Portraits d’innovateurs: Nokia – Ou l’art de mettre les droits de propriété intellectuelle en adéquation avec les besoins commerciaux
Nokia a déposé plus de 850 demandes internationales de brevet en 2005, ce qui fait de cette société l’un des cinq principaux utilisateurs du Traité de coopération en matière de brevets (PCT). D’après une étude réalisée en 2005 par le Boston Consulting Group, Nokia figure parmi les dix sociétés les plus innovatrices du monde. Et, en 2005, elle a ajouté à sa liste déjà longue, plusieurs récompenses obtenues à l’occasion de l’International Forum Design, pour ses dessins et modèles. L’un des fabricants de téléphones portables les plus importants du monde, Nokia a la capacité de rester à la pointe de l’innovation et des dessins et modèles, ce qui est essentiel pour son succès dans ce secteur d’activité hautement concurrentiel.
Dans l’interview donnée à la Revue de l’OMPI, le vice-président de Nokia chargé des questions relatives aux droits de propriété intellectuelle, Monsieur Ilkka Rahnasto explique comment les stratégies commerciales de la société prennent en compte la propriété intellectuelle et comment Nokia utilise les instruments du système de propriété intellectuelle afin de protéger ses actifs qui reposent sur l’innovation et de miser sur eux.
Quel est, de l’avis de Nokia, son avancée la plus importante en matière d’innovation?
Nokia a eu un rôle décisif à jouer pour déterminer les éléments clés des technologies de téléchargement des données dans les portables et dans les téléphones portables simples à utiliser. Actuellement, nous avons la chance que pas un seul fabriquant de téléphones portables puisse en produire sans utiliser plusieurs de nos brevets.
Il est difficile de citer telle avancée plutôt que telle autre, parce que Nokia intervient dans un secteur commercial où aucune société peut compter seulement sur ses propres innovations, et où aucune innovation, quelle qu’elle soit, n’est suffisante pour lui permettre de prospérer. Nokia a réussi à recourir à la norme ouverte, au panachage de bonnes technologies provenant de plusieurs sources, et à des caractéristiques propres à la marque, que les consommateurs ont préférées.
Pouvez-vous donner des exemples de la façon dont la société utilise les différentes formes de protection de la propriété intellectuelle?
Nokia utilise des brevets pour protéger des idées novatrices – telles que le téléchargement de sonneries musicales et les étuis interchangeables de téléphone élaborés dans les années 90 –, des dessins ou modèles enregistrés pour protéger la forme des produits – tels que les écrans d’affichage, les piles et les claviers –, et des marques – telles que Nokia, Connecting People (Nokia, une passerelle entre les personnes), et l’indicatif de Nokia.
L’indicatif de Nokia est enregistré comme une marque.
Nous sommes d’ardents défenseurs de la norme ouverte, et nous contribuons beaucoup, au travers de notre innovation, au développement de l’ensemble du secteur d’activité. Certains droits de propriété intellectuelle, en particulier ceux qui touchent aux interfaces-utilisateurs, servent à protéger l’originalité de nos produits, et certains à protéger les utilisateurs finals. Par exemple, les enregistrements de dessins ou modèles sont utilisés dans la lutte contre les piles de contrefaçon qui sont dangereuses.
Les entreprises sont de plus en plus réticentes à investir dans quelque secteur ou produit nouveau que ce soit sans avoir au préalable compris les conditions relatives à l’acquisition des droits de propriété intellectuelle. Ainsi, lors de la première phase du cycle d’un produit, il est important d’encourager les responsables du secteur industriel à investir dans la nouvelle technologie en accordant des conditions favorables en matière de propriété intellectuelle. Sur des marchés matures, l’accent est placé sur les sociétés qui veulent copier des produits et partager les avantages d’une technologie sans investir dans la recherche et le développement. Sur ces marchés, il est capital d’établir une répartition équitable des dépenses liées à la recherche et au développement, au travers de la concession de licences.
Vous avez recours à la concession de licences et à la concession de licences réciproques. Que pouvez-vous nous dire de plus?
Nous avons un programme actif de concession de licences à des sociétés qui fabriquent des téléphones portables ou du matériel de réseau adapté aux normes cellulaires telles que les normes GSM, AMRC (Accès multiple par répartition de codes) et AMRC large bande. Nous sommes également sur le point de lancer de nouveaux programmes de concession de licences afin de permettre à d’autres intervenants de bénéficier de nos idées simples à utiliser, ou des éléments de mobilité, dans des produits autres que les téléphones portables.
Nous avons recours à la norme ouverte pour la plupart de nos produits, qui généralement nécessitent l’exploitation de droits de propriété intellectuelle. Nokia élabore de telles normes et contribue à leur élaboration au travers de ses propres droits de propriété intellectuelle. La société bénéficie également de la concession de droits de propriété intellectuelle par d’autres intervenants. L’économie de réseau est l’une des expressions à la mode dans cette branche d’a ctivités. Pour Nokia cela signifie que nous utilisons plusieurs fournisseurs et concepteurs de composants, afin de compléter nos propres activités de développement.
Comment décririez-vous la stratégie de Nokia en matière de propriété intellectuelle?
Notre stratégie en matière de propriété intellectuelle est profondément ancrée dans la stratégie commerciale de Nokia. La stratégie de Nokia en matière de droits de propriété intellectuelle au début des années 90, était essentiellement axée sur l’acquisition de nouveaux droits dans ce domaine, sur leur utilisation pour défendre une activité commerciale en progression. Au cours de ces dernières années, l’accent a été mis de plus en plus sur la compréhension du rôle de la propriété intellectuelle dans chacune des activités commerciales de Nokia et sur l’amélioration du retour sur notre technologie et notre investissement en matière de propriété intellectuelle.
Les actifs de propriété intellectuelle sont gérés par un département centralisé prévu à cet effet, qui relève du chef de la stratégie, lequel entretient des liens très étroits avec les groupes d’entreprises et de technologie appartenant à Nokia afin de permettre un alignement stratégique à 100%.
Quelle a été la tendance enregistrée dans les demandes de brevet déposées par Nokia au fil des ans?
Nokia a connu une évolution très marquée de ses activités de protection par brevet au fil du temps. La société ne s’est plus ou moins lancé dans cette activité qu’après 1990, après avoir eu quelques expériences difficiles sur le marché des États-Unis. Après cette année là, elle n’a cessé d’augmenter le nombre de dépôts de demandes de brevet, et à l’heure actuelle nous présentons entre 1300 et 1500 nouvelles demandes par an dans un domaine très ciblé de la technologie.
Nous avons présenté notre première demande de brevet selon le PCT en 1982. L’essor des télécoms dans les années 90 nous a conduit à accroître brusquement le volume d’exploitation des brevets.
Quels avantages et quels inconvénients le PCT présente-t-il, selon Nokia?
L’un des principaux avantages qu’offre le PCT est qu’il diffère le paiement des frais encourus jusqu’à ce que l’importance de l’invention soit connue. Les télécommunications sont régies par des normes. La normalisation prend du temps, et souvent, l’année de priorité est trop courte pour savoir si une demande de brevet peut être appropriée pour une norme Néanmoins, la période de trente mois dont les déposants disposent en vertu du PCT leur donne plus de temps pour déterminer les demandes qui sont importantes, celles qui ne le sont pas et, en conséquence, pour adapter le programme de dépôts de demandes dans le cadre de la phase nationale.
Le PCT joue également un rôle essentiel en matière de modification des demandes de brevet au cours de la phase internationale. C’est souvent nécessaire pour obtenir des réclamations justifiées dans des pays qui accordent directement des brevets sans qu’il y ait eu – ou si peu – d’examen des demandes, lors de la phase nationale. Le PCT offre un autre avantage : des rapports clairs de recherche et d’examen sont fournis sans qu’il soit nécessaire d’engager de nouvelles dépenses lors de la présentation de demande de brevet au titre de la phase nationale.
Les inconvénients sont les coûts supplémentaires et le fait que la recherche et l’examen effectués en vertu du PCT ne garantissent pas le succès lors de la phase nationale.
Nous avons également recours aux procédures traditionnelles prévues par la Convention de Paris et la Convention sur le brevet européen parce que le temps nécessaire à la délivrance du brevet est plus court, ce qui est important lorsque le brevet doit être octroyé rapidement. Nous devons également utiliser d’autres voies pour les États non parties au PCT.
Comment la société Nokia souhaiterait-elle voir le système de propriété intellectuelle évoluer?
Pour ce qui de l’acquisition de nouveaux droits, nous considérons que les questions traditionnelles telles que le coût, le temps et la qualité sont des éléments clés de toute évolution future. Le débat en cours à l’échelon mondial sur les problèmes posés par le système de propriété intellectuelle exige aussi l’établissement de nouvelles règles et la conduite d’une réflexion sur la façon de pouvoir utiliser les droits de propriété intellectuelle. Nous croyons que l’élaboration de règles dans les contrats de licence de propriété intellectuelle est une nécessité croissante. D’une part, les titulaires de droits ont besoin d’être protégés contre les copieurs et les profiteurs. D’autre part, la pérennité de l’interopérabilité et la normes ouverte imposent que le régime de concession de licences soit équitable, et que chaque partie ne puisse pas exiger des redevances supérieures à ce que sa contribution au développement de la technologie justifie. La viabilité à long terme du système de propriété intellectuelle impose que tous ces deux aspects soient garantis.
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