Courrier des lecteurs
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Marques de certification géographique : quelques erreurs de perception courantes
En tant qu’avocat conseil à l’Office des brevets et des marques des États-Unis d’Amérique (USPTO), c’est avec intérêt que j’ai lu votre article sur les cafés d’Éthiopie et de Colombie (Quand l’origine compte : Deux cafés…– Magazine de l’OMPI n° 4/2007). J’y ai trouvé, de même que dans d’autres écrits de presse relatifs à l’initiative de l’Éthiopie en matière de café, un certain nombre d’erreurs importantes de perception du système américain des marques de certification – y compris de la part de nos propres parties prenantes. Je voudrais donc faire ici quelques mises au point sur des idées répandues, mais erronées :
- Il suffit de répondre aux normes pour avoir le droit d’utiliser la marque, de sorte que les marques de certification confèrent moins de contrôle sur les termes géographiques que les marques.
Non. Il est exact que si un producteur répond aux normes, le titulaire de la marque de certification ne peut pas refuser de certifier ses produits. Cela permet à tous les producteurs de la région de bénéficier d’un système équitable. En revanche, ce n’est pas parce que vous croyez vos produits conformes aux normes édictées dans les certificats d’enregistrement sur le site Web de l’USPTO que vous avez automatiquement le droit d’utiliser la marque. Vous devrez vous soumettre tout d’abord à un processus de certification qui, selon la manière dont le titulaire l’aura conçu, pourra ressembler à ce qui se fait dans le cas d’une licence.
- L’obtention de la certification permet de déposer des marques complexes contenant la marque de certification enregistrée, vu que cela constitue un usage “fidèle”.
Non. Une fois enregistrées, ces marques de certification géographique deviennent des droits de propriété privée – elles ne sont plus simplement des termes descriptifs. Il est, par conséquent, du devoir du titulaire de la marque de certification de surveiller l’usage du terme par les personnes certifiées, de manière à préserver la capacité de la marque à désigner des produits répondant à certaines normes de qualité ou possédant d’autres caractéristiques. La politique de l’USPTO lui interdit d’approuver toute demande d’enregistrement de marque complexe contenant une marque de certification enregistrée en l’absence d’un consentement du titulaire de ladite marque de certification.
- Les marques de certification géographique ne protègent pas contre l’utilisation de termes tels que “mélange”, “type” ou “style”.
Faux. Si elle est correctement contrôlée tout au long de la chaîne de distribution, une marque de certification géographique peut servir de fondement à une interdiction d’utiliser des variantes assorties des termes “mélange”, “type” ou “style”. Un tel usage par un concurrent sous-entend que ce dernier n’avait pas connaissance de l’existence d’un droit d’exclusivité sur la marque. Cela peut être dû a) au fait que la marque concernée contient d’autres éléments non géographiques, de sorte que l’on ne comprend pas immédiatement que le terme géographique est l’élément dominant de la marque et peut par conséquent servir à fonder une action en justice en cas d’utilisation non autorisée, b) à l’absence de procédure de certification et d’accords prévoyant les conditions exactes d’utilisation de la marque ou c) à la mauvaise foi. Dans les deux premiers cas, la solution peut consister à mieux communiquer avec les personnes certifiées et à exercer un contrôle plus étroit sur l’usage de la marque; dans le troisième, il faudra envoyer des mises en demeure, menacer de poursuivre et, au besoin, porter l’affaire devant les tribunaux.
- Les indications géographiques de style européen sont mieux que les marques de certification.
Si vous entendez par “mieux” qu’elles confèrent une protection plus large contre toute évocation de la marque (et même, potentiellement, contre toute publicité comparative – ce qui pourrait aller à l’encontre de la jurisprudence relative au premier amendement de la constitution américaine) et que leur application est assurée par le gouvernement (aux frais du contribuable européen), alors oui, l’Europe offre effectivement cela. Cela dit, au bout de presque 15 ans, il y a peut-être trois indications géographiques étrangères qui sont protégées dans le système européen. Le contribuable européen a en effet peu de raisons de prendre à sa charge la protection face à leur exploitation par l’industrie européenne de droits de propriété privée appartenant à des étrangers. De plus, étant donné qu’il appartient aux États membres de faire respecter les droits, il est difficile de voir dans quelle mesure il serait efficace pour les titulaires étrangers d’indications géographiques de s’en remettre uniquement à des mesures d’application prise d’office, sans avoir à payer les frais de procédure civile.
Amy Cotton, avocat conseil, Bureau de la politique et de l’application des droits de propriété intellectuelle, USPTO.
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Les flexibilités prévues par l’Accord sur les ADPIC n’ont pas encore permis de réaliser les objectifs de développement
J’ai trouvé très pertinent l’article Flexibilité dans le système des brevets – Colloque de l’OMPI sur les brevets, paru dans le Magazine de l’OMPI n° 2/2007, de même que celui du professeur Zorina Khan intitulé Droits de propriété intellectuelle et développement économique (Magazine de l’OMPI n° 3/2007). Je souscris aux conclusions du colloque quant à la nécessité de trouver le bon équilibre entre la protection des droits de propriété intellectuelle des titulaires et l’adoption de politiques d’intérêt public conçues dans le but d’assurer le développement des sociétés. Je considère cependant que le “mariage de raison” qui aurait dû résulter de l’Accord sur les ADPIC ne s’est pas entièrement réalisé, dans la mesure où les objectifs de promotion du bien-être social et de transfert de technologie dans les pays en développement qui y sont exprimés (articles 7 et 8) n’ont pas répondu aux attentes. Les demandes formulées par le Groupe des Amis du développement dans le cadre du Plan d’action de l’OMPI pour le développement en témoignent. Il est vrai que les économies de certains pays en développement, comme ceux qui sont cités dans l’article, ont “connu une croissance vigoureuse”, mais il est tout aussi vrai que croissance du PIB et développement ne sont pas synonymes. Il convient de mentionner aussi les accords de libre-échange signés par les États-Unis d’Amérique avec divers pays – ou les accords de protection des investissements – qui prévoient des normes de protection différentes de celles établies par l’Accord sur les ADPIC et limitent les flexibilités envisagées par ce dernier.
Comme le dit le professeur Khan, “ceux qui ont élaboré la première politique américaine en matière de brevets étaient convaincus que les individus réagissaient à des mesures incitatives”. S’il est incitatif pour les titulaires de droits de brevet d’obtenir, en échange de la divulgation de leur savoir, des droits exclusifs donnant accès à des avantages économiques, la perspective d’un plus grand développement de la société à l’échelle mondiale devrait l’être tout autant pour les États.
Orbel Machado González, Juriste, Office de la propriété industrielle, Cuba
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Mesurer l’innovation intérieure brute
Je suis d’une manière assidue les initiatives de l’OMPI et du Magazine de l’OMPI en faveur de la créativité et de l’innovation. La capacité de création de l’être humain se manifeste depuis des temps immémoriaux. Elle a permis des révolutions industrielles majeures d’où est issue la société moderne avec ses nombreuses commodités. La mondialisation et l’explosion du nombre des travailleurs du savoir dans certains pays en développement font que l’innovation est aujourd’hui encore plus importante pour les pays industrialisés. Une nouvelle économie globale est née, avec un village de travailleurs prêts à servir les besoins technologiques des pays riches. De plus en plus d’économies émergentes seront bientôt initiées à la technologie, une nouvelle réalité à laquelle les pays développés devront s’adapter en innovant encore plus.
Dans ce contexte, un nouveau baromètre économique est nécessaire pour mesurer la créativité. Je propose une grandeur que l’on nommerait Innovation intérieure brute (IIB)1 et qui serait fondée sur le nombre total d’innovations générées par un pays au cours d’une période donnée. L’IIB d’un pays mesurerait les innovations dans tous les domaines de l’activité humaine, c’est-à-dire non seulement les découvertes scientifiques, mais aussi, par exemple, les produits financiers ingénieux ou toute nouvelle idée permettant de faire croître le revenu national et l’emploi. Les données nécessaires au calcul de l’IIB pourraient être compilées à partir des dépôts de brevets, des enregistrements de droits de propriété intellectuelle en général et des publications. L’IIB collectif devrait permettre de mesurer les innovations issues de différents secteurs et de différentes entités telles que les entreprises ou les universités, dont la contribution à l’industrie et au mieux-être de l’humanité est essentielle. Le calcul de la corrélation entre l’IIB et les mesures économiques traditionnelles telles que le PIB serait utile pour lutter contre l’inflation, accroître la conscience écologique des économies développées et encourager les entreprises à innover afin d’augmenter leur valeur intrinsèque.
Balkrishna Rao, Chercheur, School of Industrial Engineering, Purdue University, West Lafayette, Indiana
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1. Economic Recognition of Innovation, Balkrishna Rao (http://mpra.ub.uni-muenchen.de/2781/)
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