Les micro-organismes au service de l’agriculture au Viet Nam
L’utilisation intensive d’engrais chimiques, la sécheresse et certaines pratiques agricoles nuisent à la fertilité des sols et réduisent la productivité. Au Viet Nam, Thu Ha Nguyen, chercheuse en microbiologie, a mis au point des produits à partir de micro-organismes bénéfiques pour atténuer ces problèmes. Ses produits améliorent la qualité des sols, augmentent le rendement des cultures et les bénéfices des agriculteurs.
Mme Nguyen travaille au département de microbiologie de l’Institut de recherche sur les sols et les engrais (SFRI). Son domaine de recherche principal est celui des engrais microbiens pour l’agriculture. Le SFRI est rattaché à l’Académie des sciences agricoles du Viet Nam et se consacre à la recherche scientifique et au transfert de technologie en lien avec les sols, les engrais et la microbiologie.
Mme Nguyen se passionne depuis toujours pour la biologie et les micro-organismes qui, selon elle, ont de nombreuses fonctions différentes, bien qu’ils puissent apporter le meilleur comme le pire aux plantes et aux êtres humains. Les micro-organismes recouvrent les champignons, les bactéries et les virus, explique-t-elle.
Sa passion pour les micro-organismes l’a amenée à les utiliser pour améliorer la qualité des sols. Au Viet Nam, poursuit-elle, la rotation des cultures, les cultures intercalaires, l’allongement des campagnes agricoles, l’utilisation intensive d’engrais chimiques et le changement climatique entraînent une dégradation et une baisse de la fertilité des sols.
D’après le SFRI, “les statistiques les plus récentes montrent que le Viet Nam est l’un des principaux utilisateurs d’engrais chimiques au monde, avec près de 7,7 millions de tonnes par an”. Cependant, le SFRI souligne que le taux de rendement est faible, ce qui conduit les agriculteurs à gaspiller environ 4,62 millions de tonnes d’engrais par an.
Amélioration de la qualité et augmentation de l’humidité des sols
Les produits de Mme Nguyen contiennent un mélange de micro-organismes et sont divisés en deux groupes principaux. Le premier cible le métabolisme des nutriments en augmentant le phosphore et le potassium disponibles dans le sol, ainsi que la densité microbienne bénéfique. Elle explique que ces produits aident les plantes à accéder aux nutriments du sol et augmentent la croissance, le rendement des cultures et les bénéfices des agriculteurs. Elle ajoute que les micro-organismes contenus dans ces produits sont sans danger pour les êtres humains et l’environnement.
Le deuxième groupe contient des micro-organismes qui aideront le sol à retenir l’humidité dans les zones touchées par la sécheresse.
Ses produits associent des micro-organismes spécifiques à une base de poudre de manioc et sont adaptés à différentes cultures. Mme Nguyen précise que ses produits sont des engrais microbiens, qu’ils ne contiennent pas de produits chimiques et qu’ils sont compatibles avec l’agriculture biologique. Ils sont épandus une fois par an pour les cultures annuelles et deux ou trois fois par an pour les cultures pérennales.
Ces produits constituent une solution durable et abordable pour les agriculteurs, puisque le traitement d’un hectare coûte environ 100 dollars É.-U. et permet de réduire l’utilisation d’engrais chimiques de 15 à 20%.
Les produits de Mme Nguyen lui ont valu de recevoir le prix d’argent et le prix spécial de l’Exposition internationale des femmes de Corée 2019 pour les inoculants de micro-organismes destinés à l’amélioration des sols, ainsi que d’autres prix nationaux.
De l’herbe aux cultures entières
Les produits microbiens ont été utilisés pour la première fois sur l’herbe en 2010 et leur utilisation s’est étendue à différents types de sols et de cultures tels que les arbres fruitiers, les légumes, les arachides, le thé, le café, le poivre et les anacardiers dans différentes provinces du Viet Nam, indique-t-elle. Au total, 100 hectares dans les régions productrices d’arachides et de mangues des provinces de Binh Dinh et Nghe An, dont le sol est sablonneux, ont été traités avec ses produits, ce qui a permis de relever la productivité de 15 à 20%, selon le SFRI.
Ses recherches portent sur plusieurs préparations microbiennes, notamment des produits microbiens mixtes, des préparations fixant l’azote et solubilisant le phosphore, ainsi que des préparations destinées à piéger les nématodes, des vers parasites des plantes.
Mme Nguyen travaille également à un projet bilatéral avec des partenaires italiens sur le développement de biofertilisants bactériens pour le caféier robusta au Viet Nam. Ce projet est cofinancé par le Centre international pour le génie génétique et la biotechnologie, le Ministère italien des affaires étrangères et le Ministère vietnamien de la science et de la technologie.
Produits brevetés en attente de commercialisation
Mme Nguyen a obtenu un brevet d’utilité pour ses micro-organismes inoculants destinés à l’amélioration des sols. Elle est également coauteure de deux brevets d’utilité délivrés.
Bien que salués par les agriculteurs, les produits de Mme Nguyen ne sont pas encore commercialisés. La production se fait à petite échelle et elle recherche activement des partenaires commerciaux ou des investisseurs pour commercialiser ses produits et augmenter la production. Dans le même temps, elle poursuit ses recherches pour mettre au point des produits qui permettront de réduire encore l’utilisation d’engrais chimiques, ce qui est son objectif premier.
Mme Nguyen a suivi des sessions de formation de l’OMPI sur la propriété intellectuelle et a indiqué qu’elle avait beaucoup appris à cette occasion, notamment sur la manière d’introduire ses produits sur le marché de manière efficace.