Forum sur la propriété intellectuelle dans la société de l’information
Du 1er au 15 juin, l’OMPI à offert à toute personne qui le souhaitait la possibilité de participer en ligne à un débat ouvert sur les questions liées à la propriété intellectuelle dans la société de l’information. Environ 374 communications ont été reçues sur les dix thèmes (voir encadré) traités par le Forum (www.wipo.int/ipisforum/), qui ont ouvert de nouveaux horizons à l’OMPI. Les conclusions du Forum en ligne feront partie de la contribution de l’OMPI au Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI) qui se tiendra en Tunisie en novembre 2005.
Ce forum s’inscrit dans le cadre de l’action que l’OMPI mène en permanence pour faire mieux connaître les questions concernant la propriété intellectuelle et pour encourager un débat entre toutes les parties prenantes sur ces questions dans une société de l’information en pleine évolution. Bien que seuls, des États puissent devenir membres de l’OMPI, l’Organisation accueille des observateurs autres que des États et s’emploie à établir des relations de collaboration avec des représentants du secteur privé et de la société civile. Dans la Déclaration de principes du SMSI, il est dit que “l’édification d’une société de l’information n’excluant personne exige de nouvelles formes de solidarité, de partenariat et de coopération entre les gouvernements et les autres parties prenantes, à savoir le secteur privé, la société civile et les organisations internationales.” Le forum en ligne s’adressait, au-delà des membres, des observateurs et des partenaires de l’OMPI, aux internautes ordinaires pour leur permettre de s’exprimer sur des questions qui intéressent et concernent chacun d’entre nous.
Information en retour
Les communications sur tous les thèmes du forum traduisent un désir d’être entendu et de participer au débat mondial sur la propriété intellectuelle. Certains se demandent cependant si leurs voix seront entendues par les responsables politiques ou feront une différence. Selon Toby Bainton: “Comme dans tant d’autres domaines, la politique est fixée par des délégations gouvernementales dont les opinions sont influencées essentiellement par les besoins des entreprises. (…) Mais les gouvernements devraient se souvenir que dans une société civilisée, l’information est comme l’air qu’on respire et que sa circulation ne devrait pas être restreinte sans raison. (…) Une véritable société de l’information serait en harmonie avec les besoins de l’ensemble de la société.” Taran Rampersad est conscient de la difficulté de la tâche à accomplir et estime que “Le rôle des organisations internationales consiste à offrir non pas des sinécures, mais des postes difficiles qui permettent de s’attaquer aux véritables problèmes… L’équilibre nécessite un débat, dans lequel la société civile doit jouer un rôle plus actif et plus influent.”
Ce sont les questions relatives au domaine public et à l’accès libre (thème trois) qui ont fait l’objet du plus grand nombre de communications. À propos du thème du logiciel en accès libre, l’OMPI est convaincue que l’innovation en matière de logiciel constitue un puissant outil de développement économique. La propriété intellectuelle joue un rôle critique pour promouvoir la recherche et le développement dans ce domaine et pour protéger et récompenser le développement de logiciels créatifs, qu’il s’agisse de logiciels en accès libre ou de marque. Le choix entre les deux n’implique pas une décision allant à l’encontre de la propriété intellectuelle, il incombe plutôt à l’entreprise, en fonction de ses choix stratégiques et de politique générale, et il doit être fait au cas par cas.
Diverses opinions ont été exprimées par les participants au ForuM. Heather Morrison, auteur et partisan de Creative Commons a écrit, “Il n’est pas nécessaire de promouvoir le domaine public... Celui-ci devrait devenir la norme de fait, en termes de partage, à la place du système de “tous droits réservés,” du moins en ce qui concerne la distribution et l’utilisation …peut-être une œuvre devrait-elle être automatiquement considérée comme relevant du domaine public, à l’exception des cas de droits moraux, sauf indication contraire, et quiconque souhaite rendre disponible une version à accès réservé devrait obtenir l’accord du titulaire des droits.”
Comparez ce qui précède aux commentaires suivants de Paul Crowley : “Imaginez un monde sans droit d’auteur. (…) Un tel monde serait dominé par ceux qui disposent du plus grand circuit de distribution. Tout simplement. Dix minutes après son enregistrement par un orchestre, une chanson serait disponible en magasin. Elle ne serait pas fournie par l’orchestre, qui serait incapable de la distribuer aussi rapidement, mais directement par Sony ou WalMart. L’idéal d’une distribution libre sur l’Internet serait que tous les distributeurs seraient égaux au départ, mais nous savons que ce n’est pas le cas. Sans droit d’auteur, les plus gros distributeurs recevraient toutes les recettes assurées par des créations. L’artiste, l’auteur ou l’interprète ne recevraient rien. Un système sans droit d’auteur semblerait faire disparaître les restrictions, mais il aurait simplement pour effet de favoriser encore davantage les gros distributeurs.”
Selon Alan Tam, “C’est mon droit de faire profiter gratuitement le monde entier de mon invention et de ma création. (…) ‘Le domaine public ‘ est un bon exemple de la façon de préserver la liberté (…) En tant qu’organisation internationale, l’OMPI devrait reconnaître la nécessité d’accorder une plus grande ‘liberté constitutionnelle’ de ce type.” Dans le même esprit, suivant une communication de l’Alliance internationale de la propriété intellectuelle : “Le domaine public est renforcé par une stricte protection des droits de propriété intellectuelle. (…) De plus, la protection de la propriété intellectuelle n’empêche pas les créateurs de mettre leurs œuvres dans le domaine public. Si certains créateurs ne dépendent pas des revenus tirés de leurs œuvres ou de leurs inventions pour leur subsistance ou celle de leur famille, il n’existe pas de loi relative à la propriété intellectuelle qui les empêche d’utiliser une licence Creative Commons ou une autre forme de licence réservant certains droits. En fait, les créateurs peuvent renoncer totalement à leurs droits s’ils le souhaitent. Dans la mesure où les licences Creative Commons offrent des choix aux créateurs, elles ont l’assentiment de chaque membre de la communauté des créateurs.”
Dans le cadre de la plupart des thèmes de discussion, un point qui revient souvent est la durée de la protection de la propriété intellectuelle, du droit d’auteur en particulier, et la nécessité d’assurer un plus grand équilibre entre les droits des auteurs et le bien public. Selon Shyamala : “Le but initial du droit d’auteur était de permettre aux auteurs/créateurs de jouir des fruits de leur travail, mais aussi de faire rapidement revenir leurs œuvres dans le domaine public de telle sorte que la société tout entière puisse profiter des œuvres de création. La durée du droit d’auteur a été augmentée dans des proportions absurdes. Quel sens y a-t-il à maintenir des droits d’auteur 50 ou 60 ans après la mort de l’auteur? (…) Les pays en développement doivent pouvoir accéder à des documents s’ils veulent avoir une chance d’être compétitifs dans des conditions d’équité à l’ère de l’information. Si les textes écrits aujourd’hui ne sont disponibles que dans une centaine d’années, les pays peu développés n’ont aucune chance de rattraper un jour les autres!” En revanche, dans une communication de la Fédération internationale des industries phonographiques (FIIP), il est dit que : “Dans de nombreux pays en développement, le marché est tellement soumis au piratage qu’il n’existe pas de mécanisme viable permettant d’utiliser des capitaux privés pour faciliter la création et la distribution des œuvres créatives. En pareil cas, la voix de la création est réduite au silence. Des communautés du monde entier - en particulier dans certaines parties d’Asie, d’Amérique latine, du Moyen-Orient et d’Afrique - témoignent des effets dévastateurs qu’a sur leur capacité de création l’absence d’une protection efficace du droit d’auteur.”
L’OMPI a fourni des informations générales et un commentaire d’introduction, et elle a suggéré des questions à examiner dans le cadre de chacun des dix thèmes de discussion, mais sans présider les débats du ForuM. Il n’était pas nécessaire de s’inscrire officiellement pour y participer, afin de donner aux intéressés toute liberté pour formuler des commentaires à titre anonyme et purement personnel.
Les dix thèmes de discussion du forum en ligne
- La Déclaration de principes du SMSI présente une conception de la société de l’information - comment le système de propriété intellectuelle peut-il conforter cette conception?
- Le système de propriété intellectuelle favorise-t-il ou entrave-t-il la liberté d’expression et la créativité?
- Les modèles de création de l’information relevant du domaine public et d’accès libre vont-ils dans le sens ou à l’encontre du système de propriété intellectuelle?
- Quel est l’impact de la législation sur le droit d’auteur, au niveau tant international que national, sur l’enseignement et la recherche?
- Quels sont les droits et responsabilités des titulaires des droits de propriété intellectuelle?
- Quel rôle peuvent jouer, dans le domaine de la propriété intellectuelle, les partenariats mondiaux visant à atteindre les objectifs de développement du Millénaire des Nations Unies?
- Comment la politique de la propriété intellectuelle est-elle faite pour la société de l’information et qui l’élabore?
- Comment la diversité culturelle et intellectuelle des communautés traditionnelles peut-elle être respectée dans la société de l’information?
- Les nouveaux modèles de distribution de la propriété intellectuelle en ligne constituent-ils une opportunité ou une menace?
- Quels sont les problèmes que pose l’application des droits de propriété intellectuelle dans un environnement numérique?
Le Magazine de l’OMPI vise à faciliter la compréhension de la propriété intellectuelle et de l’action de l’OMPI parmi le grand public et n’est pas un document officiel de l’OMPI. Les désignations employées et la présentation des données qui figurent dans cette publication n’impliquent de la part de l’OMPI aucune prise de position quant au statut juridique des pays, territoires ou zones concernés ou de leurs autorités, ni quant au tracé de leurs frontières ou limites territoriales. Les opinions exprimées dans cette publication ne reflètent pas nécessairement celles des États membres ou du Secrétariat de l’OMPI. La mention d’entreprises particulières ou de produits de certains fabricants n’implique pas que l’OMPI les approuve ou les recommande de préférence à d’autres entreprises ou produits analogues qui ne sont pas mentionnés.