Changement climatique – Le défi technologique
Cet article ouvre la voie à une nouvelle série du Magazine de l’OMPI sur les défis liés à la recherche de solutions techniques au problème du changement climatique. Nous y examinerons des exemples d’innovations respectueuses du climat ainsi que la manière dont la propriété intellectuelle peut contribuer au développement de technologies à faibles émissions de carbone et à leur transfert aux pays en développement.
Funafuti, Tuvalu. (c) Le photojournalist Gary Braasch s’intéresse particulièrement aux sciences de la terre depuis 2000.&
Îles Tuvalu, Pacifique Sud. Rêve tropical sur fond de mer bleue étincelante, barrière de corail et cocotiers caressés par le vent ou cauchemar en devenir? Avec ses 4,5 m au-dessus du niveau de la mer, ce minuscule archipel est l’un des pays dont l’altitude est la plus basse au monde. Pour ses habitants, cela signifie que la montée des océans s’accompagne d’une perspective angoissante : celle de voir leur terre disparaître peu à peu sous les flots. Les effets des changements causés par les émissions de gaz à effet de serre dans l’atmosphère y sont déjà sensibles. Les réserves souterraines d’eau potable sont contaminées par l’eau de mer qui, en s’infiltrant en outre dans les terres cultivables, détruit les récoltes et oblige les Tuvaluans à recourir à l’importation de conserves.
La pointe de l’iceberg
“Les changements climatiques sont l’une des menaces les plus complexes, les plus multiformes et les plus graves qui planent sur le monde. La riposte à cette menace est étroitement liée aux préoccupations pressantes que sont le développement durable et l’équité dans le monde; la vulnérabilité et la résilience; l’économie, la réduction de la pauvreté et la société; et le monde que nous voulons léguer à nos enfants.” M. Ban Ki‑moon, Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies
Tuvalu n’est que la partie la plus visible du problème. Dans son dernier rapport, publié en novembre, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) déclare en effet que le changement climatique existe “sans équivoque”. Rares sont ceux qui doutent encore de la réalité du réchauffement global ou des conséquences qu’il aura si rien n’est fait. Fonte des calottes glaciaires, élévation du niveau des océans, sécheresses, inondations, ouragans, perturbations de la production agricole, conflits, famines, épidémies sont parmi les prédictions des experts. M. Ban Ki‑moon, Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, a appelé à une mobilisation massive des gouvernements, du secteur privé et de la société civile afin de riposter à ce qu’il a décrit comme étant “l’une des menaces les plus complexes, les plus multiformes et les plus graves qui planent sur le monde”.
À cet effet, 11 000 participants se sont réunis en décembre à Bali (Indonésie) pour la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques. Représentants de gouvernements et environnementalistes, groupes industriels et lobbyistes en développement durable, activistes humanitaires et courtiers en droits d’émission de carbone se sont cotôyés. Comme la température extérieure, l’ambiance des salles de conférence s’est échauffée au gré des divergences des délégués sur des questions telles que les cibles de réduction d’émissions de gaz à effet de serre. Mais tout le monde s’est entendu sur une chose : l’innovation et les nouvelles technologies joueront un rôle déterminant dans la résolution du problème.
L’innovation pour sauver la planète
Tous les pays, qu’ils soient développés ou en développement, préféreraient éviter les contraintes et restrictions liées aux politiques d’efficacité énergétique, car ces dernières risquent d’entraver leur croissance industrielle ou leur compétitivité. Ils veulent que les solutions soient bonnes pour la planète, mais aussi bonnes pour les affaires et bonnes pour le développement. Agrave; leur avis, le meilleur espoir de résoudre ce casse-tête réside dans l’innovation technique.
De nouvelles technologies sont nécessaires pour faire face aux problèmes d’atténuation des effets et d’adaptation, selon la terminologie utilisée en matière de déréglement climatique. Le premier terme désigne les mesures visant à atténuer les effets du réchauffement global en réduisant le niveau des émissions de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Parmi les nombreuses technologies déjà commercialisées à cet égard – ou qui le seront prochainement – on peut citer les sources d’énergie renouvelable telles que les biocarburants, la biomasse ou l’énergie éolienne, solaire et hydraulique, les matériaux de construction dont la fabrication est faiblement productrice de carbone et les technologies émergentes de capture dans l’atmosphère et de stockage du carbone.
Les mesures dites d’adaptation ont pour objet de faire face aux effets actuels ou prévus des changements climatiques, notamment dans les pays en développement, les pays moins avancés et les petits Etats insulaires, qui sont les plus touchés. Les technologies utilisées à cet effet peuvent être “douces”, telles que l’assolement, ou “matérielles”, ce qui comprend les techniques d’irrigation pour les terres arides et l’élaboration de nouvelles variétés végétales résistant à la sécheresse et à l’eau salée.
L’adoption de techniques d’atténuation des effets du changement climatique s’est accélérée au cours des dernières années, grâce aux politiques dynamiques adoptées par certains gouvernements. Cependant, il ne suffit pas que des consommateurs européens et américains sensibles aux questions environnementales fassent installer des panneaux solaires sur leur maison ou remplacent leur grosse voiture à essence par une petite hybride. Les solutions techniques ne peuvent être efficaces que si elles sont mises en œuvre à l’échelle mondiale. L’Agence internationale de l’énergie estime que 60% des gaz à effet de serre seront émis, d’ici 2020, par les économies en transition et les pays en développement, et que si ces derniers veulent éviter le piège des carburants fossiles et se diriger directement vers des technologies environnementalement saines, il devront “faire un bond technologique d’une ou deux générations”.
Un transfert technologique d’une ampleur que le Secrétariat de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques qualifie de “sans précédent” va donc s’imposer, des pays développés vers les pays en développement et, de plus en plus, entre pays en développement. L’une des grandes questions qui se posent actuellement dans le cadre des délibérations des Nations Unies concerne la manière de procéder à cet effet. La mise en place de mécanismes de financement, le renforcement des capacités, la constitution de réseaux de recherche collaborative, les partenariats public-privé et la conclusion d’accords de coopération commerciale multilatéraux et bilatéraux à titre de mesure d’encouragement figurent parmi les stratégies envisageables.
Quel rapport avec la propriété intellectuelle?
Le système de protection de la propriété intellectuelle ne fait pas de distinction entre les technologies respectueuses de l’environnement et les autres. Les droits de propriété intellectuelle contribuent au développement et à la diffusion des nouvelles technologies de lutte contre le changement climatique à peu près de la même manière que dans tout autre domaine : ils encouragent l’innovation en offrant le moyen d’obtenir un retour sur l’investissement consacré à l’élaboration des techniques faiblement productrices de carbone (particulièrement utile en présence d’une demande croissante lorsque le marché est encouragé par des politiques appropriées) et ils donnent aux entreprises la confiance nécessaire pour concéder aux pays qui en ont le plus besoin des licences d’exploitation ou de perfectionnement sur leurs techniques. L’information brevet peut aussi être particulièrement utile, dans la mesure où les documents de brevet publiés fournissent une masse de renseignements techniques auxquels n’importe qui peut accéder facilement afin de s’en inspirer. La mise au point de la pile à hydrogène comme source d’énergie renouvelable n’est qu’un exemple des nombreuses innovations qui sont issues des résultats de recherche contenus dans les documents de brevets antérieurs (Magazine de l’OMPI, n° 1/2007). La “cartographie des brevets” peut aussi être utilisée, par exemple, pour déterminer le rythme et la direction future de l’innovation en matière de technologies énergétiques de substitution.
Une vigilance de tous les instants sera nécessaire pour s’assurer que la propriété intellectuelle contribue efficacement à faciliter les efforts visant à accélérer le transfert aux pays en développement de technologies économiques sans effet sur le climat et à faire face, le cas échéant, aux difficultés. Elle est déjà exercée par des groupes tels que Third World Network, qui se dit préoccupé par le risque d’incidences négatives des brevets sur les nouvelles technologies, par exemple en matière de prix et d’accès par les pays en développement. Les parlementaires européens ont préconisé récemment le lancement d’une étude sur les modifications pouvant être apportées à l’accord de l’OMC sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC), afin de rendre possible une licence obligatoire pour les technologies “nécessaires du point de vue de l’environnement”. D’autres analyses telles que les études de cas détaillées établies par l’Initiative technologie et climat, l’Agence internationale de l’énergie et le Programme des Nations Unies pour l’environnement concluent que l’un des principaux obstacles au transfert de technologies respectueuses de l’environnement est l’absence de protection des droits de propriété intellectuelle dans certains pays en développement.
Ces questions sont étudiées plus en détail dans un article du présent numéro du Magazine de l’OMPI, dans lequel le professeur John Barton examine l’incidence des brevets sur le transfert de technologies énergétiques renouvelables au Brésil, à la Chine et à l’Inde. Nous avons aussi rencontré l’inventeur d’un nouveau matériau de construction respectueux de l’environnement, qui nous a parlé de son invention et de sa stratégie en matière de propriété intellectuelle. Dans les autres articles de cette série, nous verrons comment l’OMPI aide les pays en développement à renforcer leurs capacités en matière de concession de licences, à encourager la collaboration dans le domaine de la recherche-développement et à créer des environnements favorables à l’innovation et au transfert technologique – de bien petits pas pour relever un grand défi technologique.
Par Elizabeth March, La Rédaction, Magazine de l'OMPI, Division des communications et de la sensibilisation du public
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