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Europe : le droit des dessins et modèles dans le secteur de la mode

Février 2008

By Dr. Fridolin Fischer

Au lendemain de l’entrée en vigueur de l’Acte de Genève de l’Arrangement de La Haye dans la Communauté européenne, Fridolin Fischer, avocat à Zurich (Suisse) et auteur une analyse sur la protection juridique des créations de mode intitulée “Kleidermode – Phänomen ohne Rechtsschutz?”, examine, dans cet article rédigé pour le Magazine de l’OMPI, l’importance du droit des dessins et modèles dans le secteur de la mode.

L’industrie européenne de la mode a enregistré, en 2006, un déficit record de 33,7 milliards d’euros. Entre 1994 et 2006, la production totale de vêtements a connu chaque année, dans chacun des 27 pays qui composent désormais l’Union européenne, une baisse de 5%. Ce secteur emploie encore, à travers l’UE, 1,5 million de personnes qui génèrent 22 milliards de valeur ajoutée (soit environ 1,2% de la valeur ajoutée totale des industries des 27 pays de l’Union) 1. Il est toutefois probable qu’au cours des prochaines années, les fabricants européens seront forcés de réduire encore le volume de leur production et de se tourner vers des créneaux et des produits à forte valeur ajoutée.

Des voix se font entendre, dans l’industrie européenne du vêtement, en faveur d’un renforcement de la protection internationale des droits de propriété intellectuelle relatifs aux créations de mode face au risque de pertes massives associé à la contrefaçon2. Certaines théories économiques modernes considèrent pourtant qu’il existe entre l’innovation et l’imitation une interaction qui fait partie intégrante de la dynamique concurrentielle : l’innovation donne lieu à des produits supérieurs et l’imitation les met à la portée d’un plus grand nombre de consommateurs, d’où il découle que la vigueur du processus d’imitation est essentielle à celle de la concurrence. Ce raisonnement est-il logique?

Pour répondre à cette question, il faut regarder en combien de temps l’imitateur rattrape l’innovateur. Ce dernier a-t-il le temps, une fois qu’il a mis son innovation sur le marché, de récupérer son coût de développement et de générer un bénéfice? Si ce temps est trop court, l’innovateur risque d’être moins enclin à continuer de créer, auquel cas la prolongation des droits par un mécanisme juridique a sa raison d’être, d’un point de vue économique. L’industrie de la mode constitue toutefois un cas à part.

Un grand nombre d’inconditionnels de la mode n’ont pas les moyens de souffrir les créations de Chanel, Dior, Versace et autres. Ils achètent donc, à la place, des copies plus abordables, en sachant parfaitement que ce ne sont pas des originaux. Les ventes de ces contrefaçons ne peuvent pas être portées au débit de celles des originaux, car elles concernent un groupe de consommateurs complètement différent. Il est vrai que la copie peut introduire une confusion dans l’esprit des consommateurs et, lorsqu’elle donne lieu à un produit de piètre qualité, porter préjudice à la réputation du créateur, mais on peut faire valoir aussi que les contrefaçons font de la publicité aux marques, stimulent des tendances naissantes et vont augmenter la demande pour les articles de mode originaux. Gabrielle “Coco” Chanel n’était pas seule à estimer que l’imitation constitue la plus haute forme de flatterie3. Quelle est, dans un tel contexte, l’importance du droit des dessins et modèles pour l’industrie européenne de la mode?

Des droits de propriété intellectuelle sur un dessin

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Motif flocon de neige (enregistrement de dessin ou modèle communautaire n° 772058‑0003)

Une idée créative, par exemple celle d’un motif à fleurs pour un tissu, est un intangible qui peut être reproduit sans qu’il en résulte d’érosion de valeur, comme ce serait le cas pour un actif. Un droit d’exclusivité s’appliquant à un objet matériel, tel que le tissu à fleurs, ne suffirait pas à protéger le dessin. L’idée intellectuelle elle-même doit être protégée, ce qui n’est possible qu’en interdisant l’imitation de l’objet physique par l’intermédiaire duquel est perçu l’objet intellectuel. Cette interdiction d’imitation pour une certaine durée “permet aux gens de récolter ce qu’ils ont semé. Si on leur retire cette espérance, ils sont moins motivés à semer.” 4

Si les biens intellectuels ne peuvent être perçus que lorsqu’ils sont incorporés à des objets physiques, cela signifie aussi que les idées non concrétisées ne sont pas susceptibles de protection. Il en résulte qu’il n’est pas possible de protéger en tant que tels, par le droit des dessins et modèles, des styles de la mode tels que la minijupe ou le jean en général, ni des procédés de fabrication comme, par exemple, une nouvelle technique de coupe, de couture ou d’impression permettant la fabrication d’une grande variété de résultats physiques. La protection ne peut être demandée que lorsque l’idée est matérialisée dans un objet spécifique.

Du privilège royal à la réglementation communautaire

L’histoire de la protection des dessins et modèles en Europe suit pas à pas celle de l’industrie des textiles. Au XVe siècle, le roi de France accordait un privilège, c’est-à-dire un droit exclusif, permettant la fabrication des tissus. C’est à Lyon, en 1711, que fut sanctionnée pour la première fois, par ordonnance royale, la contrefaçon d’un motif de tissage. En Angleterre et en Écosse, les producteurs de textiles furent à l’origine, en 1787, de la première loi relative à la protection des dessins et modèles. En 1876, l’Allemagne adopta une loi sur le droit de reproduction des motifs et des modèles, une fois de plus à l’initiative de l’industrie textile. Plus près de nous, les efforts d’harmonisation des législations européennes en cette matière ont conduit à l’adoption d’un règlement européen sur les dessins ou modèles communautaires, entré en vigueur en 20025.

La protection conférée par la réglementation européenne ne s’étend qu’aux dessins ou modèles qui remplissent les exigences de nouveauté et de caractère individuel. Le seul critère permettant de déterminer de manière décisive si un dessin ou modèle est ou non susceptible de protection est la mesure dans laquelle il diffère visuellement des dessins ou modèles connus, telle qu’appréciée par comparaison directe, du point de vue d’un utilisateur averti. Des différences qu’un observateur superficiel peut considérer comme peu importantes dans la comparaison de deux dessins ou modèles, comme par exemple la disposition de boutons, la forme d’un col ou la longueur d’une jupe, peuvent produire une impression globale différente sur un utilisateur averti en matière de mode6.

Déposer ou ne pas déposer

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Une extraordinaire robe de soirée de Pierre Cardin, 1988. (Photo Pierre Cardin).

Les créateurs de mode disposent en fait d’une latitude limitée : leurs vêtements doivent respecter les proportions du corps humain, et le besoin de la société de se conformer à des codes vestimentaires peut conduire à une certaine uniformité. C’est pourquoi les nouveaux styles réellement exceptionnels constituent une rareté. Mais vu que la différence s’apprécie par une comparaison point par point, il peut suffire d’un seul élément distinctif – une poche de jean brodée, une fermeture à glissière géante ou un motif omniprésent – pour produire une impression globale différente de toutes les autres et justifier la protection de la caractéristique en question, ou même de tout l’article.

L’OMPI n’a délivré, en 2007, pour la classe 2 de la classification de Locarno (articles d’habillement et mercerie), que 29 enregistrements internationaux de dessins ou modèles industriels (2,5% du total) dans le cadre du système de La Haye. La même année, l’OHMI (l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur de l’UE) en a enregistré 7421, soit 9% du total. En fait, la plupart des demandes d’enregistrement de dessins ou modèles industriels des maisons de mode ne concernent pas des vêtements, mais des accessoires relèvant de plusieurs autres classes de Locarno, tels que montres, sacs à main, lunettes, etc., qui représentent pour elles une importante source de revenu. Étant donné que les saisons de mode ne durent que quelques mois, la plupart des créateurs considèrent que ces mécanismes d’enregistrement, avec la durée minimale de cinq ans de protection qu’ils offrent, ne constituent pas pour eux une solution adéquate et qu’ils ont tout intérêt à consacrer leur temps et leur argent à créer de nouveaux styles plutôt qu’à les enregistrer.

Les créateurs européens peuvent toutefois bénéficier aussi de la protection accordée aux dessins ou modèles communautaires non enregistrés. Cette dernière s’obtient sans formalités, du simple fait de la divulgation du dessin ou modèle concerné, et pour une période de trois ans. Elle constitue une solution efficace pour les dessinateurs de mode, dans la mesure où la plupart d’entre eux ne commencent à s’inquiéter de la protection de leurs créations qu’après avoir été victimes des contrefacteurs.

Dessins, modèles et marques

En conclusion, l’enregistrement en tant que dessin ou modèle industriel se justifie surtout pour protéger une création exceptionnelle ou promise à un succès durable ou l’un de ses éléments. Sa contrefaçon sera toutefois très difficile à détecter, car le marché regorge d’un nombre infini de styles. La plupart des dessinateurs de mode se fient donc beaucoup aux dénominations sous lesquelles sont vendues leurs créations, car celles-ci sont apposées directement sur leurs produits et souvent protégées par le droit des marques. En plus de faciliter la détection des imitations, elles présentent aussi l’avantage d’aider les consommateurs à trouver leurs articles préférés. Les maisons de mode consacrent des sommes considérables à la publicité, dans le but de promouvoir les attributs de leurs marques et d’attirer les consommateurs. On constate toutefois sans surprise que les contrefacteurs tentent de profiter de l’effet d’entraînement exercé par cette publicité en copiant à la fois les styles et les marques correspondantes. Pour faire échec à ces derniers, les principaux créateurs de mode intègrent à leurs marques des fils ayant fait l’objet d’un traitement spécial ou d’autres techniques de protection permettant de faciliter la distinction entre originaux et imitations.

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1. Office des publications officielles des Communautes européennes, Entreprises européennes – Faits et chiffres, Luxembourg, 2007.
2. Voir p. ex. Euratex (European Apparel and Textiles Organisation), Rapport annuel 2006 : “N’oublions pas que la contrefaçon n’est rien d’autre que du vol, et ne peut donc pas rester impunie.”
3. Paul Morand, L’allure de Chanel, Paris 1996.
4. Landes, William M. / Posner, Richard A., The Economic Structure of Intellectual Property Law, Cambridge (Massachusetts) 2003, page 13.
5. Les lois nationales des différents États membres de l’UE sont restés en vigueur parallèlement au règlement sur les dessins ou modèles communautaires, mais ont été harmonisées par la Directive 98/71/EC du 13 octobre 1998 sur la protection juridique des dessins ou modèles.
6. Voir la Proposition modifiée de règlement du Conseil sur les dessins ou modèles communautaires, COM (1993) 342, page 14.

 

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