Faire des films : Gros plan sur Bobby Bedi (Inde)
Données biographiques
(Photos: Courtesy Bobby Bedi)
Naissance : 1956, New Delhi (Inde)
Études : maîtrise de gestion, Université de Bombay, licence d’économie, Université de Delhi
Activités professionnelles : producteur de cinéma, fondateur et directeur général de Kaleidoscope Entertainment à Mumbai; conseiller de l’Industrial Development Bank of India et du Ministère indien de l’information et de la radiodiffusion; membre du conseil d’administration du Film & Television Institute of India; fondateur de la “School of Convergence” (École de la convergence), la première école d’enseignement universitaire supérieur enseignant la création et la gestion de contenus
Filmographie : a produit dix longs métrages, parmi lesquels Bandit Queen, Fire, Saathiya, Maqbool, American Daylight, The Rising; s’est vu remettre deux prix nationaux par le Président indien
Bollywood évoque instantanément certaines images parmi les cinéphiles : la musique, la danse, les traditions indiennes et des costumes aux couleurs éclatantes. Avec quelque quatre milliards de billets vendus chaque année - soit un milliard de plus qu’Hollywood - l’industrie cinématographique indienne est la première du monde et jouit d’une immense popularité depuis l’Asie du Sud-Est jusqu’en Afrique et depuis l’Europe orientale jusqu’au Moyen-Orient.
Bobby Bedi, producteur de cinéma de Mumbai*, est l’un des créateurs prolifiques de l’industrie cinématographique indienne. Son film Bandit Queen a été salué par la critique lors du Festival de Cannes de 1994. Ce film, qui rompait avec les films traditionnels de Bollywood, a été loin de faire l’unanimité en dépeignant le drame de Phoolan Devi, personnage ayant réellement existé et ayant lutté contre l’exploitation des miséreux en Inde. En 2003, Bobby Bedi a sorti The Rising, film historique à grand spectacle sur la rébellion de soldats indigènes servant sous le commandement des Britanniques à la fin du XIXe siècle. Par ailleurs, il milite activement pour la reconnaissance et l’application des droits de propriété intellectuelle, comme il l’explique dans cet entretien avec le Magazine de l’OMPI.
Vous avez fait des études de gestion financière. Qu’est-ce qui vous a attiré vers l’industrie cinématographique?
J’avais travaillé chez Philips et Sony après avoir obtenu mon diplôme de gestion, ce qui m’a permis d’acquérir une assez bonne expérience de l’industrie du spectacle, même s’il s’agissait plutôt de matériel. L’industrie cinématographique est un secteur où l’ordre doit coexister avec le chaos, et l’idée même de mettre un peu d’ordre dans la vie d’une bande de “fous” tout en se donnant les moyens de créer de bons films n’a pas été une mince affaire.
Quels bons et mauvais moments avez-vous connus en tant que cinéaste?
Le succès, côté critique ou financier, peut être très euphorisant. Il arrive que ces deux formes du succès coïncident. C’est le meilleur moment pour un cinéaste, et nous avons eu cette sensation doublement euphorisante avec Bandit Queen et Saathiya. Les mauvais moments sont bien sûr pénibles, longs et fréquents. Un cinéaste doit se poser des questions sur son prochain film, tout en s’efforçant de prévoir ce qui va se passer. Ce peut être un grand film ou un mauvais film, mais quelles que soient ses qualités artistiques, il peut être rejeté par le public. C’est là le pire moment, lorsque l’échec frappe en l’espace d’une soirée après 15 mois de travail.
The Bandit Queen
Pouvez-vous nous parler du processus de création à l’œuvre dans la production d’un film comme Bandit Queen?
Dans Bandit Queen, le scénario était parfaitement au point. Farrukh Dhondy [le scénariste] et moi-même avions épluché toute la documentation disponible pour en tirer l’histoire et le scénario et pour nous assurer que le film et le scénario donnaient l’un de l’autre une représentation fidèle.
Vous vous êtes prononcé nettement en faveur de la propriété intellectuelle. Que représente-t-elle pour vous en tant que cinéaste?
Il est insensé d’affirmer que, puisque mon bien n’est pas en métal, en ciment ou en tissu, mais relève de la création, il ne vaut pas la peine d’être protégé de la même façon. Le vol de propriété intellectuelle est exactement cela, du vol, et il devrait être condamné par tous.
Parlez-nous du projet Mahabharata.
Illustration de la bataille de Kurukshetra, tirée de l’épopée du Mahabharata.
Le Mahabharata est une ancienne épopée indienne de plus de 74 000 vers. Il n’y a pas de conflit ou de règlement connu de l’humanité dont il ne soit pas question dans les vers du Mahabharata, pas de trait de personnalité ou de caractère connu qui n’y figure pas, pas de relation qui n’y soit explorée et pas d’enseignement qui n’y soit donné.
Le projet comportera 150 épisodes télévisés d’une heure, trois films, des jeux sur téléphone portable et sur PC, des livres d’images, des dessins animés, des automates [jouets] et, si tout va bien, une expérience vivante [parc de loisir]. Notre Mahabharata est une représentation à 360° qui entend nouer le dialogue avec tous les publics du monde par le biais de tout ce que je viens d’indiquer.
Nous sommes à l’ère de la communication. Toutes les formes de communication s’entrecroisent autour de nous : les mots écrits, les images peintes ou projetées, les sons, les signaux de données, la large bande, etc. Il s’agit pour l’essentiel d’informations et pour partie d’éducation et de divertissement. Ces dernières années, j’en suis venu à croire fermement que toute la communication peut et doit, pour être efficace, respecter un ordre préétabli :
- Impliquer
- Divertir
- Informer
- Éduquer
Le Mahabharata est conçu pour accomplir tout ce qui précède et selon l’ordre indiqué. L’ampleur même du projet indique pourquoi la propriété intellectuelle est importante pour moi. Si mes droits de créateur ne sont pas respectés et appliqués, il sera impossible de mener à bien ce projet colossal.
L’Inde a la première industrie cinématographique du monde en volume, mais on dit souvent qu’elle ne représente que moins de 1% des recettes mondiales du secteur. Où est le problème?
On peut citer un certain nombre de raisons : la parité de pouvoir d’achat, la faiblesse du revenu par habitant, la diversité culturelle et linguistique, la fiscalité, les lacunes au niveau de la conception - entendez le tournage de films rejetés en raison de problèmes rencontrés dans la phase de conception - et un pays qui est pauvre depuis trop longtemps. Et enfin, le piratage.
Quelles sont, à votre avis, les raisons du piratage des films en Inde?
Pas plus que le public, le gouvernement et les services répressifs ne le considèrent vraiment comme du vol. Le problème n’est pas que la loi n’existe pas; c’est le peu de sérieux avec lequel le vol de propriété intellectuelle est considéré par les services pourtant chargés de le réprimer.
Que devrait-on faire de plus pour promouvoir l’exploitation de la propriété intellectuelle dans l’industrie cinématographique indienne?
Il conviendrait d’enseigner la bonne gestion des droits et leur monétisation.
Que diriez-vous à ceux qui aspirent à devenir cinéastes?
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*Mumbai est le nouveau nom de Bombay, dont on s’est inspiré, en jouant sur les mots avec le mot Hollywood, pour créer celui de Bollywood - qui désigne l’ensemble de l’industrie cinématographique indienne.
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