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Sensibilisation à la propriété intellectuelle aux Philippines : pas de raccourcis

Septembre 2007

Par Adrien S. Cristobal Jr

La question de la sensibilisation du public à la propriété intellectuelle est un casse‑tête pour les offices de propriété intellectuelle du monde entier. Comment doivent‑ils s’y prendre? En vantant les mérites du système à ses utilisateurs potentiels? En mettant l’accent sur la répression de la contrefaçon? Qui est leur audience et que doivent‑ils faire pour la toucher? Comment peuvent‑ils mesurer les résultats de leurs efforts? Dans cet article, rédigé pour le Magazine de l’OMPI, M. Adrien S. Cristobal Jr., directeur général de l’Office de la propriété intellectuelle des Philippines, parle du programme de sensibilisation qui a permis d’encourager l’utilisation des systèmes d’enregistrement des brevets et des marques dans son pays.

L’un des rôles essentiels d’un office de propriété intellectuelle est de sensibiliser le public à l’importance des droits de propriété intellectuelle et au fonctionnement du système mis en place pour les protéger. Il est indispensable qu’il s’acquitte de cette tâche fondamentale, afin de renforcer le système de la propriété intellectuelle dans tous ses aspects et de favoriser sa contribution au développement socio‑économique. Cela étant, il est tout aussi essentiel qu’il sache encourager le public à utiliser ses produits et services, de manière à assurer sa viabilité financière. C’est ce qu’a découvert l’Office de la propriété intellectuelle des Philippines le jour où l’État a cessé de le subventionner, en 2006.

Rebaptisé “IP Philippines” en 2005, dans le cadre de la modernisation de son image, l’Office de la propriété intellectuelle des Philippines a beaucoup travaillé à l’amélioration de ses programmes de sensibilisation du public. Lorsque l’on dispose de 300 employés pour administrer le système de propriété intellectuelle d’un archipel de 88 millions d’habitants composé de plus de 7000 îles, la tâche, en effet, n’est pas mince. Elle constitue en fait un défi qui occupe depuis deux ans une place centrale dans le nouveau plan stratégique de l’organisme.

Un objectif ambitieux

L’éducation du public au respect de la propriété intellectuelle constitue, pour les pays en développement, une tâche gigantesque. Dans un contexte de ressources limitées pour faire face à des problèmes urgents de pauvreté, de santé, d’éducation et de sécurité, l’investissement en communication que nécessite un tel effort peut sembler difficile à justifier. L’entreprise est encore compliquée par l’ignorance du public et l’indifférence, de la part des créateurs tout autant que des consommateurs, aux questions de propriété intellectuelle.Non seulement le sujet semble trop technique aux non‑initiés, mais il constitue en outre un domaine de connaissances relativement nouveau. L’hostilité des consommateurs et leur opposition idéologique aux lois sur la propriété intellectuelle sont des obstacles encore plus difficiles à surmonter. L’incidence des droits de propriété intellectuelle sur l’accès au savoir et aux médicaments est un sujet de controverse. Qui plus est, de larges segments du public considèrent que le système de la propriété intellectuelle n’est rien d’autre qu’un moyen, pour les multinationales étrangères, de protéger leurs intérêts dans le pays.

La propriété intellectuelle, en effet, ne se vend pas aussi facilement qu’une savonnette.

Il faut souligner, enfin, un manque fréquent d’expérience et de compétence des administrations, offices de propriété intellectuelle compris, en matière de commercialisation et de communication. Ce problème peut, bien sûr, être résolu par la sous‑traitance, mais rien ne garantit que les experts retenus sauront “vendre” de la propriété intellectuelle. La propriété intellectuelle, en effet, ne se vend pas aussi facilement qu’une savonnette.

En prévision de la perte de son statut d’organisme subventionné, IP Philippines avait fait procéder à une “vérification de ressources et de gestion”, afin d’obtenir des recommandations quant à la manière d’assurer son autosuffisance. La mise en œuvre du rapport (RAMP) qui en résulta – lequel préconisait notamment une extension des fonctions de l’organisme au‑delà de l’administration de la réglementation en matière de propriété intellectuelle – a débuté en 2005, avec l’aide de l’Office européen des brevets (OEB).

Certains aspects des changements recommandés dans le cadre du nouveau plan stratégique – par exemple la rationalisation des opérations, l’investissement en ressources humaines, la redéfinition des fonctions et le développement de l’infrastructure informatique – relevaient du contrôle de l’office. Ils concernent en effet des domaines (par exemple réduction du retard accumulé ou du délai de traitement) dans lesquels les indicateurs de performance sont plus faciles à définir et à mesurer à relativement brève échéance. La sensibilisation du public, en revanche, fait intervenir l’environnement extérieur, de sorte que les résultats sont plus difficiles à mesurer. Les indicateurs de performance tendent à être plus imprécis, et il faut plus de temps pour apprécier les effets d’un projet.

La sensibilisation revisitée

Avant l’élaboration de son nouveau plan stratégique, IP Philippines ne participait qu’à un nombre limité de grandes activités de sensibilisation du public : séminaires et conférences organisés en collaboration avec l’OMPI, l’OEB et d’autres partenaires ou foires commerciales dans lesquelles l’office organisait des stands d’information et distribuait de la documentation. Il y avait aussi le concours de peinture et d’expression écrite, organisé chaque année dans le cadre de la semaine officielle des droits de propriété intellectuelle des Philippines. Ces dernières manifestations, toutefois, ne faisaient pas l’objet d’une grande publicité et n’attiraient donc pas un public très large. Après sept ans d’existence, l’Office de la propriété intellectuelle restait un organisme obscur, connu seulement de quelques initiés – conseils en propriété intellectuelle (représentant pour la plupart de grandes entreprises des Philippines et des sociétés multinationales), quelques universitaires, le secteur pharmaceutique et les inventeurs. La méconnaissance de l’organisme par le public était si évidente qu’il n’était même pas nécessaire d’engager des frais pour en évaluer l’étendue.

Avant de se lancer dans des projets de sensibilisation du public, IP Philippines devait tout d’abord définir clairement son rôle dans la société. Dans le cadre de sa nouvelle vision, l’organisme tenait à se positionner aux yeux de la communauté dans un rôle moteur pour tous les aspects du système de la propriété intellectuelle : élaboration des politiques, information du public, coordination des actions de répression, formation et autres.

Cette volonté a conduit IP Philippines à mener plusieurs actions stratégiques:

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Les nouvelles brochures sur la propriété intellectuelle, les marques et les brevets élaborées par l’équipe des relations publiques. (Photos IP Philippines)

  • Relations publiques. La firme de relations publiques dont les services avaient été retenus initialement a bientôt été remplacée par une équipe interne de spécialistes, dont notamment des rédacteurs et des graphistes professionnels, relevant en droite ligne du directeur général. Cette équipe publie chaque semaine des communiqués de presse et des photos portant sur des actions de répression et d’autres activités de l’office, ainsi que des documents d’information.
  • Publicité. L’office a engagé une agence de publicité afin de concevoir une campagne de grande envergure pour l’aider à moderniser son image et à promouvoir ses produits et services.
  • Espaces d’exposition. Deux aires d’exposition ont été aménagées au rez‑de‑chaussée de l’office : l’ Alab Art Space, où les artistes locaux peuvent exposer leurs œuvres ou se produire à un coût très inférieur à celui de la plupart des galeries, et l’Innovation Area, où sont exposés des brevets et des marques notoires. Cet espace peut aussi être utilisé à des fins d’établissement ou de renforcement de relations avec des PME, des inventeurs et des concepteurs industriels. L’office reçoit sur la vente des œuvres une modeste commission qu’il consacre aux frais d’entretien. Ces deux aires d’exposition permettent un contact direct du public avec IP Philippines.
  • Séminaires, ateliers et conférences. Les séminaires d’orientation et de perfectionnement donnés par l’office ont tous été repositionnés, de manière à être non seulement des instruments d’information, mais aussi des “arguments de vente” pour convaincre les participants à demander l’enregistrement de leurs droits de propriété intellectuelle. Les animateurs ont dû recevoir une formation dans ce sens, et il a fallu revoir l’organisation des séminaires, en y incluant, par exemple, des ateliers sur l’enregistrement des marques ou le dépôt des brevets. Des séminaires spéciaux ont également été élaborés pour des segments de marché tel que les universités, les artistes et écrivains et les PME. IP Philippines a aussi établi des liens avec des associations importantes dans ces secteurs.
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    Le personnel du service à la clientèle attend les visiteurs pour la Journée portes ouvertes d’IP Philippines.

  • Service à la clientèle. Les locaux de l’office consacrés au service à la clientèle ont été rénovés, de manière à être plus accueillants. Deux employés à plein temps ont été engagés pour informer la clientèle, notamment en ce qui concerne les processus d’enregistrement.
  • Activités de promotion. IP Philippines a investi dans des stands d’exposition modernes, avec accès Internet à son site Web. Lorsque l’office participe à des salons, il en fait désormais de véritables “missions commerciales”, où son personnel donne des mini‑conférences et montre aux visiteurs comment remplir les formulaires de demande.
  • Partenariats. L’office s’associe au secteur privé pour l’organisation d’événements spéciaux et d’activités telles que remises de prix, concours toujours très animés d’art et de dessins et participations à des émissions de radio ou de télévision<

Résultats

Le logo et le nouveau plan stratégique d’IP Philippines ont été lancés en 2005, à l’occasion d’un forum consultatif avec les parties prenantes du secteur de la propriété intellectuelle. En moins d’un an, des résultats concrets commençaient déjà à se manifester. La couverture médiatique est montée en flèche, tant dans la presse qu’à la radio ou à la télévision, alimentée par des communiqués d’IP Philippines informant le public des activités de l’office et de sa position sur des projets de loi à l’étude devant le Congrès et lui fournissant des données sur les dépôts de brevets et de marques, en guise d’indicateurs sur l’état de l’économie. Les communiqués de presse de l’office comprennent toujours un message du directeur général ou d’un autre membre du cabinet soulignant l’importance de la propriété intellectuelle pour la créativité, l’innovation et le développement économique du pays.

L’action de relations publiques d’IP Philippines s’est également traduite, pour ses représentants, par une augmentation du nombre d’invitations à participer à diverses tribunes et émissions de radio ou de télévision. Plusieurs universités ont organisé des séminaires sur la propriété intellectuelle à l’intention de leurs enseignants et administrateurs. Les nouveaux stands d’exposition ont permis de recueillir un certain nombre de demandes d’enregistrement de marques, et des suivis sont effectués auprès de toutes les personnes ayant manifesté un intérêt pour le dépôt d’une marque ou d’un brevet.

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Alab Art Space : les artistes locaux qui y exposent et s’y produisent font affluer les nouveaux visiteurs à l’office la propriété intellectuelle IP Philippines.

La modernisation des locaux d’IP Philippines et de son image a aussi éveillé l’intérêt du public, et le flux des visiteurs, attirés par l’Alab Art Space et l’Innovation Area, s’est intensifié.

L’idée de la campagne de publicité, en revanche, ne fut pas immédiatement acceptée par l’office. Habitué à être un monopole et un organisme de réglementation, ce dernier n’avait, en effet, jamais éprouvé le besoin d’annoncer ses services. Qui plus est, dans un contexte de rationalisation et de recouvrement des coûts au cours de la première année du plan de transition, la dépense considérable que supposait une campagne de publicité était vue d’un mauvais œil par bon nombre de ses employés, d’autant plus que la plupart d’entre eux faisaient face à une nouvelle structure de rémunération assortie de primes au rendement. Le risque de voir l’office submergé par les appels téléphoniques et les demandes de renseignements fut aussi évoqué par certains. Ceux‑ci faisaient valoir que le succès d’une telle campagne pouvait être nuisible à l’organisme s’il n’était pas adéquatement préparé – par exemple par l’ajout de lignes téléphoniques et de personnel en nombre suffisant – à traiter un flot soudain d’appels. Le lancement de la campagne fut, par conséquent, remis à plus tard, tandis que l’office se concentrait sur des actions de marketing direct et de relations publiques.

Enseignements

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Innovation Area : ouverte en juillet, cette aire d’exposition permet de voir des marques, des inventions et des dessins et modèles particulièrement remarquables des Philippines.

Pour IP Philippines, l’un des principaux enseignements de l’expérience de formulation et de mise en œuvre de programmes de sensibilisation du public a été qu’une organisation doit absolument avoir une stratégie d’ensemble. Cela signifie qu’elle ne doit pas se contenter de changer de stratégie, de tactique et d’outils de communication, mais s’assurer que tous ceux qui la composent comprennent et partagent sa vision d’avenir ainsi que la mission et les objectifs stratégiques qu’elle se fixe. Elle doit comprendre le rôle qu’elle joue dans la société avant de pouvoir envisager de communiquer efficacement avec le public.

Si elle n’a pas nécessairement convaincu 100% des employés de l’office de tous les mérites de la nouvelle situation, la démarche suivie par IP Philippines pour mettre en œuvre les recommandations du rapport RAMP et du nouveau plan stratégique n’en était pas moins claire : les choses allaient changer. La réalisation de la nouvelle vision des Philippines, “créatives, compétitives et fondant leur développement national sur la propriété intellectuelle” nécessitait rien de moins qu’un IP Philippines dynamique, jouant un rôle mobilisateur dans tous les aspects du système de la propriété intellectuelle et faisant preuve d’ouverture envers le public.

On peut toujours sous‑traiter des services de commercialisation, de publicité et de relations publiques. Il faut toutefois savoir que l’on devra ensuite consacrer beaucoup de temps et de ressources au sous‑traitant, afin de lui expliquer ce que l’on est – a fortiori quand on est un office de propriété intellectuelle, c’est‑à‑dire le type d’organisme dont peu de cabinets privés ont l’expérience. En se dotant de son propre service de relations publiques, IP Philippines s’est assuré une équipe apte à raffiner toujours plus ses messages, grâce à une présence constante dans l’organisation qui lui permet un apprentissage permanent de la propriété intellectuelle.

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Défilé d’étudiants dans le cadre du concours de stylisme de mode Jazz‑Up Your Denims.

Enfin, avant de se lancer dans une stratégie de commercialisation et de publicité à grande échelle, il est essentiel de faire le ménage chez soi, revenir à ce qui est fondamental : étant donné que le produit doit se passer de tout commentaire, il faut améliorer les services, car un mauvais produit ne se vend pas, même avec une avalanche de publicité. De plus, l’annonceur doit être prêt à absorber le flot de clients qui se présenteront après une campagne publicitaire. S’il n’a pas l’infrastructure nécessaire, son investissement sera non seulement gaspillé, mais lui causera en plus du tort en raison de la mauvaise réputation qui découlera des promesses qu’il n’aura pas tenues, des appels téléphoniques auxquels il n’aura pas répondu et des réponses décevantes qu’il aura données.

Les programmes de sensibilisation du public font partie intégrante d’une stratégie organisationnelle d’ensemble, plus large et plus approfondie. Avant de s’y lancer à corps perdu, il faut renforcer les fondations. Il est facile de se laisser séduire par une accroche, mais en fait, il n’y a pas de raccourcis.

Les Philippines

Population : 88 millions d’habitants

Capitale : Manille

Superficie : 300 000 km2

Langues : tagalog, anglais

Économie : agriculture, produits chimiques, pêcheries, transformation alimentaire, industrie forestière, industrie minière, textiles

Archipel de plus de 7000 îles du Sud‑Est asiatique, les Philippines sont un véritable réservoir de la faune et de la flore. On y trouve 60% des espèces végétales et animales de la planète. De leurs plateaux montagneux à leurs plaines fertiles, de leurs rudes volcans en activité à leurs plages interminables, les Philippines ont de quoi satisfaire tous les goûts.

Source : Partenariat pour les écosystèmes vitaux

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