Le marché de la musique numérique – Sensibiliser les utilisateurs
La Fédération internationale de l’industrie phonographique (IFPI) a publié l’édition 2008 de son Rapport sur la musique numérique, dans lequel elle estime que l’industrie de l’enregistrement a vendu en 2007 pour 2,9 milliards de dollars É.‑U. de musique numérique dans le monde, ce qui représente une augmentation de 40% par rapport à 2006. Pas mal pour une industrie qui, voici cinq ans, était encore complètement absente du marché numérique. Mais cette croissance à deux chiffres suffira‑t‑elle à compenser la baisse que connaissent, depuis le record de 45 milliards de dollars É.‑U. atteint en 1997, les ventes de disques compacts? Pas très probable, si l’on en croit les prévisions publiées en mars 2007 par la firme Enders Analysis dans son rapport sur la musique enregistrée et l’édition musicale.
Pour l’IFPI, le fait que le ralentissement des ventes de CD ne soit pas équilibré par une croissance des ventes de musique numérique est dû principalement à l’omniprésence des pratiques de téléchargement et d’échange illicite de fichiers musicaux. La fédération observe que des dizaines de milliards de fichiers illégaux – 20 pour chaque fichier légal – ont été échangés en 2007 et appelle les fournisseurs d’accès Internet (FAI) à agir en intégrant des filtres à leurs réseaux et en procédant à la suspension ou à la fermeture des comptes des abonnés qui portent atteinte au droit d’auteur. Elle estime que la mise en place de nouveaux modèles de répartition des recettes pourrait encourager les FAI à prendre des mesures contre le piratage, et que des poursuites devant les tribunaux pourraient constituer un incitatif supplémentaire à leur coopération avec l’industrie de la musique (voir aussi l’article sur la lutte contre le piratage P2P).
L’industrie de la musique s’efforce aussi de remédier à la situation par le dialogue avec les utilisateurs. Elle a lancé voici trois ans, avec l’appui des professionnels de la musique
– musiciens et gérants, de grandes marques de disques, détaillants, interprètes et éditeurs – du monde entier, le site pro‑music.org, qui vise à informer le public en ce qui concerne le téléchargement légal de musique. Ce site donne accès à des ressources pédagogiques que les parents peuvent utiliser afin d’apprendre à leurs enfants à utiliser l’Internet d’une manière responsable (voir l’encadré).
Cette initiative va dans le sens des conclusions d’une enquête menée par Microsoft en janvier dernier sur l’attitude des adolescents face au problème du téléchargement illicite, selon lesquelles les jeunes sont influencés au premier chef, à cet égard, par leurs parents. Cette étude a également démontré que lorsque les adolescents sont mieux informés en matière de droit d’auteur, ils comprennent plus facilement ce qui peut faire du téléchargement un acte illicite. En revanche, plus ils sont âgés, et plus les chances de les convaincre de changer leurs habitudes s’amenuisent. L’enquête a également conclu que les efforts visant à sensibiliser les parents afin qu’ils apprennent à leurs enfants à télécharger dans la légalité pourraient être plus efficaces que ceux qui s’adressent directement aux jeunes internautes.
Savoir s’adapter à de nouveaux défis
L’Internet a donné naissance à un monde nouveau, débordant de possibilités, mais aussi d’obstacles pour l’industrie de la musique. Comme le constate le rapport de l’IFPI, “la facilité avec laquelle on accède à la musique a déprécié cette dernière aux yeux des consommateurs”, et cela se traduit pour l’industrie de la musique par une remise en question énorme – une remise en question à laquelle elle a tardé à réagir, selon ses critiques. L’IFPI reconnaît que les maisons de disques commencent à peine à se réinventer, à créer de nouveaux modèles d’affaires pour assurer leur survie – et leur prospérité – dans l’environnement numérique.
Le rapport Enders est du même avis : “Plus nous analysons les grands enjeux et plus il se confirme que l’industrie […] a souvent été prise de court et que cela a entraîné de sa part des réactions maladroites.” Il donne cet égard l’exemple de ce qu’a fait l’industrie dans les débuts du P2P, en 1999, lorsqu’elle a tenté de mettre en place ses propres services d’abonnement et persisté à refuser toute licence aux services de téléchargement jusqu’à ce que ces services connaissent finalement l’échec. Enders cite, en revanche, comme preuve d’un début de changement de cap dans ce secteur la décision d’Universal, en 2007, de concéder à YouTube une licence sur ses enregistrements originaux.
L’industrie musicale est toutefois confrontée à quelques autres problèmes, également relevés dans le rapport Enders, dont le premier est la chute des ventes d’albums. Le consommateur moderne, en effet, n’est plus disposé à acheter tout un album pour pouvoir écouter une ou deux chansons. Il préfère aller sur Internet, télécharger le morceau qui lui plaît vraiment et économiser de l’argent. En deuxième lieu, souligne le rapport, les excellents résultats connus dans ce secteur dans les années 1980 et 1990 étaient dus au fait que les amateurs reconstituaient leur discothèque, c’est‑à‑dire qu’ils remplaçaient leurs microsillons par des disques compacts – un phénomène qui ne se produit qu’une fois dans une vie et dont la révolution numérique ne permet pas la répétition. Le troisième problème est celui de la désaffection des consommateurs, ces derniers étant de plus en plus nombreux à déplorer la piètre qualité des produits offerts par l’industrie.
Ces constatations sont confirmées par un sondage Rolling Stone/Associated Press réalisé en 2006 auprès de 1000 adultes par la firme d’études de marché Ipsos, puisque 58% des répondants ont affirmé que la qualité de la musique – et celle des artistes – était en baisse. Il est intéressant de noter que si 71% de ces mêmes répondants ont estimé que 99 cents le morceau était un prix raisonnable – voire une bonne affaire – 75% ont aussi déclaré que le prix de vente des CD était trop élevé.
Quel sera le nouveau visage de l’industrie musicale? Quels modèles s’avéreront efficaces et quels autres devront être abandonnés? Seul l’avenir le dira. L’Internet a transformé notre monde, et cela d’une manière irréversible. Les survivants panseront leurs plaies et sauront trouver la voie qui leur permettra de poursuivre leur progression.
Promouvoir le téléchargement légal |
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Le nouveau site www.pro‑music.org revu et redessiné a été lancé au mois d’avril. Visant à informer sur tout ce qui touche à la musique en ligne, ce site spécialisé aborde d’une façon positive et pédagogique les questions relatives au téléchargement. L’annuaire mondial des services de musique légaux qui le particularisait déjà précédemment a été conservé. De nouvelles rubriques ont été ajoutées, dont notamment les suivantes :
La nouvelle édition du guide “ Young People, Music and the Internet” (les jeunes, la musique et l’Internet) a été lancée en même temps que le site de Pro‑music. Élaborée par Childnet (un organisme sans but lucratif qui travaille avec les gouvernements afin de faire de l’Internet un lieu sûr pour les enfants) avec la participation des divers secteurs de l’alliance Pro‑music, cette publication vise à faire en sorte que les jeunes puissent profiter de leur musique en toute sécurité et légalité, “chez eux, à l’école et dans la vie en général”. Pro‑music a constaté que ce guide à la fois simple et complet correspond à un réel besoin. Son contenu, qui renverra bientôt à un site d’informations plus complet géré par Childnet, remplit les fonctions suivantes :
Ce guide contient une carte dont le contenu s’adresse aux jeunes et qui vise à encourager le dialogue entre ces derniers et les adultes. Il sera tout d’abord envoyé par la poste à plus de 5000 écoles et 3000 bibliothèques du Royaume‑Uni. Des adaptations sont prévues, dans un premier temps, pour la France, les États‑Unis d’Amérique, l’Australie, la Nouvelle‑Zélande, Taiwan, la Suède, l’Argentine, la Chine et Singapour. |
Par Sylvie Castonguay, La rédaction, Magazine de l OMPI, Division des communications et de la sensibilisation du public.
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