Stratégies et politiques nationales d’innovation – La perspective de la Chine et de l’Inde
L’OMPI a accueilli, le 2 juillet dernier, le cinquième d’une série de colloques publics sur les brevets, sur le thème “Stratégies et politiques nationales d’innovation”. Des conférenciers de deux économies en forte croissance, la Chine et l’Inde, ont montré qu’un pays peut intégrer le système de la propriété intellectuelle dans ses stratégies et politiques nationales d’innovation afin de contribuer au développement de ses ressources, de son infrastructure et de sa capacité de développement économique. Bien que défendant des optiques différentes, les intervenants ont tous deux reconnu que le système de la propriété intellectuelle constitue pour le développement économique un facteur important, sinon indispensable.
Les mécanismes nationaux de protection de la propriété intellectuelle, et notamment le système des brevets, sont largement reconnus comme étant des instruments de stimulation de l’innovation et du développement technologique. La question qui se pose, toutefois, et de savoir comment utiliser ces instruments pour tirer le meilleur parti de leur potentiel. Il n’existe pas de réponse simple, notamment parce qu’une stratégie nationale de propriété intellectuelle doit prendre en compte la situation particulière du pays concerné, avec ses besoins et ses priorités propres. Cela étant, il est utile d’étudier les politiques nationales des autres pays ainsi que leurs expériences, afin de mieux comprendre le rôle que peut jouer le système des brevets en tant qu’élément d’un ensemble plus large de mesures favorables au développement.
Deux fonctionnaires, M. Liu Jian, directeur de division au Département de la coopération internationale de l’Office chinois de la propriété intellectuelle (SIPO) de la République populaire de Chine et M. T. C. James, directeur de la Division de la propriété intellectuelle au Ministère du commerce et de l’industrie de l’Inde, ont été invités à présenter des exposés sur les politiques de leurs gouvernements respectifs en matière de propriété intellectuelle.
Développer l’innovation locale
M. Liu a présenté les stratégies nationales d’innovation du Schéma de développement scientifique et technologique à moyen et long terme (2006-2020) de la Chine. Il a expliqué qu’elles ont pour objectif principal de moderniser la structure industrielle de la Chine, de manière à ce que celle-ci devienne d’ici à 2020 une économie fondée sur l’innovation. M. Liu a souligné à quel point il est important, à cet effet, pour la Chine de développer sa capacité d’innovation locale.
“On ne peut pas s’acheter une technologie de base. C’est seulement en nous dotant d’une forte capacité d’innovation scientifique et technologique et en obtenant nos propres droits de propriété intellectuelle que nous pourrons accroître la compétitivité [de la Chine] et gagner… le respect de la société internationale”. – M. Wen Jiabao, premier ministre.
Bien que les dépôts de brevet soient en pleine explosion en Chine, la grande majorité des 210 000 demandes déposées auprès du SIPO en 2006 l’ont été par des déposants étrangers, notamment dans les domaines technologiques, de pointe comme de base. M. Liu a cité à l’égard de cette préoccupation essentielle les paroles du premier ministre chinois, M. Wen Jiabao : “On ne peut pas s’acheter une technologie de base. C’est seulement en nous dotant d’une forte capacité d’innovation scientifique et technologique et en obtenant nos propres droits de propriété intellectuelle que nous pourrons accroître la compétitivité du pays et gagner la dignité et le respect de la société internationale”.
- susciter l’innovation originale dans le domaine de la recherche fondamentale;
- intégrer la technologie existante, afin d’assurer la compétitivité des nouveaux produits ou des gammes de nouveaux produits;
- assimiler, digérer et améliorer les technologies importées, de manière à créer de nouveaux droits de propriété intellectuelle sur la base de ces dernières.
Les politiques de propriété intellectuelle de la Chine en vue de promouvoir l’innovation visent, par conséquent, trois objectifs : aider les entreprises chinoises à élargir leur capacité de recherche-développement afin d’élaborer et breveter des technologies de base, assimiler les technologies existantes tout en adoptant des technologies de pointe de l’étranger, et enfin, mieux protéger les droits de propriété intellectuelle de manière à encourager l’investissement dans l’innovation – et les avantages qui en découlent.
La stratégie nationale fixe également les mesures à prendre pour améliorer le système national d’innovation, et notamment les suivantes :
- soutien à la petite et à la moyenne entreprise;
- coopération des milieux d’affaires, universitaires et de recherche;
- commercialisation des résultats des travaux de recherche-développement des instituts de recherche et des universités;
- appui à la création de services intermédiaires, par exemple services d’information, agences de propriété intellectuelle, services d’investissement et incubateurs.
L’une des grandes difficultés, a observé M. Liu, et de réussir à établir, par une sensibilisation accrue à la propriété intellectuelle, une culture d’innovation et un environnement social respectueux des droits des tiers et favorisant la protection de ceux des innovateurs locaux. M. Liu a en outre souligné la nécessité de mettre en place des mécanismes efficaces de défense des droits de propriété intellectuelle, ajoutant que ces derniers représentent, à son avis, l’élément le plus indispensable du système de la propriété intellectuelle.
Les droits de propriété intellectuelle : choix ou nécessité?
M. James a débuté son exposé par une question : celle de savoir si l’établissement d’un régime fort de protection des droits de propriété intellectuelle relève d’un choix ou d’une nécessité. Il a expliqué que la stratégie de l’Inde en matière de propriété intellectuelle s’articule autour de quatre axes :
- respect des obligations internationales existantes;
- protection simultanée des droits de propriété intellectuelle et de l’intérêt public;
- modernisation de l’administration chargée des droits de propriété intellectuelle;
- accroissement de la sensibilisation à la propriété intellectuelle.
M. James a présenté brièvement les différentes lois en vigueur en Inde en matière de propriété intellectuelle, en précisant que le but recherché par la législation de son pays est de concilier les intérêts des titulaires de droits et ceux du public.
Avant et maintenant. La modernisation de l’administration chargée des droits de propriété intellectuelle en Inde a permis de rattraper en trois ans un retard de plus de 44 000 demandes de brevet. (Photo Ministère du commerce et de l’industrie de l’Inde.)
En plus de se doter d’un cadre juridique actualisé, le Gouvernement de l’Inde s’est engagé dans un projet de 34 millions de dollars É.-U. pour moderniser son administration des droits de propriété intellectuelle. Il a notamment construit à cet effet quatre immeubles à la pointe du progrès équipés des toutes dernières technologies informatiques, quadruplé le nombre d’examinateurs et créé un institut de formation interne à la propriété intellectuelle. M. James a indiqué que cette nouvelle administration a réussi à éliminer en trois ans un retard accumulé de plus de 44 000 demandes de brevet, et qu’il est désormais possible d’obtenir un brevet en huit mois, alors que le délai était précédemment de six à huit ans. Le nombre des dépôts de demandes de brevets a triplé et celui des brevets délivrés a quintuplé au cours des cinq dernières années.
Citant à l’appui le fait que le nombre des entreprises multinationales qui se sont installées en Inde est passé de 18 en 2004 à 50 en 2006, M. James s’est dit convaincu que la confiance inspirée par le système de propriété intellectuelle d’un pays constitue un puissant stimulant économique. À son avis, un système de brevet efficace encourage l’activité innovatrice et le transfert technologique. Il importe toutefois, pour cela, que les droits de propriété intellectuelle soient abordés non pas comme un domaine autonome et distinct, mais plutôt comme un instrument à mettre en œuvre dans le cadre d’objectifs socio-économiques, technologiques et politiques de vaste portée. ”La protection des droits de propriété intellectuelle, a conclu M. James en répondant ainsi à sa propre question, n’est pas un choix, mais une nécessité”.
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