Harmonisation du droit des brevets : que s’est-il passé?
"Ce n’est pas encore mûr". C’est en ces termes que Ron Marchant, directeur de l’Office des brevets du Royaume-Uni, a conclu, le 12 avril dernier, la réunion informelle du Comité permanent du droit des brevets (SCP) qu’il présidait à Genève. Estimant qu’il ne leur était pas encore possible de parvenir à un accord sur un plan de travail, les États membres ont en effet décidé de suspendre les délibérations entamées en 2001 sur le projet de traité sur le droit matériel des brevets (SPLT). Voici donc un bref rappel historique, ainsi qu’une explication des divergences de vues qui rendaient difficile la poursuite du processus.
Les travaux sur le projet de SPLT visaient initialement l’harmonisation de certaines des notions fondamentales appliquées dans l’examen des demandes de brevets. La portée du texte a ensuite été progressivement élargie au cours des années suivantes. Des craintes se sont alors fait jour quant au fait que certaines dispositions, par exemple celles relatives à l’objet brevetable ou aux exceptions à la brevetabilité, risquaient de réduire à certains égards la latitude offerte par les politiques nationales et reconnue par les traités internationaux en vigueur. De même, certaines délégations se sont opposées à des propositions visant à introduire une obligation de divulgation, dans les demandes de brevet, de l’origine des ressources génétiques et des savoirs traditionnels sur lesquels sont fondées les inventions.
Des tentatives ont été faites pour éviter le piétinement du processus, et notamment des propositions, en 2004, de la part des membres d’un groupe de "coopération trilatérale" (Japon, États-Unis d’Amérique et Office européen des brevets), des consultations réunissant 20 États membres et office régionaux sous les auspices de l’OMPI, qui se sont tenus à Casablanca en février 2005, et des propositions soumises par un groupe dit des "Amis du développement". Cela n’a toutefois pas empêché les délégations de se diviser, pour l’essentiel, en deux camps : celles qui préconisaient le règlement rapide d’un nombre réduit de questions techniques et celles qui favorisaient une approche plus globale.
Tenants du resserrement...
Les délégations du premier camp faisaient valoir que l’harmonisation des règles d’examen des brevets dans les États membres de l’OMPI constitue une nécessité, dans la mesure où elle permettra d’améliorer la qualité des brevets, de simplifier les procédures, de réduire les frais exposés par les utilisateurs et d’éviter la répétition des tâches des offices, et qu’elle est dans l’intérêt des pays développés comme dans celui des pays en développement. À cet effet, elles appelaient les membres à approuver pour le SCP un plan de travail limitant la portée des délibérations relatives au SPLT à la définition des notions suivantes :
- état de la technique;
- période de grâce;
- nouveauté;
- activité inventive.
Selon ces délégations, un accord sur ces questions favoriserait une meilleure qualité des brevets, faciliterait le partage des tâches et réduirait les différences entre les législations nationales qui, à l’heure actuelle, empêchent les innovateurs, et notamment les particuliers et les petites et moyennes entreprises, de bénéficier de leurs propres innovations. Les délégués ont ajouté que la nécessité d’harmonisation ne se limitait certainement pas à ces quatre aspects, mais que dans l’immédiat, la poursuite de travaux portant sur l’ensemble des documents du projet de traité et, à plus forte raison, sur d’autres questions, ne constituait pas la bonne manière de procéder.
...contre partisans de la manière globale
Les délégations opposées à cette solution ont maintenu qu’elle ne prenait pas adéquatement en compte les préoccupations de tous les États membres, et en particulier celles des pays en développement. Ont été citées notamment, à cet égard, la diversité des incidences du processus d’h armonisation du droit des brevets, les conséquences de ce dernier pour les objectifs de politique générale des pays en développement et l’importance de questions telles que les suivantes :
- sauvegarde de l’intérêt public;
- transfert de technologie;
- limitation des pratiques anticoncurrentielles;
- divulgation de l’origine des ressources génétiques dans les demandes de brevets.
Pour les "Amis du développement" et d’autres délégations partageant la même optique, il était impossible de souscrire à la conception fragmentée des négociations proposée dans la déclaration de Casablanca et la proposition des délégations du Japon et des États-Unis d’Amérique, selon laquelle ces questions devraient être laissées de côté ou confiées à un autre organisme tel que le Comité intergouvernemental de la propriété intellectuelle relative aux ressources génétiques, aux savoirs traditionnels et au folklore.
À leur avis, toutes les préoccupations des membres, quels que soient ces derniers, devaient continuer à être examinées globalement et de manière à conserver un équilibre entre les appels en faveur d’une harmonisation par le haut des lois nationales sur les brevets et le souci de préserver les flexibilités existantes et l’espace politique des États membres.
Procédure en trois étapes
En septembre-octobre 2005, l’Assemblée générale de l’OMPI a tenté de résoudre l’impasse en arrêtant le programme en trois étapes suivant : i) un forum informel à participation non limitée de trois jours portant sur l’ensemble des questions soulevées dans le projet de SPLT ou que les États membres souhaitent y intégrer, suivi de ii) une session informelle de trois jours du SCP afin de permettre à ce dernier d’arrêter son programme de travail en tenant compte des délibérations du forum, le tout menant à iii) une session ordinaire du SCP pour débuter les travaux inscrits à ce programme.
Le forum à participation non limitée s’est tenu du 1 er au 3 mars. De nombreux participants se sont félicités du caractère constructif et de la portée des discussions et ont manifesté le souhait de voir s’élargir le débat sur le système des brevets au sein de l’OMPI. Comme prévu, une session informelle du SCP s’est ensuite tenue du 10 au 12 avril. Les délégations ont reconnu l’importance de toutes les questions soulevées, et plusieurs ont apporté des contributions afin de rapprocher les différents points de vue. Mais malgré de nombreux signes d’ouverture, la franchise des discussions a permis de constater que certaines divergences fondamentales ne pourraient pas être résolues dans l’immédiat. Les États membres se sont prononcés en faveur de la poursuite des travaux du SCP tout en concluant qu’il était prématuré d’établir un programme de travail, et ont décidé de renvoyer la question à l’Assemblée générale de l’OMPI à sa session de septembre 2006.
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