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Journée internationale de la femme : Ces femmes qui inventent

Mars 2005

“L’inventivité de la femme existe depuis aussi longtemps que la sensation de froid ou de faim.” - Jette Sandah, directrice du Musée de la femme au Danemark.

Les femmes trouvent depuis toujours des solutions aux problèmes qui se posent à elles. Mais, pour des raisons sociales ou historiques, il n’en a été que peu souvent fait état jusqu’à un passé récent. Les érudits considèrent Hypatie d’Alexandrie, mathématicienne égyptienne et philosophe de la nature du IVe siècle, comme l’une des premières femmes inventeurs connues. Elle aurait inventé plusieurs instruments scientifiques dont l’astrolabe pour les mesures astronomiques et un hydromètre pour mesurer la gravité de certains liquides. À l’occasion de la Journée internationale de la femme, célébrée le 8 mars, la Revue de l’OMPI s’est penchée de manière un peu moins académique sur la question des femmes inventeurs.

Nombreuses sont les femmes de cette trempe qui sont citées dans le livre de Deborah Jaffe, intitulé Ingenious Women: From Tincture of Saffron to Flying Machines. On y trouve une vivante description d’inventeurs et d’inventions, qui vont de l’étrange à l’impressionnant, l’ouvrage s’ouvrant sur le premier brevet anglais délivré à une femme, Amye Everard, en 1637, pour sa teinture de safran et d’essence de roses.

Pendant des siècles, les réalisations des femmes inventeurs ont été presque totalement niées. Sarah Guppy de Bristol (Royaume-Uni) en est un bon exemple. En 1811, Mlle Guppy a fait breveter une méthode “pour les ponts et les chemins de fer” reposant sur l’utilisation de puissants piliers ou colonnes sur la base desquels les ponts pouvaient être suspendus. Mais les livres d’histoire ne mentionnent pas son nom à côté de lui des célèbres ingénieurs de ponts suspendus, qui l’ont suivie 10 années plus tard. Retracer l’histoire des femmes à l’origine d’inventions est d’autant plus difficile que, jusqu’à la fin du XIXe siècle, les femmes mariées au Royaume-Uni et aux États-Unis d’Amérique n’avaient légalement pas le droit de détenir des biens, ni des biens de propriété intellectuelle. Si jamais elles déposaient une demande de brevet, elles devaient le faire au nom de leur mari.

Riposter

D’autres devaient se battre pour protéger leur propriété intellectuelle des usurpateurs. En 1870, Margaret Knight du Massachusetts (États-Unis d’Amérique), ouvrière dans une filature de coton, inventa une machine permettant de fabriquer des sacs en papier à fond plat, gagna l’action en justice qu’elle avait formée contre un homme qui avait copié son dessin et essaya d’obtenir un brevet à son nom. L’homme en question fit valoir devant le tribunal qu’une femme n’était  tout simplement pas capable de concevoir une telle machine. Son dessin ou modèle industriel est toujours utilisé actuellement.

C’est dans un souci de protection différent que Louisa Llewellin fit breveter en 1904 son “gant pour l’autodéfense et d’autres fins” pour femme (le brevet ne mentionne pas quelles étaient les autres fins en question). Conçu pour les femmes, toujours plus nombreuses, qui voyageaient seules en train, ce gant était doté, dans les doigts, de griffes en acier aiguisées permettant de défendre son propriétaire contre “les voleurs et autres personnes nourrissant des desseins diaboliques”.

De la cuisine au Kevlar

Les activités traditionnelles étant le lot des femmes au foyer, les innovations domestiques se sont multipliées, épargnant aux générations suivantes des heures de corvées. Elizabeth Merrell, ouvrière métallurgiste à Londres, inventa une machine électrique à laver le linge en 1859 et Josephine Cochran, une machine à laver la vaisselle en 1872. Une centaine d’années plus tard, Marion Donovan de l’Indiana (Royaume-Uni), inventa la première couche jetable. Devant le refus des fabricants de commercialiser son invention en raison de son coût, elle créa sa propre compagnie, qu’elle vendit plus tard un million de dollars É.-U.. C’est toujours ce même sens pratique qui amena Mary Anderson à concevoir le premier essuie-glace mécanique alors qu’elle se déplaçait en tramway à New York en 1903 : “Un mécanisme simple ... permettant d’enlever la neige, la pluie et la neige fondue du pare-brise.” Certaines personnes se moquèrent de son idée, faisant valoir que ces essuie-glaces distrairaient le conducteur.

Les femmes pionnières du XXe siècle ont repoussé les frontières des sciences et des techniques. La contribution extraordinaire de Marie Curie (France), qui a reçu deux prix Nobel pour la chimie et la physique, est bien connue. Mais le fait que, en 1942, la fascinante actrice de films Hedy Lamarr, née à Vienne, fit breveter, alors que sa carrière était à son apogée à Hollywood, un système révolutionnaire de saut de fréquence pour les torpilles est beaucoup moins connu. L’armée des États-Unis d’Amérique a, à l’époque, opposé une fin de non-recevoir à son souhait de faire don du brevet pour participer à l’effort de guerre. Mais cette technique est aujourd’hui à la base du principal instrument antibrouillage utilisé dans de nombreux systèmes de défense nationaux.

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Le Kevlar® de Stefanie Kwolek a sauvé des milliers de vies. (Photo : avec l’aimable autorisation de DuPont)

L’un des plus grands chimistes de notre époque est Stephanie Louise Kwolek. Grâce à son ouverture d’esprit, elle conçut, alors qu’elle faisait des expériences sur des polymères pour l’entreprise DuPont dans les années 60, le Kevlar®, nouveau matériau extraordinaire dont la fibre aramide est cinq fois plus robuste que l’acier. Utilisé par exemple dans les gilets pare-balles, le Kevlar® a déjà sauvé des milliers de vies.

Exemple de jeune inventeur d’aujourd’hui : l’étudiante espagnole Cristina Casadevall, de Barcelone. Souhaitant trouver une utilisation pour les coques de noix jetées, elle fit des essais associant des coques et des résines jusqu’à la mise au point d’un matériau appelé Ecocarcris. Après avoir refusé plusieurs offres, elle créa son entreprise de production du produit breveté, dont la souplesse et les propriétés d’isolation devraient permettre de l’utiliser dans la construction, en remplacement des panneaux de particules, plus chers.

“L’inventeur a un esprit particulier, une sorte de créativité inhérente, un sens de la résolution des problèmes, qui, je pense, anime les femmes pendant toute leur vie. Elles font 25 choses à la fois, jonglant avec leur vie.” - Deborah Jaffe, peintre, photographe et écrivain (Royaume-Uni).

Que ce soit dans le cadre de travaux de recherche dans de prestigieux laboratoires ou pour répondre à des besoins quotidiens dans des communautés isolées, les femmes qui inventent trouvent toujours de nouvelles solutions. Nous n’entendrons jamais parler de la plupart d’entre elles. Mais Grâce Dotou de Porto-Novo (Bénin) en est une digne représentante. Préoccupée par les sacs en plastique usagés jonchant sa ville, Mme Dotou a mis au point un moyen de récupérer, déchiqueter et tricoter les sacs pour les transformer en objets artisanaux. Elle a appris à des jeunes filles et à des femmes des communautés locales comment créer et vendre ces produits, leur permettant ainsi de gagner de l’argent tout en nettoyant l’environnement. Mme Dotou s’est vue remettre le prix de l’élimination de la pauvreté du Programme des Nations Unies pour le développement en 2002, après avoir recyclé deux millions de sacs en plastique.

L’une des grandes réalisations du XXe siècle est d’avoir permis aux femmes d’accéder à tous les domaines de l’activité économique, commerciale et intellectuelle; le défi du XXIe siècle est, lui, de veiller à ce que les femmes aient les mêmes chances d’accès, d’avancement et de reconnaissance. En tant qu’institution spécialisée des Nations Unies, l’OMPI s’engage à atteindre ces objectifs. 

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