GWIIN: Les femmes inventeurs à l’honneur, au Mexique et dans le monde
Tandis que prétendants à la Coupe du monde 2006 de football s'affrontaient dans les stades de l'Allemagne, une autre compétition, elle aussi internationale, mais d'un tout autre genre, suivait son cours. Au Ghana, à Singapour, au Royaume-Uni et maintenant à Mexico, des femmes du monde entier présentent leurs inventions dans l'espoir d'obtenir leur qualification pour le Prix mondial des femmes auteurs d'invention, qui sera décerné en Inde en 2008.
Cette compétition n'est que l'une des nombreuses activités organisées par le Réseau mondial des femmes auteurs d'inventions et d'innovations (GWIIN), un organisme indépendant fondé en 1998 et dirigé par Bola Olabisi, qui a pour objet de "procurer aux femmes auteurs d'inventions et d'innovations la considération et l'assistance nécessaires pour affronter la longue et difficile route qui mène de l'idée à sa réalisation commerciale".
Comme l'a expliqué Mme Olabisi dans une entrevue accordée au Magazine de l'OMPI, les femmes disposent d'une sorte de don de l'innovation qu'elles manifestent dans leur vie quotidienne, à la maison comme au travail. Il était rare, autrefois, que leurs idées aillent très loin, mais aujourd'hui, de plus en plus de produits et de services nouveaux sont commercialisés grâce au dynamisme des femmes qui les ont inventés. Mme Olabisi observe cependant que les femmes ne réalisent pas encore pleinement leur potentiel économique. Où que ce soit dans le monde, elles ont toujours autant de mal à trouver conseil, par exemple sur la manière de protéger une idée, de construire un prototype ou d'élaborer un plan d'entreprise réaliste. "Dans de nombreux pays, déclare Mme Olabisi, l'inventivité est découragée et la croissance économique, freinée par manque d'aide et, dans de nombreux cas, d'information".
Démythifier la propriété intellectuelle
La préoccupation centrale du réseau GWINN, celle dont ses membres se félicitent le plus souvent, est d'ôter tout mystère aux questions de propriété intellectuelle. Il organise à cet effet des séminaires, des ateliers, des activités favorables à la création de réseaux ainsi que des expositions, et publie des produits d'information afin d'éduquer les participants au rôle fondamental que jouent les droits de propriété intellectuelle dans l'élaboration et la commercialisation des innovations. Pour maximiser l'efficacité de son action et favoriser le renforcement des réseaux d'appui, le réseau établit des liens étroits avec les organismes concernés, par exemple les offices de brevets nationaux. Il fait aussi rencontrer aux futures inventrices, à des fins d'inspiration et d'exemple, des femmes qui ont elles-mêmes enregistré, exploité et défendu avec succès des droits de propriété intellectuelle.
Grâce à certains de ses membres, des groupes régionaux ayant pour partenaires des organismes publics et des instituts d'enseignement locaux, le réseau GWIIN jouit d'un large crédit en Afrique, en Asie et en Amérique latine. Il a aussi établi récemment un réseau européen des femmes auteurs d'inventions et d'innovations en association avec la London Metropolitan University, et veut lancer certains de ses concepts de "pratiques recommandées" à Bruxelles au début de l'année prochaine.
Simi Belo, qui dirige une entreprise de produits capillaires au Royaume-Uni, nous a expliqué que ses propres décisions en matière de droits de propriété intellectuelle ont été grandement influencées par le réseau GWIIN : "Il y a deux ans, j'ai participé à un atelier de l'OMPI dans le cadre des activités organisées par le réseau à Singapour. Je cherchais à l'époque comment m'assurer des droits sur le dessin innovateur de mes perruques. Cet atelier m'a beaucoup aidée, car il m'a permis de savoir quels étaient les domaines sur lesquels je devais concentrer mes efforts, vu les moyens extrêmement limités dont je disposais". Et c'est ainsi que Mme Belo, ayant arrêté son choix sur la formule de l'accord de licence, a signé un contrat dont la valeur se chiffre en centaines de milliers de dollars pour la production, la vente et la commercialisation aux États-Unis de ses perruques NewHair®. "Le réseau GWINN a joué un rôle déterminant dans ce succès, par la manière pragmatique dont il a su démythifier la question des droits de propriété intellectuelle et me faire bénéficier de l'expérience acquise par d'autres. Maintenant, j'apporte moi aussi ma contribution en parlant de mon expérience."
Pleins feux sur les inventrices du Mexique
María del Socorro Flores González a reçu le prix MEXWII 2006 pour ses travaux sur le diagnostic de l’amibiase invasive, une maladie parasitaire. Elle sera en concurrence avec d’autres gagnantes régionales en Inde en 2008. (Photo par Liliana Coria)
On pourrait être tenté, en voyant le nombre de femmes qui réussissent de nos jours dans le domaine des sciences, des technologies ou de l'ingénierie, de se demander si un organisme entièrement dédié à la promotion des femmes inventeurs a encore sa raison d'être. Les statistiques en matière de brevets fournissent toutefois une réponse très claire à cet égard. Selon les chiffres cités à l'occasion de la conférence des femmes auteurs d'inventions et d'innovations, qui s'est tenue en mai dernier à Mexico, l'Institut mexicain de la propriété industrielle (IMPI) n'a reçu au cours des cinq dernières années que 42 demandes de brevet déposées par des Mexicaines. Parallèlement, 671 demandes étaient déposées par des hommes de nationalité mexicaine et plus de 32 000, par des étrangers, principalement des ressortissants des États-Unis d'Amérique.
Organisée par le réseau GWINN et la société Inova Consultancy avec la collaboration de l'IMPI, du Conseil national de la science et de la technologie (CONACYT) et de l'Institut national des femmes, la conférence de Mexico, qui se doublait d'une exposition et d'un concours, s'était donné pour objectif de redresser ce déséquilibre. Elle y a parfaitement réussi. "Cette conférence a été l'occasion d'attirer l'attention des médias nationaux sur un grand nombre d'héroïnes méconnues, qui sont pourtant à l'avant-garde de la création dans notre pays" a dit Mme Olabisi. À en juger par l'expérience des gagnantes des prix décernés par le réseau GWINN dans d'autres pays, on peut s'attendre à ce que la publicité ainsi faite aux inventrices mexicaines stimule grandement la commercialisation de leurs inventions. Mme Silvia Álvarez Bruneliere, directrice adjointe du CONACYT, a résumé le sentiment d'optimisme général en déclarant à la presse : "Cet événement ouvre des possibilités immenses pour les femmes mexicaines de talent et les encourage à prendre part au développement de notre pays". Le CONACYT et l'IMPI se sont engagés à établir un fonds d'aide spécial pour le développement des projets gagnants.
La grande gagnante a été Mme María del Socorro Flores González, de l'université de Nuevo León (UANL), pour ses méthodes brevetées de diagnostic de l'amibiase invasive, une maladie parasitaire qui affecte des millions de personnes dans les pays en développement et en tue chaque année plus de 100 000. Ces découvertes, qui sont le fruit de 20 années de recherches, répondent à un besoin de méthodes améliorées faisant appel à des techniques adaptées aux pays en développement, la sensibilité des anciens tests diagnostics dans les zones endémiques s'étant avérée insuffisante. Mme del Socorro Flores González ira ensuite en Inde, où elle sera en compétition avec les gagnantes régionales d'Europe, d'Afrique, du Moyen-Orient et d'Asie.
Les autres innovations primées à Mexico concernaient des domaines très divers. Elles allaient en effet d'un projet de production d'agents thérapeutiques à partir de plantes médicinales du Mexique en culture contrôlée à Radio-ADO, une émission de radio dans laquelle des adolescents donnent des cours d'éducation sexuelle à d'autres adolescents, en passant par une maison préfabriquée dont une ou plusieurs pièces sont gonflables.
Et la prochaine étape?
"Je pense que nous allons voir beaucoup plus d'inventions de femmes africaines, dit Mme Olabisi. C'est un continent qui offre des possibilités immenses. Ne manquez pas la réunion paneuropéenne de Bruxelles, au début de l'année prochaine, et la conférence panafricaine, avec sa remise de prix, en octobre 2007, au Cameroun".
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