Cybersquatteur ou innocent admirateur? - L’affaire du nom de domaine Wayne Rooney
Le Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI a traité, en sept ans à peine d’existence, 25 000 litiges relatifs à des noms de domaine, mais le phénomène du "cybersquattage" ne semble pas vouloir ralentir pour autant. Le Magazine de l’OMPI se penche ici sur la décision rendue en octobre 2006 dans une affaire de ce type, suite à une plainte du footballeur anglais Wayne Rooney.1
Les joueurs
Le défenseur, un acteur de télévision gallois qui se présente comme un enthousiaste du club de football Everton, avait enregistré, en avril 2002, les noms de domaine waynerooney.com et waynerooney.co.uk. À l’époque, Wayne Rooney n’était qu’un jeune joueur de 16 ans, prometteur mais peu connu. Six mois plus tard, il marquait un but spectaculaire contre Arsenal et devenait le plus jeune buteur de l’histoire du Championnat d’Angleterre de football.
La plainte a été déposée, en vertu des Principes directeurs régissant le règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (UDRP), par Wayne Rooney et son agence, titulaires de la marque Wayne Rooney publiée en août 2004. Le nom de domaine en litige donnait accès à un répertoire géré par un fournisseur de services Internet, lequel, selon les plaignants, versait probablement une rémunération au défendeur.
La défense
Le défendeur rejeta ces allégations. Il fit valoir que son nom de domaine était antérieur à la marque de Rooney et qu’il n’était pas possible, Rooney n’étant connu, à l’époque, que d’une manière locale, de prétendre que des droits non enregistrés existaient en 2002. Il affirma avoir enregistré le nom de domaine de bonne foi, après avoir vu jouer Rooney, dans l’intention de l’utiliser pour un site d’admirateurs non commercial. Il expliqua aussi qu’il n’avait pas pu donner suite à son projet par manque de connaissances techniques et parce que sa carrière d’acteur ne lui en laissait pas le temps, et qu’il s’en était finalement désintéressé en août 2004, lorsque Rooney avait "trahi" Everton pour aller jouer dans les rangs du Manchester United. Il affirma enfin qu’il ignorait que le nom de domaine donnait accès à un répertoire d’entreprises et qu’il avait demandé la désactivation du lien dès réception de la plainte.
L’arbitre
L’OMPI a demandé à M. Tony Willoughby, un juriste pratiquant à Londres, de statuer sur l’affaire.
Comment la commission a-t-elle procédé? Tout d’abord, sur l’argument selon lequel le nom de domaine était antérieur à la marque enregistrée de Rooney, elle a consulté la synthèse des avis des commissions administratives de l’OMPI sur certaines questions relatives aux principes UDRP2, dans laquelle il est précisé que le fait qu’un nom de domaine ait été enregistré antérieurement à l’acquisition de droits de marque par le requérant n’exclut pas l’atteinte à ces derniers.
Rooney avait-il acquis, en avril 2002, une réputation ou une notoriété suffisante pour pouvoir revendiquer des droits sur son nom à titre de marque non enregistrée? La commission a conclu par l’affirmative, observant que même s’il n’avait pas encore atteint une notoriété nationale, Rooney était déjà très connu dans la région de Liverpool, où il faisait régulièrement l’objet, par exemple dans le journal Liverpool Echo, de titre tels que "Pas de repos pour Rooney, l’as des Blues".
Le défendeur avait-il réservé le nom de domaine de mauvaise foi et à des fins lucratives? La commission a jugé "difficiles à avaler" les explications du défendeur quant aux "droits légitimes" que lui aurait conféré sur le nom de domaine sa qualité de fervent admirateur. Voilà en effet, a observé la commission, une personne qui, sans rien connaître à la conception de sites Web, éprouve tout à coup le pressant besoin d’enregistrer deux noms de domaine afin de créer un site d’admirateurs pour un joueur de football pas très connu âgé de 16 ans, mais qui finalement ne donne aucune suite à l’affaire. La commission a consulté deux sites d’admirateurs cités par le défendeur à titre d’exemples de ce qu’il envisageait de faire avec son domaine Rooney. Il s’est avéré que ces sites étaient tous deux à vocation commerciale.
La commission a conclu que le défendeur avait enregistré les noms de domaine dans le but de réaliser un profit, parce qu’il pressentait que Wayne Rooney allait devenir célèbre. Cet acte constituait une pratique déloyale, même si le défendeur n’était jamais allé jusqu’à exploiter le nom de domaine. La commission a donc ordonné que le nom de domaine soit transféré à Wayne Rooney et à son agence.
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