Courrier des lecteurs
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Universités et transfert de technologie
La commercialisation n’est peut-être pas la bonne réponse
Je voudrais exprimer mon désaccord avec le postulat sur lequel reposent vos récents articles sur l’utilisation de la propriété intellectuelle par les universités (Transfert de technologie et développement; La P.I. dans les universités : une politique avant tout – Magazine de l’OMPI 5/2006).
La question sur laquelle devrait être fondée la politique de propriété intellectuelle des universités publiques ne devrait pas être : "Que peut-on faire pour tirer le maximum du potentiel commercial de la propriété intellectuelle?", mais : "Que peut-on faire pour tirer le maximum du transfert des nouvelles idées?". La commercialisation de la propriété intellectuelle n’est en effet que l’une des façons – et souvent la moins bonne – de transférer les idées nouvelles. En mettant trop l’accent sur la commercialisation de la propriété intellectuelle, les universités finissent par surestimer cette dernière, ce qui conduit à des négociations interminables, menées par des juristes et autres intermédiaires qui contrarient, plutôt que de la faciliter, la libre circulation d’idées nécessaire à l’épanouissement de la recherche et de l’innovation.
En dehors de la biotechnologie, les redevances des licences de propriété intellectuelle ne représentent qu’une part infime des revenus des universités. Et naturellement, ces redevances ne sont pas non plus "tout bénéfice" – avec leurs directeurs du développement, leurs juristes et leurs comptables, les services de valorisation des universités coûtent très cher. Il faut aussi tenir compte des coûts indirects liés au temps que passent les chercheurs à expliquer leurs recherches et leurs implications à des intermédiaires. Joshua B. Powers a rapporté dans The Chronicle of Higher Education (22 septembre 2006) que plus de la moitié des universités américaines perdent systématiquement de l’argent sur le transfert de technologie.
Comme l’a observé le conseiller de direction et de gestion australien John Howard, il est très rare que les redevances de licences de propriété intellectuelle ou les revenus de l’essaimage rapportent plus aux chercheurs et aux organismes de recherche que la rémunération des travaux réalisés dans le cadre de contrats ou de missions de conseil.
J’estime, par conséquent, que les universités publiques devraient tout simplement faire don de la plupart de leurs droits de propriété intellectuelle – sauf dans le domaine de la biotechnologie – à titre de contribution au bien commun. Ce don pourrait être assorti, dans les formules de contrat de licence, d’une clause standard "en cas de fortune" prévoyant que si les droits en question rapportent, mettons, 50 millions de dollars sur 10 ans, les revenus devront être partagés selon la formule déterminée par un arbitre commercial nommé d’avance.
Gavin Moodie, Principal policy advisor, Griffith University, Australie.
… mais le transfert de technologie ne sert pas seulement à générer des revenus
En tant que vice-président de l’AUTM (Association of University Technology Managers), je tiens à souligner que la génération de revenus ne constitue pas l’objectif premier des services de transfert de technologie de la plupart des universités. Ils en ont d’autres, comme l’explique très bien dans son article (La P.I. dans les universités : une politique avant tout – Magazine de l’OMPI 5/2006) le professeur Ogada : promouvoir la diffusion du savoir et garantir aux parties prenantes une répartition équitable des risques, des avantages et des moyens.
D’une manière générale, l’AUTM ne mesure pas les avantages découlant du transfert de technologie à l’aune des revenus générés. Elle se fonde plutôt sur la manière dont la répartition des revenus de licence profite à l’ensemble de l’université, sur les avantages que procurent les produits commercialisés à la communauté et sur les incidences positives que peuvent avoir les programmes d’innovation de l’université sur un secteur ou une technologie (entre autres mesures).
La formule consistant à "tout donner", en revanche, avantage généralement les grandes entreprises, car elles ont la capacité d’améliorer les objets de propriété intellectuelle qu’elles ont reçus "gratuitement" et de les breveter plus rapidement que toute autre personne ou organisation. Pour les économies ou les technologies en développement, le "gratuit" peut finir par coûter cher. Il constitue potentiellement le meilleur moyen de faire bénéficier tout le monde, mais il vaut mieux définir la stratégie au cas par cas. En effet, les seuls à pouvoir bénéficier du système des licences libres sont souvent ceux qui disposent des ressources.
Les efforts de transfert de technologie des universités américaines et canadiennes ont donné accès, l’année dernière, à plus de 500 nouveaux produits. D’une manière plus intangible, les universités bénéficient du fait que leur relation avec les entreprises leur permet de voir dans quelle mesure la logique et les solutions de leurs chercheurs peuvent être appliquées à des problèmes commerciaux. Ironiquement, les universités bénéficient aussi du fait que leurs membres soient plus informés en matière de propriété intellectuelle, car vu l’importance croissante que prend cette dernière dans le monde actuel, les entreprises s’attendent de plus en plus à ce que les universités rendent mieux compte de leur action.
En dernière analyse, les universités sont appelées de plus en plus à fournir à la communauté qu’elles desservent les preuves des avantages qu’elles apportent à l’économie du savoir. Les universités américaines et canadiennes ont, à l’heure actuelle, plus de 28 000 licences actives correspondant à des relations de centres de recherche-développement universitaires avec des organisations qui se sont engagées à exploiter une technologie pour le bien public. Un grand nombre d’entre elles sont également membres de PIPRA (Public Intellectual Property Resources for Agriculture), une initiative visant à rendre les technologies agricoles plus disponibles pour le développement et la distribution des cultures de subsistance à des fins humanitaires dans les pays en développement et des cultures spécialisées dans les pays développés.
Dana Bostrom, Associate Director, Industry Alliances Office, University of California, Berkeley
Premiers pas
J’ai lu avec intérêt les articles sur la politique des universités en matière de propriété intellectuelle et de transfert de technologie dans le numéro de septembre-octobre du Magazine de l’OMPI. À l’Universidad Nacional de Mar del Plata, en Argentine, nous faisons nos premiers pas sur cette voie, après avoir créé un bureau de la propriété intellectuelle dans le cadre de notre secrétariat pour les transferts de technologie.
Notre conseil d’administration a approuvé récemment un règlement définissant la portée, les parties prenantes et les procédures relatives à la protection des créations intellectuelles issues des recherches scientifiques ou culturelles effectuées au sein de l’université ou avec la collaboration de tiers. Nous avons adopté une politique visant à sensibiliser l’ensemble des intervenants de ce processus, des chercheurs, membres du personnel enseignant et étudiants aux décideurs des divers organes concernés. Nous organisons dans nos différentes facultés des conférences sur les objectifs, les incidences et les avantages de la protection des actifs de propriété intellectuelle et le transfert de technologie entre l’université et les milieux extérieurs, tant sociaux que commerciaux. Nous avons aussi déposé une demande de participation à l’Initiative de l’OMPI à l’intention des universités, ce qui nous permettra de nommer un coordonnateur et de bénéficier de la documentation de référence en matière de propriété intellectuelle.
Nous sommes donc au tout début de ce qui promet d’être un long processus, mais qui, nous le savons déjà, se traduira par des avantages en matière économique, scientifique et de développement, non seulement pour notre université, mais aussi pour notre société en général.
Bernardo Marcos Diez, secrétariat pour les transferts de technologie (groupe de recherche sur les nouvelles technologies), Faculté de droit, Universidad Nacional de Mar del Plata, Argentine.
Le débat sur les parfums
La voie du droit d’auteur est-elle la bonne?
L’article intitulé Le droit d’auteur au tribunal – Parfum ou forme d’expression artistique? (Magazine de l’OMPI 5/2006) laisse entrevoir la perspective préoccupante, du point de vue juridique, d’un monde dans lequel tout produit industriel pourrait devenir une œuvre susceptible de protection en vertu de la législation sur le droit d’auteur.
Nous en retirons l’impression que les interprètes de la loi détournent, ce faisant, l’objet du droit d’auteur. Le fait que la liste des objets susceptibles d’être considérés comme des œuvres en vertu de la législation internationale sur le droit d’auteur ne soit que déclarative ne signifie pas que tout soit protégeable. Une œuvre doit en effet répondre à des critères bien établis pour pouvoir bénéficier de la protection du droit d’auteur.
En ce qui concerne plus particulièrement les parfums, il convient de souligner que c’est la formule chimique de la fragrance, et non la fragrance elle-même, qui pourrait éventuellement prétendre à la protection, dans la mesure où la différence de deux odeurs est souvent trop subtile pour être perçue par le consommateur. On peut rapprocher cela de ce qui se passe pour les recettes de cuisine, où c’est la recette, et non son odeur, qui est protégée.
Il faut enfin noter, sur le plan commercial, que la protection par le droit d’auteur n’est pas la plus avantageuse pour les parfumeurs, puisqu’une fois l’"œuvre" tombée dans le domaine public, à l’expiration de la protection conférée à l’auteur, toute action en vue de la protéger devient impossible.
En Colombie, les marques olfactives sont susceptibles d’enregistrement en vertu de l’article 81 de la décision 344 de la Commission de l’Accord de Carthagène. Cela peut constituer une solution plus efficace pour une entreprise comme Lancôme, car cela leur confère une plus grande latitude commerciale et une protection à plus long terme.
Catalina Castro Gaitán, Palacio, Arenas & Vanegas, Conseils juridiques d’entreprise, Bogotá D.C., Colombie
Ce qu’en ont pensé les tribunaux français
Dans sa contribution sur une décision néerlandaise statuant sur la protection du parfum par le droit d’auteur (Le droit d’auteur au tribunal – Parfum ou forme d’expression artistique? Magazine de l’OMPI 5/2006), le professeur Koelman fait référence à un arrêt de la Cour de cassation française précédant de trois jours la décision rendue aux Pays-Bas. Cet arrêt ébranle la jurisprudence française sur ce point.
La protection du parfum par le droit d’auteur fut initialement introduite dans la pratique française par un jugement du tribunal de grande instance de Paris en date du 24 septembre 1999.
La question ne réapparut que cinq ans plus tard, dans une affaire impliquant L’Oréal et plusieurs fabricants de parfums qui assignèrent en contrefaçon de droit d’auteur la société Bellure, en raison de la reproduction de leurs fragrances sous des marques différentes. Le tribunal de grande instance de Paris estima que les parfums constituaient bien des œuvres de l’esprit en les assimilant à des compositions musicales. Cependant, la demande fut rejetée pour manque de consistance. De multiples preuves de l’atteinte ainsi portée furent donc fournies dans le cadre de l’appel qui s’ensuivit, telles qu’une analyse physico-chimique montrant 50 éléments communs aux fragrances comparées, un test sensoriel effectué auprès du public, un rapport d’expert établi par un "nez" professionnel et une analyse gazeuse chromatographique.
Le 25 janvier 2006, la cour d’appel approuva la protection des parfums au titre du droit d’auteur au regard de i) leur identification au travers de leur "architecture" olfactive et ii) leur combinaison inhabituelle et très particulière d’essences montrant l’apport créatif de leur auteur. Dans un arrêt de la cour de cassation rendu le 13 juin 2006, les juges considérèrent toutefois que le créateur d’un parfum ne pouvait pas se prévaloir des dispositions du droit d’auteur. Étant issue de la Haute Cour, cette décision règle la question dès lors que seul le créateur d’un parfum est impliqué. Mais la question de la contrefaçon reste posée, dans la mesure où elle n’était pas soumise à la cour de cassation dans cette affaire.
L’extension du droit d’auteur aux parfums permettrait certes de surmonter les difficultés à enregistrer les marques olfactives. Mais cette extension présenterait également des effets négatifs, dans la mesure où les possibilités d’être considéré comme contrefacteur en seraient multipliées. En tout état de cause, un parfum dont l’originalité serait jugée insuffisante pour être protégé par le droit d’auteur courrait immanquablement le risque de se voir démesurément copié.
Par Franck SOUTOUL et Jean-Philippe BRESSON, mandataires européens en marques, Inlex Conseil, Paris, France, et reporters pour IP Talk.
Le ballon rond fait fort
Chaque Coupe du monde de football apporte son lot de nouvelles questions de propriété intellectuelle et de chiffres encore plus impressionnants que la précédente. J’ai trouvé particulièrement intéressant votre article sur les redevances de propriété intellectuelle et les technologies brevetées utilisées dans le cadre de la Coupe du monde de football 2006 (Magazine de l’OMPI 4/2006).
La valeur des droits de propriété intellectuelle augmente à pas de géant, à mesure que la technologie évolue et que les titulaires de ces droits prennent conscience du fait qu’ils existent dans chaque aspect de leurs produits ou services. En Malaisie, les gens ordinaires sont moins sensibilisés à la propriété intellectuelle qu’aux États-Unis et en Europe. Le Ministère du commerce extérieur et de la consommation a cependant organisé un certain nombre de manifestations pour mieux informer le public de l’importance de la propriété intellectuelle. Votre article sur la FIFA contribue à la sensibilisation du public, car il décrit très bien l’incidence que peut avoir la propriété intellectuelle sur de nombreux aspects de notre vie, y compris les sports.
Il est inquiétant d’apprendre que 2500 atteintes avaient déjà été portées aux droits de la FIFA avant même le premier match. À la veille des Jeux asiatiques 2006 et de la Coupe d’Asie 2007, il est à espérer que la défense des droits de propriété intellectuelle est au premier rang de la stratégie des organisateurs.
P. Kandiah, Agent en brevets et marques, KASS International Sdn Bhd, Kuala Lumpur, Malaisie
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