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Dossier d’information sur les limitations et exceptions – Accès des déficients visuels aux livre

“Nous devons déclarer l’état d’urgence afin de mettre un terme à la privation d’informations qui maintient les déficients visuels dans l’obscurité” – Stevie Wonder, auteur compositeur interprète américain.

De quoi s’agit il?

Du 18 au 28 juin, des centaines de négociateurs du monde entier se réuniront au Maroc aux fins de la conclusion d’un traité international destiné à faciliter l’accès des déficients visuels aux contenus publiés. La conférence de Marrakech, organisée par l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI), est l’aboutissement de plus de 10 années de négociations sur la question de savoir comment mettre davantage d’œuvres en braille, en gros caractères ou en format audio à la disposition des aveugles, dont une grande partie vit dans des pays à faible revenu. Les bénéficiaires auront plus facilement accès aux romans, manuels et autres matériels qu’ils peuvent utiliser à des fins pédagogiques ou de loisirs.

Enjeu

Des centaines de millions d’aveugles de déficients visuels et de personnes ayant des difficultés de lecture des textes imprimés dans le monde entier n’ont pas accès aux livres. L’accès de ces personnes aux documents imprimés est limité par un environnement international en matière de droit d’auteur régi par des règles variables selon les différents pays.

Dans notre monde interconnecté grâce aux nouveautés technologiques, des versions numérisées de livres, articles de magazine, œuvres musicales et autres produits novateurs peuvent être transférées presque instantanément dans le monde entier par l’Internet. Même lorsque les nouvelles technologies facilitent le transfert de savoirs en ligne, les besoins des déficients visuels en matière d’éducation et de loisirs ne sont pas pleinement satisfaits par la mise à disposition de documents imprimés adaptés à leurs exigences particulières. Les déficients visuels figurent parmi les citoyens les plus marginalisés dans le monde et l’absence de règles internationales freine leurs possibilités d’accès aux œuvres publiées.

Proposition

Les États membres de l’OMPI conjuguent leurs efforts afin de trouver un nouvel accord destiné à faciliter l’accès des déficients visuels aux textes imprimés. Cette “conférence diplomatique” – l’étape finale des négociations relatives à un traité – est prévue du 18 au 28 juin à Marrakech (Maroc). Des centaines de délégués des 186 États membres de l’OMPI et d’observateurs devraient y participer.

Pourquoi?

Selon l’Organisation mondiale de la santé, il y aurait plus de 314 millions de déficients visuels dans le monde, dont 90% vivent dans les pays en développement. Une enquête de l’OMPI menée en 2006 a fait apparaître que moins d’une soixantaine de pays avaient prévu dans leur législation nationale relative au droit d’auteur des dispositions expresses relatives aux limitations et exceptions en faveur des déficients visuels, par exemple pour les versions en braille, en gros caractères ou audionumériques1 des œuvres protégées par le droit d’auteur. En outre, compte tenu de la nature “territoriale” du droit d’auteur, ces exceptions ne s’appliquent généralement pas à l’importation ou à l’exportation d’œuvres converties en formats accessibles, même entre des pays ayant des règles similaires. Dans chaque pays, les organisations compétentes doivent négocier des licences avec les titulaires de droits pour échanger des œuvres en format spécial d’un pays à l’autre, ou produire leurs propres versions accessibles, entreprise coûteuse qui limite considérablement l’accès des déficients visuels aux œuvres imprimées de tous ordres.

Selon l’Union mondiale des aveugles, sur le million d’ouvrages qui sortent chaque année dans le monde, moins de 5% sont publiés dans des formats accessibles aux déficients visuels. Et, alors que la bibliothèque ONCE en Espagne dispose de plus de 100 000 titres en format accessible et que l’Argentine en compte plus de 50 000, ces titres ne peuvent être partagés avec les 19 pays hispanophones d’Amérique latine. De même, il y a quelques années, des associations caritatives œuvrant dans cinq pays anglophones, dont le Royal National Institute for the Blind au Royaume Uni et Vision Australia, ont été obligées de produire cinq fichiers maîtres identiques pour le même tome d’Harry Potter en braille, au prix de longs et coûteux efforts.

Comme prévu dans le dernier projet, le traité proposé obligerait les pays à prévoir une série de limitations et exceptions standard relatives au droit d’auteur pour les formats destinés aux déficients visuels et pour permettre l’échange transfrontière de ces formats.

Rappel

Le droit international relatif au droit d’auteur a toujours reconnu la nécessité de concilier les droits des auteurs d’œuvres de création et l’intérêt public, en exemptant certaines utilisations des œuvres protégées de l’obligation d’obtenir l’autorisation du titulaire des droits ou de verser des redevances. La pierre angulaire de la législation internationale sur le droit d’auteur, la Convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques de 1886, tout comme ses révisions ultérieures, prévoit des “limitations et exceptions”. La Convention de Berne mentionne expressément des exceptions en faveur des citations, des comptes rendus d’actualité et les utilisations à titre d’illustration aux fins d’enseignement. Pour le reste, il appartient aux autorités nationales de définir quelles limitations et exceptions sont autorisées “dans certains cas spéciaux, à condition que la reproduction ne porte pas atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre ni ne cause un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l’auteur”.

Dans la pratique, les limitations et exceptions prévues dans les législations nationales connaissent de grandes variations. Dans de nombreux pays, la copie pour usage privé est libre, mais quelques pays seulement prévoient des exceptions pour l’enseignement à distance, par exemple. En outre, ces exceptions ne s’appliquent que sur le territoire du pays concerné. Ce maquis de réglementations nationales n’a guère de sens à l’ère du numérique, alors que des copies des œuvres protégées peuvent être effectuées et transmises au delà des frontières en quelques clics de souris. Ainsi, depuis 2004, le Comité permanent du droit d’auteur et des droits connexes (SCCR) de l’OMPI examine la possibilité d’harmoniser certaines exceptions au niveau international.

Un élan supplémentaire a été donné aux délibérations de l’OMPI avec l’adoption en 2006 de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées, qui dispose (à l’article 30) que les lois protégeant les droits de propriété intellectuelle ne doivent pas constituer un obstacle déraisonnable ou discriminatoire à l’accès des personnes handicapées aux produits culturels.

En décembre 2012, les États membres réunis dans le cadre d’une session extraordinaire de l’Assemblée générale ont décidé que les négociations étaient suffisamment avancées pour justifier la convocation d’une conférence diplomatique. Deux autres réunions de négociations ont été tenues à Genève, en février et en avril 2013, afin de faire progresser les discussions.

Un accord provisoire a déjà été trouvé sur plusieurs éléments essentiels de la proposition, en particulier ses bénéficiaires, à savoir les déficients visuels, les autres personnes ayant des difficultés de lecture des textes imprimés ou celles qui se trouvent, en raison d’un handicap physique, dans l’incapacité de lire un texte standard. Les États membres sont aussi provisoirement convenus des définitions essentielles concernant les œuvres visées par le texte et les “entités autorisées”2 qui mettraient à la disposition des déficients visuels et des personnes ayant des difficultés de lecture des textes imprimés des versions accessibles des œuvres publiées.

Cette proposition prévoit l’obligation pour les pays d’introduire dans leur législation relative au droit d’auteur des exceptions et limitations autorisant le partage international de formats accessibles pour les déficients visuels. Toutefois, le projet de texte de base des négociations de Marrakech contient toujours un certain nombre de questions sur lesquelles il conviendra de trouver un accord.

Pour compléter les négociations sur un cadre juridique multilatéral, l’OMPI a créé en janvier 2009 une plate forme des parties prenantes dans le cadre de son Initiative en faveur des déficients visuels, visant à faciliter la prise de mesures concrètes par les organismes de défense des malvoyants, les éditeurs, les bibliothèques et autres parties intéressées en vue d’élaborer des modalités opérationnelles permettant d’améliorer la diffusion internationale de formats accessibles pour les déficients visuels.

Liens

  • Stevie Wonder s’exprime devant les assemblées des États membres de l’OMPI en 2010  [Video, Stevie Wonder speaks to the WIPO AssembliesVídeo ¦ Déclaration PDF, Statement by Stevie Wonder]

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1.  Le Système numérique d’accès à l’information (Daisy) convertit les textes originaux en livres audio aisément consultables par les déficients visuels. Fondé sur des normes ouvertes, le système Daisy est administré par un consortium international à but non lucratif de bibliothèques de livres sonores et d’autres parties prenantes.
2. Organismes à but non lucratif ayant la confiance des titulaires de droits et des personnes qui ont des difficultés de lecture des textes imprimés.