtenir l’homologation de l’Autorité sud-africaine de réglementation des produits de santé (SAHPRA) en 2026.
Ce contrat de licence et de transfert de technologie est important à bien des égards :
Il s’agit d’une grande avancée pour la production de vaccins en Afrique. Mais ce n’est qu’un début, car il est urgent que le nombre de fabricants dans les pays à revenu faible ou intermédiaire augmente. La modélisation du Groupe spécial mondial de lutte contre le choléra montre que, du fait de la croissance démographique et de l’urbanisation, le nombre de cas de choléra pourrait doubler ces 20 prochaines années. Le renforcement de la capacité locale des pays à revenu faible ou intermédiaire de fabriquer des VCO grâce à l’octroi de licences et au transfert de technologie doit donc être systématique.
La propriété intellectuelle peut appuyer la production locale par l’octroi de licences et le transfert de technologie. L’OMPI reste déterminée à collaborer avec un large éventail de parties prenantes afin de tirer parti de la propriété intellectuelle pour favoriser un accès équitable aux produits de santé.
À titre d’exemple, les prochaines publications de l’OMPI relatives au transfert de technologie dans le secteur des sciences de la vie seront les suivantes : Biotechnology Technology Transfer: A Primer; Socially Responsible IP Commercialization in Academic Institutions et IP Management and Technology Transfer in the field of Life Sciences.
En outre, le dernier épisode de la série Mission Imagination de l’OMPI a présenté le docteur Patrick Tippoo, responsable en chef de la science et de l’innovation du Biovac Institute et directeur exécutif de l’African Vaccine Manufacturing Initiative (AVMI). Au cours de cet entretien, il a évoqué le contrat de licence conclu par Biovac et la manière dont il a permis de réunir les parties prenantes concernées pour commencer à donner corps aux objectifs du continent en matière de fabrication de vaccins.