Quand l’innovation devient un jeu d’enfant
Une autre journée d’école vient de s’achever à Acornhoek, une communauté rurale de la partie orientale semi-aride de l’Afrique du Sud. Des enfants font tourner en criant de joie un manège peint de couleurs vives. Des femmes, transportant des seaux d’eau, se dirigent vers leur foyer. Des garçons poursuivent un ballon de football.
Cependant cette scène ne dévoile pas tout. À quarante mètres sous terre, chaque tour effectué par le manège actionne une pompe. À raison de 16 tours par minute, ce système remplit d’eau, sans effort, une citerne de 2 500 litres, et subvient ainsi aux besoins de toute la communauté à laquelle il ne reste plus qu’à ouvrir un robinet.
Une heure de jeux produit jusqu’à 1400 litres d’eau. Les panneaux d’affichage portent des messages de santé publique et génèrent des revenus publicitaires qui permettent de financer l’entretien de la pompe. Photo PlayPumps International
L’idée de ce mécanisme est due à Ronnie Stuiver, un ingénieur spécialisé dans le forage. Il s’était en effet aperçu, alors qu’il parcourait le pays pour forer des puits, que des enfants s’attroupaient autour de lui, fascinés, la plupart débordant d’une énergie qu’ils avaient peu d’occasions de libérer en s’amusant. Il conçut donc un manège relié à une simple pompe. Cela fonctionnait très bien. Il fallut toutefois la vision audacieuse du publicitaire Trevor Field, qui découvrit la pompe lors d’un salon agricole en 1989, pour transformer cette ingénieuse invention en une solution innovante et durable à l’un des problèmes les plus urgents de la région.
Tournant
Avec deux collègues, M. Field négocia avec l’inventeur une licence d’exploitation du concept et créa la société Roundabout Outdoor. Ils perfectionnèrent le dispositif, qu’ils firent breveter sous le nom de PlayPump™. Les activités de l’entreprise restèrent tout d’abord modestes pendant quelques années. Puis, en 1999, le président Nelson Mandela inaugura une école équipée d’un système PlayPump et décida de faire un tour de manège. Séduits par les photos de presse, les donneurs et les investisseurs se mirent à affluer. Une collaboration s’établit entre l’organisme à but non lucratif PlayPumps International, les grandes entreprises et les bailleurs de fonds gouvernementaux. L’année suivante, Roundabout Outdoor remporta le concours du Marché du développement de la Banque mondiale, ce qui lui apporta une plus grande visibilité ainsi que de nouveaux fonds.
Aujourd’hui, quelque 700 systèmes PlayPump™ sont installés dans des communautés défavorisées d’Afrique du Sud, du Mozambique et du Swaziland, où ils transforment la vie de plus d’un million de personnes.
Les garçons de Boikarabelo se lavent dans l’eau qu’ils ont pompée en jouant. Un accès à de l’eau propre signifie une meilleure hygiène, un meilleur assainissement, et par conséquent le recul des maladies. (Photo Frimmel Smith)
Prenons, par exemple, le village de Boikarabelo, que nous décrit la journaliste Kristina Gubic. À deux heures de route de Johannesburg, 700 personnes vivant dans des cabanes en tôle ondulée. Auparavant, les habitants devaient escalader des rochers et traverser une prairie pour se rendre à la limite d’une ferme afin de recueillir l’eau d’une source souterraine. Le simple fait d’aller chercher le minimum d’eau nécessaire à la cuisine et au lavage était épuisant. Aujourd’hui, chaque famille a son potager et du linge sèche un peu partout. L’école construit des serres afin de subvenir elle-même aux repas au lieu de dépendre de dons sporadiques. Le chou, les épinards et les haricots permettent de compléter le régime alimentaire à base de maïs, améliorant ainsi sensiblement la nutrition des enfants.
Les conséquences économiques et sociales sont également visibles dans d’autres domaines. Une eau propre permet de prévenir les maladies qui empêchaient autrefois les enfants d’aller à l’école, et les parents de travailler. N’ayant plus à porter de l’eau quotidiennement, les filles peuvent consacrer du temps à leur éducation; quant aux aînées de Boikarabelo, elles ont créé un petit commerce artisanal. De l’autre côté de la rue, un résident s’est mis à élever des poulets qu’il vend au supermarché local. "Depuis que j’ai la possibilité de leur donner de l’eau fraîche et de nettoyer leurs cages, ils sont en bonne santé, ce qui me permet d’en obtenir un bon prix" explique-t-il.
(Photo PlayPumps International)
Le projet continue à prendre de l’ampleur. PlayPumps International s’est fixé pour objectif de toucher 10 millions de personnes dans toute l’Afrique sub-saharienne et ce, dans les trois années à venir (pour plus de renseignements, voir : www.playpumps.org).
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