Portraits du PCT : Déjouer les risques
Plus de 1,2 million de demandes internationales de brevet ont été déposées depuis l’entrée en vigueur, en 1978, du Traité de coopération en matière de brevets (PCT). Dans le cadre de sa série sur les personnes qui sont derrière ces brevets, le Magazine de l’OMPI a tiré de la base de données du PCT trois inventions qui nous viennent d’Israël, d’Australie et des USA. On y voit l’ingéniosité humaine à l’œuvre contre les risques naturels et autres.
Bouclier électromagnétique anti-requins
À 16 ans, Mike Wescombe-Down était un jeune passionné de plongée et insouciant, jusqu’à ce jour de cauchemar où son compagnon de plongée fut dévoré par un grand requin blanc dans les eaux littorales australiennes. Le traumatisme lui laissa une solide haine du prédateur notoire. Mais lorsqu’il commença à mieux connaître et comprendre le comportement de l’animal, cela lui inspira le désir de trouver une solution technique qui pourrait éviter la reproduction de telles horreurs, en permettant aux nageurs et aux requins de coexister en sécurité dans les mêmes eaux.
Un requin s’approche puis se détourne d’un plongeur équipé du Shark Shield. (Photo SeaChange Technology)
Mike Wescombe-Down effectua des recherches qui l’amenèrent à une technologie ingénieuse développée dans les années 1990 par le très respecté Natal Sharks Board d’Afrique du Sud. Basé sur des champs d’ondes électroniques, le dispositif était proposé aux plongeurs sous le nom de Shark POD, mais le produit était encombrant et cher et n’avait guère eu de succès. Mike créa la société SeaChange Technology, acquit les droits sur la technologie sud-africaine au titre d’un contrat de licence avec exclusivité mondiale, et mit son expérience de la plongée et ses compétences en dessin industriel à l’œuvre afin de produire un dispositif nouveau et amélioré pour éloigner les requins.
Le résultat est le Shark Shield™, qui a été à l’honneur l’an dernier dans la série d’émissions que l’Australian Broadcasting Company (ABC) consacre aux nouveaux inventeurs. Ce dispositif compact, qui se fixe sur la jambe du nageur ou se glisse dans une poche du plongeur, consiste en deux électrodes qui génèrent un champ électromagnétique puissant dans l’eau autour de l’utilisateur. Un requin qui évolue à moins de sept mètres du dispositif ressent une forte gène lorsque les ondes électriques frappent les récepteurs sensoriels qu’il possède sur son nez. C’est totalement inoffensif, mais si le requin s’approche plus près, la gène s’accentue jusqu’à provoquer des spasmes musculaires et le fait s’éloigner. Ni le nageur ni les autres animaux marins ne sont affectés.
La société SeaChange Technology, implantée à Adelaide (Australie méridionale), a déposé quatre demandes internationales de brevet via le PCT en 2002 et 2003. Elles concernaient le dispositif à repousser les requins et des inventions apparentées, dont une coque de vaisseau améliorée qui opère selon le même principe. Mike nous fait savoir que le Shark Shield se vend bien aux plongeurs, nageurs, surfeurs, pêcheurs et kayakistes pratiquant aussi bien à titre récréatif que professionnel.
Neutraliser des substances chimiques mortelles grâces aux nanoparticules
En 1995, des membres d’une sinistre secte diffusaient un gaz neurotoxique mortel, le sarin, dans le métro de Tokyo à une heure de pointe. Les équipes de secours ont lutté pour évacuer les passagers qui étouffaient à mesure que le gaz se répandait. Des millions de téléspectateurs ont vu les images horrifiantes au journal du soir et parmi eux Kenneth Klabunde, professeur de chimie à l’Université d’État du Kansas (USA). Le laboratoire de M. Klabunde travaillait justement sur des méthodes de nano-ingénierie qui permettraient de mettre au point des substances spécifiques à utiliser pendant une attaque de ce type. Deux ans plus tard, l’université déposait une demande de brevet selon le PCT pour protéger les techniques que ce chercheur avait mises au point pour créer des substances capables d’adsorber et de détruire des produits chimiques hautement toxiques.
Une unité d’intervention d’urgence du Kansas teste le FAST-ACT sur les émanations d’une bouteille de propane. (Photo NanoScale Materials Inc.; NSF)
M. Klabunde a fondé NanoScale Corporation, puis a acquis de l’Université du Texas la licence sur cette technique. Avec l’appui de la National Science Foundation, la société a commencé à produire et commercialiser le FAST-ACT® (First Applied Sorbent Treatment Against Chemical Threats), un produit révolutionnaire pour contrer les menaces chimiques. FAST-ACT consiste en des particules nanocristallines d’oxyde de magnésium et de dioxyde de titane qui sont pulvérisées au moyen d’un récipient sous pression. Les particules de poudre se fixent sur les gaz ou liquides toxiques et les rendent inoffensifs. Les poudres peuvent servir à neutraliser le sarin, le gaz moutarde et d’autres agents chimiques, mais aussi à absorber des écoulements accidentels de produits chimiques et d’acides industriels dangereux. L’invention a valu à Kenneth Klabunde un Breakthrough Award 2005 décerné par le magazine Popular Mechanics.
Les nanoparticules possèdent des propriétés très différentes aussi bien des atomes d’une substance que du matériau entier. Ils forment une nouvelle classe de matière à laquelle ne s’appliquent ni les théories de la chimie quantique ni celles de la physique classique. Le secret de la force concentrée dans les poudres FAST-ACT repose dans l’ingénierie des nanoparticules : on a créé un effet d’escalier qui en augmente considérablement la superficie, la porosité et la réactivité chimique. Comme l’explique M. Klabunde, alors qu’une poudre ordinaire d’oxyde de magnésium offre une superficie de seulement 30 mètres carrés par gramme, les techniques employées pour produire FAST-ACT la multiplient par 10 : "17 petits grammes de cette poudre représentent la superficie d’un terrain de football ", dit-il.
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Rampe d’évacuation pour immeubles
L’entrepreneur israélien Eli Nir a voulu éviter à d’autres les affres qu’il avait endurées en regardant les pompiers lutter sur leurs échelles pour sauver son fils de 8 ans pris au piège au dernier étage d’un hôtel en feu. Son fils s’en tira sain et sauf. D’autres, dans des situations similaires, ont eu moins de chance.
Lors de la démonstration à la presse, des volontaires ont dévalé du onzième étage d’un hôtel de Washington. (Photo AES)
La solution conçue par M. Nir est simple : on installe à l’extérieur des étages supérieurs d’un immeuble, accessible par les sorties de secours, un gros manchon repliable en tissu de type Kevlar armé de serpentins d’acier. Lorsqu’une alarme incendie retentit, le manchon se déploie. Les occupants du bâtiment passent par la porte et dévalent jusqu’au sol, comme sur un toboggan géant dans un parc de loisirs. Leur descente est freinée par une série de paliers incorporés dans la structure.
M. Nir a déposé au total six demandes PCT relatives à sa rampe d’évacuation entre 2000 et 2002. Son concept a été développé par un fabricant de Tel Aviv, Advanced Evacuation Systems (AES), qui a recueilli un million de dollars É.-U. auprès d’investisseurs privés. L’ancien premier ministre israélien Ehud Barak est entré au conseil d’administration pour aider à promouvoir l’invention.
La démonstration du prototype sur un hôtel de Washington en octobre 2002 a créé l’évènement : devant un rassemblement de journalistes, des volontaires se sont élancés l’un après l’autre pour dévaler 50 mètres et arriver au sol rayonnants. Selon les statistiques de l’AES, la structure permettrait à une personne de descendre 25 étages en moins de 10 secondes, de sorte que l’on pourrait évacuer 15 personnes par minute. De nouveaux modèles sont à l’étude; sur le principe du tire-bouchon, ils seraient utilisables sur des immeubles jusqu’à 100 étages.
Le chef adjoint du Département des pompiers de Washington, Mike Smith, a été impressionné par ce qu’il a vu, et la rampe d’évacuation a été distinguée par Time Magazine comme l’une des meilleures inventions de 2002. Mais toutes les inventions ne tiennent pas leurs promesses. Le taux de concrétisation des clients potentiels n’a pas répondu aux attentes, et la société a conclu qu’un travail plus poussé était nécessaire pour obtenir un soutien actif des instances sanitaires et de sécurité des États-Unis. Pour l’instant, c’est le calme plat chez AES. Retour à la planche à dessin? Ou au dévaloir?
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Par Elizabeth March, Rédaction, WIPO Magazine, Division des communications et de la sensibilisation du public
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