21 juillet 2022
Que ce soit pour développer leurs activités ou les étendre, les entreprises ont besoin de capitaux. Mais obtenir ces capitaux reste un véritable défi pour de nombreuses entreprises. Pour celles dont la valeur principale découle de ce qu’elles inventent et créent, par opposition aux actifs corporels, les sources de financement traditionnelles peuvent sembler inaccessibles. Ce déficit de financement constitue un obstacle pour de nombreuses entreprises. L’utilisation stratégique des actifs incorporels comme source de financement pourrait réduire ce fossé et changer la donne pour ces entreprises. Leurs actifs incorporels, en particulier ceux qui sont protégés par des droits de propriété intellectuelle, comme les droits d’auteur, les dessins et modèles industriels, les marques et les brevets, peuvent être utilisés pour obtenir des prêts et des investissements.
Les gouvernements et les entreprises cherchent des solutions pour améliorer les perspectives de financement des entreprises à forte intensité d’actifs incorporels. Afin de suivre ces expériences et d’en tirer des enseignements, l’OMPI a lancé une nouvelle série de rapports intitulée “Débloquer des financements adossés à des titres de propriété intellectuelle, perspectives nationales”. Lors d’une manifestation organisée en marge de la soixante-troisième série de réunions des assemblées des États membres de l’OMPI, cinq pays participant au projet ont fait part de leurs perspectives sur le terrain.
Un thème central est ressorti des discussions entre les représentants de la Jamaïque, du Japon, du Royaume-Uni, de Singapour et de la Suisse. Pour progresser dans le domaine du financement des actifs incorporels, il faut que les différents secteurs, tels que la finance, les entreprises et les gouvernements, s’engagent à travailler ensemble. Mme Lilyclaire Bellamy, directrice exécutive de l’Office jamaïcain de la propriété intellectuelle (JIPO), a souligné que le JIPO avait suivi une approche globale et réussi à impliquer diverses parties prenantes, notamment la banque centrale de la Jamaïque, des banques de développement et des organismes de crédit dans sa campagne visant à faciliter le financement des PME au moyen de la propriété intellectuelle. Chacun de ces acteurs a une vision différente de la propriété intellectuelle et de la manière dont elle contribue à la valeur d’une entreprise. C’est pourquoi les approches adoptées par les pays dans ce domaine traduisent une multitude de manières de procéder et sont souvent adaptées au contexte local. Parmi celles-ci figurent des mesures telles que les garanties et les subventions, la création de fonds dédiés et la participation à des organismes de normalisation. Au Japon, l’Office des brevets a mis l’accent sur la mise au point d’outils destinés à aider les entreprises à communiquer la valeur de leurs actifs incorporels. Selon Koji Tauchi, directeur du Bureau des politiques multilatérales de l’Office du Japon, “les institutions financières devraient mettre davantage l’accent sur la propriété intellectuelle en tant que puissant outil de valorisation des activités commerciales.”
L’élaboration d’un cadre commun et de compétences en matière d’évaluation des actifs incorporels est un autre sujet sur lequel le groupe s’est penché. Plusieurs pays travaillent avec leur communauté d’évaluateurs pour mieux faire connaître les nuances de la propriété intellectuelle et développer une approche plus standardisée. Dans certains pays, cette communauté professionnelle doit être créée de toutes pièces. Il s’agit par exemple de travailler avec les organismes de normalisation, dont certains sont également en train de peaufiner leurs conseils sur la manière dont les entreprises déclarent leurs actifs incorporels. “Nous considérons le financement et la valorisation au moyen des actifs incorporels comme un domaine prometteur. Nous évoluons sur un terrain très intéressant”, a souligné M. Bernard Ong, directeur de groupe au sein du pôle des politiques et de l’engagement de l’Office de la propriété intellectuelle de Singapour. Néanmoins, dans le cadre d’une stratégie axée sur les objectifs, le financement au moyen d’actifs incorporels n’est pas une fin en soi. “Ce que nous tentons de faire est essentiellement d’aider les entreprises innovantes”.
“Les entreprises à forte intensité de propriété intellectuelle doivent pouvoir utiliser leur propriété intellectuelle comme atout pour accéder au bon type de financement, au bon moment, afin de pouvoir se développer”, a souligné M. Adam Williams, directeur de la politique internationale de l’Office de la propriété intellectuelle du Royaume-Uni. Beaucoup utilisent déjà leurs actifs incorporels pour obtenir un financement en fonds propres. M. Hansueli Stamm, économiste en chef au sein de l’Institut fédéral suisse de la propriété intellectuelle, a expliqué que les brevets, en particulier, jouaient un rôle important en Suisse. Il a expliqué qu’ils “sont souvent utilisés pour signaler une activité importante dans l’entreprise, principalement avec des start-up dans le domaine des sciences de la vie, de la pharmacie, des technologies médicales, des TIC ou des technologies propres”. Du côté du financement par emprunt, le rôle que jouent les actifs incorporels n’est pas forcément évident. Comme l’a indiqué M. Matúš Medvec, président de l’Office de la propriété industrielle de la République slovaque, “si l’on est conscient que 90% de la valeur des entreprises sont tirés d’actifs incorporels, on arrive à la conclusion que les banques financent déjà la propriété intellectuelle.”
Si l’obtention de capitaux sur la base d’actifs incorporels présente un potentiel énorme pour les entreprises, les intervenants ont également souligné que ce type de financement était confronté à un certain nombre de défis. L’intervention d’un ensemble divers de parties prenantes sera nécessaire pour que cette question reçoive toute l’attention requise. Pour accélérer le processus, l’OMPI organisera un débat de haut niveau sur le financement des actifs incorporels le 1er novembre 2022. Cette manifestation consistera en un débat entre les membres de hautes directions dans les domaines de la finance, des affaires et de la propriété intellectuelle des secteurs public et privé. Ce débat vise à sensibiliser la communauté mondiale à cette question et à démontrer son potentiel. Il comprendra également des témoignages du terrain pour décrire ce qui fonctionne actuellement et ce qui ne fonctionne pas encore dans cet écosystème.