Courrier des lecteurs
Les lettres des lecteurs sur des sujets abordés dans les articles du Magazine de l’OMPI et sur d’autres questions d’actualité dans le domaine de la propriété intellectuelle sont les bienvenues. Elles doivent être adressées au rédacteur en chef, soit à l’adresse électronique WipoMagazine@wipo.int, soit par télécopieur ou par courrier postal aux coordonnées figurant au dos du Magazine. Les lecteurs sont priés d’indiquer leur adresse postale. Nous sommes au regret de ne pas pouvoir publier toutes les lettres reçues. Le rédacteur en chef se réserve le droit de modifier ou d’abréger les lettres (l’auteur sera consulté si des modifications importantes sont nécessaires).
Photo: Schulbausteine für Gando
Construire pour un changement durable – École de Gando, suite
Le Magazine de l’OMPI a publié, voici trois ans, un article sur notre projet de construction d’école dans le village de Gando, au Burkina Faso (Créateurs modèles – Diébédo Francis Kéré, architecte; n° 3/2005). C’est d’ailleurs ainsi que beaucoup de gens en ont entendu parler pour la première fois.
Cette école compte aujourd’hui plus de 450 élèves, et nous aurons bientôt terminé la construction d’un nouveau bâtiment, avec quatre salles de classe supplémentaires. Nous travaillons aussi ailleurs. La photo ci‑jointe montre l’annexe d’une école secondaire en latérite – un matériau courant dans notre région – que nos gens ont terminée récemment pour une ONG à environ 600 km de Gando.
C’était le premier contrat rémunéré pour les ouvriers, tous des jeunes de Gando qui ont été formés sur les projets réalisés dans le cadre du programme de notre association Schulbausteine für Gando (Des briques pour l’école de Gando). Le résultat a été accueilli avec une grande fierté, non seulement par les membres de la communauté de Gando, mais aussi à travers tout le Burkina Faso.
C’est avec humilité, mais aussi avec fierté, que je vois se réaliser ce rêve, que nous avons commencé voici quelques années. Ce projet prouve qu’il est possible de présenter des technologies nouvelles à des membres d’une communauté pauvre et de leur montrer comment les utiliser pour construire des habitations meilleures et plus durables.
Je suis fermement convaincu que c’est grâce à des projets de ce genre, utiles aux gens dans leur vie de tous les jours, que nous pourrons amener des changements dans cette région, que l’on entend si souvent qualifier de cas désespéré. L’expérience m’a appris que l’on ne peut pas changer les choses en restant assis derrière un bureau, à regarder les problèmes de loin. Dans une culture comme la mienne, marquée par une crise éducationnelle et où l’accès à l’information est pratiquement inexistant, on ne peut y arriver qu’en montrant l’exemple, par des projets où les gens travaillent ensemble, les uns pour les autres. Ce n’est pas la méthode la plus rapide ni la plus pratique, mais si on se place dans une perspective de long terme, c’est la méthode la plus durable.
Pour l’instant, nous avons une très forte demande de construction de nos modèles dans d’autres villages, et nous espérons pouvoir y faire face. Nous voudrions aussi construire et équiper un centre de recherche du bâtiment dans le village où je suis né. Nous pourrions y étudier des matériaux et des techniques de construction. Ce serait en même temps un centre de formation où les jeunes pourraient apprendre ces techniques. De plus, les échanges internationaux d’experts techniques et d’étudiants seraient encouragés tout particulièrement. Je voudrais que la construction de ce centre serve à établir solidement et pour le long terme les principes d’une construction adaptée au climat de ma région natale.
Je suis reconnaissant au Magazine de l’OMPI et à toutes les autres personnes qui ont accordé de l’importance à mon travail et lui ont donné une couverture médiatique.
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Une nouvelle image de marque pour les cafés d’Éthiopie…
Les lecteurs de votre article de l’année dernière sur l’Éthiopie et la société Starbucks (Quand l’origine compte : Deux cafés; Magazine de l’OMPI n° 5/2007) seront peut‑être intéressés par la nouvelle de la création de la marque d’identité Ethiopian Fine Coffees (Cafés fins d’Éthiopie) et de son dévoilement, le 4 mai dernier, à l’occasion d’une réunion des parties prenantes et des distributeurs autorisés. C’est à l’agence Brandhouse que le gouvernement éthiopien a confié le soin d’élaborer une identité globale, susceptible de représenter adéquatement les variétés de cafés fins du pays et de les élever au rang qui doit être le leur, parmi les meilleurs aliments et boissons de la planète.
(Avec l’aimable autorisation de l'Office éthiopien de la propriété intellectuelle)
La grande qualité des cafés d’Éthiopie étant extrêmement peu connue, tant des négociants et distributeurs que des consommateurs, il était essentiel de créer une marque globale simple, facile à retenir et instantanément reconnaissable, disant haut et fort “Éthiopie” et évoquant l’excellence et la diversité de ces produits. Brandhouse tenait aussi à exprimer tout le dynamisme et l’énergie du pays et à saisir tout l’éclat et la vitalité de ses couleurs, afin de rendre justice aux variétés Yirgacheffe, Harar et Sidamo. Eu égard à la richesse de l’histoire de l’Éthiopie et à la diversité de ses peuples, l’agence devait également faire preuve de sensibilité culturelle et créer une identité dont toutes les personnes employées dans l’industrie du café seraient fières.
Le cœur de la marque est donc un grain de café stylisé en forme de lettre ‘E’ (ou une lettre ‘E’ stylisée en forme de grain de café) qui établit un lien fort entre la nation et le produit. Étant destiné à être vu par des publics très divers et utilisé de manières très variées à travers le monde, le symbole devait impérativement avoir un caractère universel et être facile à reproduire, que ce soit par les distributeurs autorisés sur les emballages de vente au détail ou simplement au pochoir, par exemple sur un sac de café Sidamo.
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… pendant que les caféiculteurs commencent à récolter les fruits de la propriété intellectuelle
(Avec l’aimable autorisation de l'USAid)
Il est encore tôt pour tirer des conclusions définitives, mais il semble bien que la stratégie de dépôt de marques et de concession de licences que nous avons adoptée dans notre pays commence déjà à améliorer la vie des 15 millions d’Éthiopiens qui dépendent du secteur caféicole. Grâce à cette initiative et à la publicité donnée à l’affaire Starbucks, les cafés fins éthiopiens sont plus connus, et les producteurs sont en meilleure position pour négocier leurs prix. Il s’est créé un cadre de promotion conjointe qui satisfait à la fois les besoins des acteurs de la filière du café et ceux des consommateurs. Bien qu’aucune étude d’impact n’ait encore été effectuée et qu’un certain nombre de facteurs puissent avoir contribué à l’augmentation du prix des cafés fins, on peut s’attendre à ce que les mesures d’amélioration de la qualité mises en place par le gouvernement et les agriculteurs, le cadre coopératif et la position commerciale améliorée résultant de l’initiative assurent le maintien de cette augmentation des prix au cours des années à venir.
L’initiative vise à faire ressortir toute la valeur immatérielle attachée à nos trois variétés de café fin et à augmenter la part qui revient aux caféiculteurs. Elle présente aussi l’avantage d’inverser la tendance désastreuse qui faisait que les agriculteurs arrachaient des plants de café traditionnels, comme le Harar, pour cultiver à la place un narcotique nommé khat.
De nombreux pays en développement considèrent que la propriété intellectuelle profite principalement aux États‑Unis d’Amérique, à l’Europe et au Japon. C’est une erreur. La propriété intellectuelle, si elle est utilisée adéquatement, peut remplir les besoins de pays comme l’Éthiopie. Je crois personnellement que tous les pays, qu’ils soient pauvres ou riches, ont la capacité de créer des actifs de propriété intellectuelle.
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Les licences obligatoires ne sont pas une solution pour les pays pauvres
Nul doute qu’à la réunion de l’Assemblée mondiale de la santé, cette semaine, des activistes viendront clamer une fois de plus la conviction mal fondée selon laquelle les brevets sont un obstacle à l’accès des pauvres aux médicaments essentiels. Une étude réalisée en 2004 et publiée dans le Journal of Health Affairs permet pourtant de constater que les médicaments brevetés représentent moins de 2% des produits énumérés sur la Liste modèle de l’OMS des médicaments essentiels.
La situation sanitaire désastreuse que connaît une grande partie de l’Afrique n’est pas due aux brevets. À quoi servirait même la gratuité des médicaments si les patients continuent à boire de l’eau puisée dans des rivières polluées, à utiliser pour le chauffage et la cuisson les combustibles traditionnels créateurs de problèmes respiratoires que sont le bois et les bouses d’animaux ou à partager leur lit avec des moustiques porteurs de malaria venus des dépotoirs à ciel ouvert?
Ce ne sont pas les brevets qui empêchent l’accès équitable aux soins de santé des femmes enceintes quand ceux qui les aident à accoucher travaillent avec un matériel médical moribond et quand leurs nouveau‑nés sont couchés nus, à même des sols de terre battue.
Ajoutez à cela l’inadéquation des assurances, les administrateurs qui ne rendent de comptes à personne, les taxes d’importation exorbitantes qui frappent les médicaments, les produits pharmaceutiques contrefaits, le mauvais état des routes, l’insuffisance du personnel médical, la décrépitude des établissements de santé et la corruption, et vous saurez quel est le véritable contexte de la santé, celui que de nombreux activistes feignent d’ignorer.
Nombreux sont, en revanche, les pays en développement qui soutiennent ardemment le système des licences obligatoires, tout en réclamant de la part des investisseurs privés qu’ils financent la recherche et le développement de nouvelles molécules pour combattre les maladies de la pauvreté. Mais comment fait‑on pour convaincre un actionnaire d’investir en recherche‑développement si l’invention qui en résultera a toutes les chances d’être accueillie par des préjugés d’idéologues plutôt que par des principes économiques rationnels?
Ce n’est pas en cassant les brevets de médicaments et en paralysant la création de produits pharmaceutiques destinés à sauver des vies que les pays pauvres amélioreront les soins médicaux. Nos gouvernements ont besoin qu’on les aide à adopter les politiques économiques prudentes qui auront les meilleures chances de leur donner une infrastructure de santé bien conçue et d’assurer la santé des pauvres.
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Le P2P – Un modèle d’affaires parasite
La Journée mondiale de la propriété intellectuelle est déjà passée. Elle avait pour thème, dans le monde entier, la nécessité de protéger les droits de propriété intellectuelle. C’est pourquoi j’ai trouvé que la mise en place non autorisée, la veille, d’un “torrent” permettant le partage poste‑à‑poste (P2P) d’un livre que j’ai contribué récemment à écrire ne manquait pas d’ironie. Surtout si j’ajoute que le livre en question explique aux chefs d’entreprise, spécialistes en sécurité et autres comment s’y prendre pour protéger leurs actifs de propriété intellectuelle.
Devrais‑je en être fier, me suis‑je demandé avec un certain amusement? Ce n’est pas tous les jours, en effet, que le titre d’un livre – Secrets volés, fortunes perdues – devient réalité! Mais les réseaux P2P sont là pour permettre aux gens de télécharger illégalement les œuvres de création d’autrui, et cela sans payer. Ou, pour mettre les choses dans une perspective plus personnelle, pour voler la créativité et les idées exprimées dans “mon” livre. L’amusement s’estompe tout à coup, la réalité s’impose, et mon humeur change – “Arghh!”
Regardons‑le d’un peu plus près, ce modèle d’affaires parasite. Une recherche sur Google effectuée en tapant le titre du livre accompagné du mot‑clé “torrent” m’a donné pas moins de 110 résultats – c’est quand même beau, la célébrité! Les sites vers lesquels pointaient les liens ainsi trouvés se disaient bibliothèques de l’avenir, distributeurs de livres électroniques gratuits, etc. Mais comment, me suis‑je demandé, ce “commerce” non autorisé se finance‑t‑il?
Les recettes “licites” sont fournies par la publicité. Chacun des utilisateurs qui s’enregistrent pour avoir le droit de télécharger un contenu devient, pour le propriétaire du site, un membre/utilisateur/lecteur confirmé, qui peut dès lors être proposé aux annonceurs, car il représente pour ces derniers un acheteur potentiel. En outre, les annonces contextuelles de Google, Yahoo, MSN et autres génèrent des recettes supplémentaires chaque fois qu’elles conduisent un internaute vers le site de l’annonceur – autre tintement, quoique moins sonore, du tiroir‑caisse virtuel.
La partie “illicite” des recettes débute lorsque l’adresse de courrier électronique de l’utilisateur confirmé est vendue à des mécréants fabricants de logiciels espions et autres “maliciels”. Les fichiers qui sont alors proposés au malheureux sont accompagnés – gratuitement, bien sûr! – de codes ayant pour objet de le dépouiller de certaines données personnelles. Et en prime, lorsqu’il tente de fermer une fenêtre il peut se trouver redirigé involontairement vers des sites douteux – les bas‑fonds de la toile.
La vie est parfois amusante quand on l’observe avec détachement. Elle le devient beaucoup moins lorsque l’on commence à comprendre ce qui s’y passe vraiment. Il ne reste plus alors qu’à trouver le moyen de remettre le dentifrice dans le tube!
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Les faux coûtent plus cher
(Photo : myauthentics.com)
Je vous écris pour informer vos lecteurs des grands progrès accomplis cette année par la fondation Authentics dans le cadre de son action de sensibilisation aux incidences négatives de la contrefaçon. La fondation est une organisation internationale sans but lucratif dont l’objectif est d’informer les consommateurs, sur le terrain et par l’intermédiaire de l’Internet, afin qu’ils sachent déceler les copies et comprennent le préjudice que causent à notre économie et à notre monde les achats de produits contrefaits. Nous avons organisé sur le thème Fakes cost more un sommet qui s’est tenu le 10 mars dernier à Bruxelles (Belgique). L’allocution d’ouverture a été prononcée par M. Jose Manuel Barosso, président de la Commission européenne, en présence du mannequin Yasmin LeBon et de la comédienne Alice Taglioni. Cette manifestation a été saluée par la presse internationale et son message
– les faux coûtent plus cher – a été entendu par des consommateurs du monde entier, des pays de l’Union européenne jusqu’au Moyen‑Orient et en Chine.
À notre époque, rien n’échappe à la contrefaçon, et cela n’était nulle part plus évident qu’à l’exposition tenue pendant le sommet Fakes cost more, où chaque faux était accompagné d’une notice expliquant ce qui en faisait un danger pour la santé ou la société. Il y avait de tout : des plaquettes de frein de piètre qualité, des batteries dangereuses, des médicaments mortels, et même une fausse Ferrari P4 – dont l’original a été produit à seulement quatre exemplaires par le constructeur – qui a reçu une attention considérable de la part des médias, vu qu’un réseau de contrefaçon de Ferrari venait justement d’être démantelé la semaine précédente en Italie. Les visiteurs ont été particulièrement réceptifs aux mises en garde relatives aux risques posés par les fausses pièces détachées pour automobiles.
Le site de la fondation, www.myauthentics.com, explique aux consommateurs comment acheter intelligemment et sans danger. Il a reçu cette année la visite de dizaines de milliers d’internautes et était conseillé par la société eBay, dans sa récente campagne de lutte contre la contrefaçon, aux personnes désireuses de s’informer d’une manière plus approfondie sur ce phénomène. Grâce à des initiatives innovantes, la fondation Authentics fait passer son message à un public de plus en plus important, par exemple par des présentations dans des universités, sur des sites de réseautage social et autres. Elle est convaincue qu’un consommateur à qui on a fait prendre conscience de toutes les répercussions du commerce des produits de contrefaçon cessera pour toujours d’en acheter.
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Les œuvres de Ravel ne sont pas encore dans le domaine public
Tout en vous félicitant pour la qualité du Magazine de l’OMPI, je tiens à vous faire part de mon étonnement de voir que l’auteur de l’article Bienvenue dans le domaine public (publié dans le n° 1/2008) inclut Maurice Ravel dans la liste des auteurs dont les œuvres tombaient dans le domaine public à la fin de l’année 2007. En effet, les deux lois françaises ayant institué des prolongations de la protection en raison des deux guerres mondiales sont toujours en vigueur, et dans le cas particulier des musiciens, qui étaient déjà protégés en France pendant 70 ans avant la directive européenne de 1993 harmonisant la durée des droits, ces prolongations subsistent.
‑ Note de la rédaction : Toutes nos excuses! L’erreur avait été relevée par nos collègues spécialistes de la Division du droit d’auteur, et dûment corrigée dans le Magazine en ligne. À notre grand regret, la version imprimée a toutefois été diffusée telle quelle.
Le Magazine de l’OMPI vise à faciliter la compréhension de la propriété intellectuelle et de l’action de l’OMPI parmi le grand public et n’est pas un document officiel de l’OMPI. Les désignations employées et la présentation des données qui figurent dans cette publication n’impliquent de la part de l’OMPI aucune prise de position quant au statut juridique des pays, territoires ou zones concernés ou de leurs autorités, ni quant au tracé de leurs frontières ou limites territoriales. Les opinions exprimées dans cette publication ne reflètent pas nécessairement celles des États membres ou du Secrétariat de l’OMPI. La mention d’entreprises particulières ou de produits de certains fabricants n’implique pas que l’OMPI les approuve ou les recommande de préférence à d’autres entreprises ou produits analogues qui ne sont pas mentionnés.