L’Afrique s’anime : L’histoire de Pictoon au Sénégal
“Si nous ne savons pas vendre notre culture, d’autres le feront pour nous.” – Pierre Sauvalle, fondateur et codirecteur de Pictoon.
Le patrimoine des traditions africaines est riche en contes. Il semble donc d’autant plus approprié que la première série de films d’animation produite sur ce continent traite de Kabongo le griot, un conteur de l’Afrique de l’Ouest. Kabango parcourt les pays du monde, avec à ses côtés son singe chantant Golo, à la recherche d’un disciple digne de son art et de son talent. Dans chaque pays, il traverse des épreuves et vit des aventures et, grâce à ses contes, fait ressortir la magie des mythes et des légendes du passé de ce pays.
La série de 13 dessins animés, la première à être entièrement réalisée en Afrique, est due à un petit studio d’animation, Pictoon, installé à Dakar, la capitale du Sénégal. Diffusé en décembre 2003 sur le service satellite de Canal France International (CFI), Kabongo a connu un succès immédiat. “C’est une série formidable, pleine d’ambition et très africaine” a dit le directeur de la programmation de CFI, Pierre Block de Freiberg, à l’édition européenne de la revue TIME.
Images de Kabongo le griot de Pictoon qui paraîtra bientôt en anglais.
Kabongo est la création de Pierre Sauvalle, qui, en 1998, a mis sur pied Pictoon en collaboration avec sa codirectrice, la femme d’affaires sénégalaise Aïda Ndiaye. M. Sauvalle travaillait depuis huit ans dans des sociétés de production françaises après avoir reçu son diplôme de l’école d’animation de grand renom, Les Gobelins, à Paris. Mais il avait toujours souhaité en son for intérieur retourner en Afrique pour commencer à réaliser des productions authentiquement africaines. Il a engagé des écrivains tant africains que français pour travailler au scénario de Kabongo, mais les maquettes, l’animation, la colorisation et le montage ont tous été réalisés par Pictoon à Dakar. Seul le travail de post-production (c’est-à-dire le son) a été effectué en France.
Avec Kabongo, Pictoon a permis à l’Afrique de trouver sa place dans le monde de l’animation et a prouvé que l’Afrique peut produire des dessins animés de qualité, à la finition impeccable. Mais ce n’est là qu’un début pour Pictoon qui a d’autres ambitions. La société, en produisant des messages publicitaires pour la télévision locale, pourrait gagner plus qu’il ne lui en faut pour rester en activité mais son vrai but est d’attirer une partie des 75 milliards de dollars des États-Unis que draine l’industrie mondiale de l’animation.
Talents locaux
M. Sauvalle et Mme Ndiaye ne craignent pas les défis. À ce jour, ils ont trouvé des solutions à toutes les difficultés qu’ils ont rencontrées, qu’il s’agisse de la pénurie d’artistes qualifiés, des pannes d’électricité ou des problèmes pour obtenir du matériel informatique et des logiciels convenant à leurs besoins et assez robustes pour résister à l’environnement local.
De jeunes artistes sénégalais reçoivent une formation au dessin animé dans le studio de Pictoon.
Ne trouvant pas d’artistes de l’animation bien formés, M. Sauvalle a commencé à les former lui-même. Il a mis sur pied à l’intention de jeunes artistes prometteurs qu’il a découverts dans sa recherche locale de nouveaux talents un cours de deux ans d’apprentissage du dessin et de l’animation assistée par ordinateur. Au fur et à mesure que les apprentis acquièrent de l’expérience et maîtrisent les compétences nécessaires, ils forment à leur tour de nouveaux arrivants. Pendant les périodes de grande activité, Pictoon emploie maintenant jusqu’à 120 personnes toutes formées sur place.
“L’industrie artistique est vraiment importante pour l’Afrique parce qu’elle donne une image de nous.” – codirectrice de Pictoon, Aïda Ndiaye.
Les autres problèmes que Pictoon n’a pu résoudre sont contournés. “Vous avez beau prendre toutes les précautions du monde contre les surtensions, cela ne change rien” dit Mme Ndiaye, la directrice générale de la société. “Tous les ans nous devons remplacer la totalité du système informatique.”
Concurrence mondiale
Le salaire versé aux artistes apprentis au Sénégal, qui fait partie du groupe des pays les moins avancés du monde, permet à Pictoon de concurrencer au plan des coûts les pays asiatiques tels que la Corée du Sud vers lesquels les sociétés de production de films d’animation d’Europe et des États-Unis externalisent actuellement une bonne partie de leurs travaux d’artiste. En combinant les faibles coûts avec la qualité – qui, selon M. Sauvalle, a impressionné les professionnels de l’animation du monde entier – Pictoon s’annonce comme un concurrent sérieux sur le marché mondial.
Mais Pictoon ne veut pas faire des affaires à n’importe quel prix. Ses fondateurs sont résolus à continuer de produire leurs propres films afin de rester fidèles à leur patrimoine culturel. Ils prévoient de créer davantage de dessins animés africains, inspirés des légendes et des histoires qui se sont communiquées de père en fils pendant des générations. Ces histoires, pensent-ils, présentent un attrait universel. Après le succès rencontré par Kabongo en France et dans toute l’Afrique francophone, Sauvalle est convaincu que la version anglaise qui va paraître bientôt sera bien accueillie par le marché mondial.
Enregistrement des droits de propriété intellectuelle
Pictoon n’ignore pas la valeur de la propriété intellectuelle et a enregistré Kabongo auprès de la Société française des auteurs et compositeurs dramatiques. Mais M. Sauvalle se plaint amèrement de ce que les coûts de la protection de la propriété intellectuelle soient proportionnellement beaucoup plus élevés pour les pays en développement. “Le coût de l’enregistrement des créations et du dépôt de brevets est souvent purement et simplement au-delà des moyens des créateurs des pays africains” fait-il observer. Il voudrait que pour les pays les plus pauvres tels que le Sénégal on ne perçoive plus de taxes afin que les créateurs puissent enregistrer leurs œuvres gratuitement “exactement comme un père enregistre la naissance de son nouvel enfant”.
Dans pas longtemps …
Dans pas longtemps, on verra sur les écrans de télévision la nouvelle série de Pictoon, les lions invincibles d’Afrique. À partir, dans ce cas aussi, d’une combinaison gagnante d’art de la narration et de sagesse, la série tisse des messages moraux dans la trame d’aventures vécues par ses personnages, animaux vedettes de football, tout en projetant une image positive de l’Afrique. Les fans de Pictoon attendent avec impatience l’arrivée de la série sur les écrans.
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