Livres : Les brevets de la croissance ou IPness = HAPPYness
"Statisticien : homme qui croit que les chiffres ne mentent pas, mais reconnaît qu’à l’analyse, certains ne tiennent pas non plus la route" - Evan Esar, humoriste américain
Conseil en propriété industrielle en France, Marc Chauchard a écrit Les Brevets de la croissance ou IPness = HAPPYness pour Survey, une collection s’adressant à un public d’experts et de praticiens de multiples champs de l’activité humaine. Dans cet ouvrage, il entreprend, avec l’aide d’un groupe de spécialistes de diverses disciplines, de chiffrer ce qu’a pporte la propriété industrielle à la santé d’une économie nationale tout entière.
M. Chauchard est conscient des pièges que peut tendre un exercice visant à établir une corrélation statistique entre le nombre de brevets ayant une incidence sur la productivité intérieure de la France et la croissance du produit intérieur brut (PIB) du pays et à évaluer l’e ffet global de l’innovation sur la société française. Il fait intervenir à juste titre la question des définitions - celle des divers éléments utilisés pour calculer la productivité nationale et celle des critères de brevetabilité appliqués d’un pays à l’autre. Bien qu’il fournisse certaines indications en ce qui concerne d’autres pays développés, il limite, d’une manière générale, la portée de son étude à la France.
Il serait impossible de décrire ici en détail la méthode utilisée par M. Chauchard. Soulignons simplement qu’il présente, explications à l’appui, une série de calculs et de tableaux dans lesquels figurent des données telles que le nombre des demandes de brevet (certificats d’u tilité compris) ayant une incidence sur la productivité intérieure française qui sont déposées chaque année, les sommes consacrées par la France à la recherche et au développement depuis 1995 et les statistiques officielles relatives à la productivité intérieure de la France, également depuis 1995.
Comme l’a bien compris l’auteur, tout se joue dans les détails, mais aussi dans la manière dont les données sont interprétées. Il fait remarquer, par exemple, qu’un coefficient de corrélation positif de 97%, sur une période donnée, entre le nombre de demandes de brevet et le PIB ne signifie pas que les demandes de brevet contribuent pour 97% à la croissance du PIB; la conclusion - raisonnable - à laquelle il parvient à cet égard est que les deux phénomènes mis en rapport ne peuvent pas être interprétés exclusivement comme entretenant une relation de cause à effet.
Marc Chauchard est tout à fait conscient que la question pose le dilemme de la poule et de l’o euf : la croissance du PIB est-elle directement tributaire d’un haut degré d’innovation ou est-ce la santé de l’économie qui, en stimulant la recherche-développement, favorise l’essor de l’i nnovation? Se livrant à une évaluation de la contribution du PIB au développement de l’innovation, il avoue franchement qu’il a recours à l’intuition pour estimer à 33% la part attribuable à chacun des trois facteurs suivants : pression du marché et de la concurrence, ressources financières consacrées par les actionnaires à la recherche-développement et qualité des équipes d’inventeurs et de chercheurs.
La communauté de la propriété intellectuelle accueillera comme étant tout à fait judicieuses les grandes conclusions de cet ouvrage : l’innovation a un effet positif sur la santé des économies et peut être favorisée par une meilleure information des populations, à tous les niveaux, en ce qui a trait à la propriété intellectuelle, par l’engagement, à l’échelle mondiale, d’un processus des questions d’éthique qui y sont liées et par l’instauration d’une plus grande réciprocité internationale dans le traitement des demandes de titres de propriété industrielle.
La gravité du sujet mériterait mieux que le petit personnage de bédé sur lequel sont basées les illustrations, mais les éléments importants du graphisme, tels que les tableaux, les diagrammes et les calculs, sont présentés avec clarté et pertinence. Cette publication intéressera autant les spécialistes que les étudiants de la propriété intellectuelle et de ses statistiques. Les étudiants y trouveront des explications méticuleuses sur la nature des brevets et le processus de traitement des demandes de brevet qui les aideront à suivre le raisonnement d’ensemble de l’ouvrage, tandis que les spécialistes et les statisticiens y trouveront matière à réflexion en ce qui concerne le problème complexe de l’appréciation de la propriété industrielle. M. Chauchard s’était donné une tâche ambitieuse; il l’a accomplie avec enthousiasme et sans perdre de vue le fait qu’en matière de statistique, tout repose sur des hypothèses.
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