Science et vision d’avenir : M. Manuel Elkin Patarroyo
Biographie |
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Naissance : 1947 Nationalité : Colombienne Études : Faculté de médecine de l’Université nationale de Colombie; études universitaires supérieures à Yale (États-Unis d’Amérique); doctorat à l’Université Rockefeller (États-Unis d’Amérique) Carrière : professeur à l’Université nationale de Colombie. Fondateur et directeur de l’Institut d’immunologie colombien. Distinctions : Prix national des sciences Alejandro Angel Escobar (1979, 1981, 1984 et 1986); Académie des sciences du Tiers Monde (Venezuela), 1990; Médecin de l’année (France), 1994; Prix Leon Bernard de l’OMS, 1995; Personnalité médicale de l’année (Espagne), 2002.
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Cet entretien est le deuxième d’une série que la revue de l’OMPI consacre à des savants et chercheurs renommés. Chacune de ces personnalités incarne la créativité et l’innovation que le système de propriété intellectuelle vise à encourager.
Le pathologiste Manuel Elkin Patarroyo est le chercheur le plus célèbre et pittoresque de Colombie. Voué avec passion à la science au service de l’humanité, il a consacré sa vie à la recherche de vaccins contre les “maladies orphelines” qui causent la mort de millions de personnes chaque année dans les pays en développement. M. Patarroyo a ouvert, en 1986, des perspectives nouvelles avec son premier vaccin chimique contre le paludisme, partiellement efficace, dont il a ensuite donné le brevet à l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Depuis, il vise à atteindre son objectif : fabriquer un vaccin antipaludique efficace à 100%.
M. Patarroyo, pouvez-vous nous dire comment en êtes-vous venu à vous consacrer à la recherche médicale?
Ma vocation tire son origine des rêves que mes parents ont entretenus en moi dès l’enfance. Ils estimaient que la meilleure chose que l’on pouvait faire était d’être utile aux autres; et la chose la plus fascinante dans la vie était d’acquérir des connaissances. Mettez ces deux éléments ensemble et vous obtenez un chercheur qui œuvre pour le bien de l’humanité. Ils m’ont fait lire des bandes dessinées et des livres d’enfant, y compris des ouvrages sur Louis Pasteur. Cet homme qui a voué sa vie entière à la prévention des maladies m’a fasciné. Il est devenu mon idole – et le demeure.
Pourquoi avez-vous choisi de vous concentrer sur les vaccins pour des maladies “orphelines”?
Quand j’étudiais à l’Université Rockefeller, à New York, j’ai constaté un énorme déséquilibre dans le domaine de la recherche scientifique. Il est légitime pour les pays développés de s’occuper des principales pathologies ou problèmes de santé qui touchent leurs populations. Dans les pays en développement, les maladies n’ont suscité aucun intérêt. Venant moi-même d’un pays en développement, j’ai décidé de me consacrer à la préparation de vaccins pour lutter avant tout contre les problèmes qui touchent essentiellement les populations de ces pays, tels que le paludisme, la tuberculose, l’hépatite, la leishmaniose, le cancer du col de l’utérus, qui est un énorme problème, et nombre d’autres maladies infectieuses.
Qu’est-ce qui vous a apporté le plus de satisfaction dans vos recherches?
Je dois avant tout remercier mon pays, qui m’a soutenu sans réserve, ainsi que mes collègues qui ont une telle confiance dans ce que nous accomplissons collectivement. Grâce à cela, nous avons obtenu de nombreux résultats qui m’ont donné de grandes satisfactions. Par exemple, le fait de découvrir qu’on peut fabriquer des vaccins chimiquement, ce dont je rêvais depuis l’enfance et que c’est réalisable est une immense satisfaction, puisqu’ainsi toute maladie infectieuse peut être combattue.
Que changeriez-vous si c’était à recommencer?
Si je devais recommencer ma vie, je ferais les mêmes erreurs. En vérité, j’ai appris davantage de mes erreurs et surtout des critiques, à tort ou à raison, qui en ont été faites. J’en ai tiré bien plus d’enseignements que durant ma formation. Si un concept, qui a été élaboré auparavant par d’autres ou par nous, se révèle erroné, nous l’élucidons rapidement, faisons marche arrière et prenons la bonne direction.
Quels sont les plus grands défis à relever pour le directeur d’un centre de recherches dans un pays en développement?
L’être humain peut souffrir de 517 maladies infectieuses, pour lesquelles n’existent que 12 vaccins. C’est un problème de dimension universelle, qui à la fois m’obsède et me passionne. Les gens parlent toujours des problèmes, mais il ne faut pas oublier les avantages, tels que ceux qui permettent de créer un institut de ce type en Colombie.
La plus grande difficulté aujourd’hui est de chercher une méthode logique et “mathématique” pour préparer toute sorte de vaccins. L’institut a été créé précisément non seulement pour accueillir des chimistes, mais également des physiciens et des mathématiciens. À partir des connaissances que nous avons de l’analyse des molécules selon une méthode, disons, physique, nous pouvons essayer de déduire la méthode mathématique d’élaboration de ces vaccins. Il s’agit de chercher une formule universelle, qui ferait gagner tant de temps en recherche, tant d’argent et tant de vies.
Vous avez dû faire face à certains revers financiers importants. Qu’est-ce qui a incité votre équipe à vous suivre dans cette période difficile?
En raison des dettes accumulées par l’Institut d’immunologie et l’hôpital, nous avons absolument tout perdu : le siège, les laboratoires, les équipements et le budget. Mais pire encore, nous avons perdu un grand nombre de collaborateurs qui, devant les difficultés économiques, ont dû partir aux États-Unis ou dans d’autres pays développés, où ils effectuent aujourd’hui un extraordinaire travail de recherche.
Mais l’équipe entière est pleinement persuadée qu’il nous faut continuer. Nous sommes tous convaincus que nous sommes en fait sur la bonne voie. Les gens voient l’élaboration des concepts, mais peuvent aussi remarquer les autres problèmes que nous estimons secondaires, tels que les difficultés inhérentes à une situation qui comporte quantité d’avantages mais aussi d’inconvénients.
Quels messages souhaiteriez-vous transmettre aux décideurs, compte tenu de votre expérience en matière de recherche dans les pays développés et les pays en développement?
Le talent est la chose du monde la mieux partagée. C’est dans les possibilités qui s’offrent aux gens talentueux que se trouvent les inégalités. Je m’évertue à convaincre gouvernements et institutions qu’il importe de créer, dans chaque pays, des centres sur place, aux fins d’accroître les possibilités pour les gens de talent de valoriser leur potentiel et, également, de trouver des solutions là où les problèmes sont endémiques.
Dans de nombreux pays en développement, les gouvernements sont peu sensibilisés au domaine des sciences. Ils ne l’incluent pas dans leurs discours et leurs ordres du jour. Mais ce n’est pas seulement une question de politiques gouvernementales. Les mères peuvent
donner à leurs enfants le goût des sciences et les y encourager. C’est là le commencement de tout. Il faut donner à la science une importance sociale et exercer une sorte de pression. À l’heure actuelle, en Colombie, 0,2% est investi dans les sciences et la technologie, alors qu’aux États-Unis d’Amérique, 2,5% y sont consacrés, d’où une énorme différence.
Enfin, M. Patarroyo, que diriez-vous à des jeunes qui envisagent une carrière scientifique?
L’une des tâches fondamentales de mon activité quotidienne est de me rendre dans les établissements scolaires et de recevoir des enfants à l’institut pour leur parler des sciences. Je leur dis de rêver; rêver et se battre quotidiennement pour leurs rêves; et si, ensemble, ils œuvrent pour le bien-être d’autrui, chacun aidera l’autre à atteindre ses objectifs, puisqu’il obtiendra le résultat souhaité.
Le paludisme : données essentielles |
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Source : Organisation mondiale de la santé / Faire reculer le paludisme |
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