La Chine innove dans le secteur des technologies du charbon propre
Par Sarah Jessup
Le charbon, bien qu’il soit la première source d’énergie dans un grand nombre de pays, est également un combustible hautement polluant et décrié comme tel. De nombreux efforts sont faits pour le rendre plus propre, dont notamment des innovations en matière de réduction des émissions de polluants et du gaspillage d’énergie. Dans cet article, Sarah Jessup, titulaire d’un doctorat et directrice du Programme sur la Chine au Creative and Innovative Economy Center (CIEC) de la faculté de droit de l’université George Washington, rend compte des initiatives de la Chine pour élaborer des techniques propres d’exploitation du charbon et des technologies énergétiques de substitution. Sarah Jessup a vécu pendant 18 mois dans la province charbonnière du Shanxi, où elle a pu étudier sur le terrain le processus de réforme économique chinois et ses incidences sur les institutions politiques, économiques et culturelles.
La Chine est considérée comme l’un des principaux émetteurs de gaz à effet de serre (GES) de la planète. On estime que 70% de ses besoins énergétiques sont couverts par la combustion du charbon, dont la plus grande partie est effectuée dans des centrales électriques vétustes qui sont à l’origine de la majeure partie des émissions de GES1. Le charbon y est toujours utilisé dans la plupart des poêles domestiques pour la cuisine et le chauffage ainsi que par les grandes compagnies productrices d’électricité, dont les procédés contribuent fortement au gaspillage énergétique. Environ 86% du charbon est brûlé avec des mesures limitées de contrôle de la pollution. De plus, dans les rares foyers qui en possèdent, les conduits d’évacuation de la fumée sont mal entretenus2.
Le triporteur d’un livreur de charbon. Ce combustible est toujours utilisé dans la plupart des poêles domestiques pour la cuisine et le chauffage. (Photo: Biran Kelley)
La situation est désastreuse. En effet, les maladies respiratoires causées par la pollution de l’air provoquent plus d’un million de décès par an, tandis que 400 000 décès évitables sont dus à la pollution de l’air intérieur qui génère des maladies comme le cancer du poumon, l’affaiblissement du système immunitaire et la bronchopneumopathie chronique obstructive3. Les préoccupations de protection environnementale pourraient cependant empiéter sur la croissance économique. Le pays a une population de plus d’un milliard d’habitants, qui croît au rythme vertigineux de 9% par an, mais au moins 135 millions de Chinois survivent avec moins d’un dollar É.‑U. par jour, et plusieurs autres millions avec à peine plus. Le gouvernement chinois s’efforce donc de trouver des moyens de concilier progrès économique et énergie plus propre.
Est‑il possible de s’attaquer au problème sans sacrifier la croissance économique? Où en sont les travaux de recherche et de développement visant à garantir un avenir plus écologique?
L’Académie des sciences chinoise (ASC)
Malgré les sérieux problèmes que cause son utilisation, le charbon est une source d’énergie peu coûteuse et abondante, et ne sera donc pas abandonné de si tôt. Il existe des mines de charbon sur tous les continents, à l’exception de Antarctique. La Chine a cependant pris conscience du potentiel économique que représente le développement de technologies du charbon propre (TCP) pour le marché étranger et local. La création d’un marché des TCP pourrait aider la Chine dans son double effort de réduction de la pollution et de maintien de la croissance économique. Le marché chinois, fort de son milliard d’individus, permettrait une courbe d’apprentissage rapide pour la fabrication et la commercialisation des TCP, ce qui réduirait les coûts de production. Si la Chine trouve les bonnes solutions, elle pourrait très bien dominer le marché de ces technologies. Ses scientifiques font déjà d’importants progrès dans cette direction.
M. Li Jinghai est titulaire de sept brevets pour des technologies du charbon propre. (Photo: CIEC)
Le besoin de sources d’énergie de substitution et renouvelable stimule la recherche scientifique et technologique en Chine à l’heure actuelle. L’Académie des sciences chinoise (ASC) – l’administration en charge de la recherche qui finance de nombreux instituts de recherche et a tissé des partenariats avec des organisations non gouvernementales et des entreprises locales et étrangères – accorde une importance particulière à ce domaine. Cependant, cette poussée des technologies du charbon propre n’est pas due à la réglementation environnementale comme c’est le cas ailleurs. Elle voit plutôt sa source dans des politiques favorables au développement technique liées à de nombreuses mesures incitatives de la part de l’État. Depuis 1979, 41 brevets chinois ont été déposés pour des technologies du charbon propre. Dix‑huit de ces dernières ont été développées localement et sont actuellement utilisées. Elles concernent aussi bien la production d’énergie par des méthodes de pointe que le contrôle de la pollution4.
Par exemple, en 1995, M. Li Jinghai, ingénieur chimiste de l’ASC travaillant pour l’Institut d’ingénierie des procédés, a mis au point un procédé pour réduire la pollution due aux oxydes d’azote (NOx), au dioxyde de carbone (CO2) et à la suie dans les petites structures. Cette technique de combustion du charbon sans fumée et sans NOx appelée Jieou‑Technology a reçu un brevet, l’un des sept détenus par le M. Li en matière de technologies du charbon propre. La Beijing GW Process Technology Company Ltd. a été créée en 2003 pour développer et exploiter le procédé en question. Cette société produit des chaudières à charbon de petite et moyenne taille à usage industriel et résidentiel pour le chauffage et l’alimentation en eau chaude.
L’un des secteurs qui posent le plus de problèmes en matière énergétique est l’industrie cimentière, obligée de suivre le rythme de la forte demande en construction. (Photo: itsallchina.com)
L’un des secteurs qui posent le plus de problèmes en matière énergétique est l’industrie cimentière, obligée de suivre le rythme de la forte demande en construction. Durant le processus de production du ciment, un ingrédient, le mâchefer, doit être chauffé à 1450 degrés Celsius (2642 degrés Fahrenheit). Jusqu’à récemment, ceci était réalisé dans des fours archaïques qui provoquaient une énorme perte d’énergie, mais les choses ont changé grâce à Tang Jinquan, ingénieur et désormais directeur général de Dalian East Energy Development (DEED). Il détient cinq brevets de systèmes de cogénération pour les fours à ciment, un procédé de son invention qui permet de capter la déperdition de chaleur et de la réutiliser pour créer de l’énergie qui alimente les turbines de l’usine. Ces systèmes réduisent de 60% l’énergie utilisée dans la production de ciment, dont la plus grande partie provient du charbon. DEED a été créé en 2004 par M. Tang et deux partenaires et vend actuellement des systèmes de cogénération à travers toute la Chine ainsi que dans d’autres pays comme le Viet Nam, l’Inde et le Pakistan5.
Créer des partenariats
Les États‑Unis d’Amérique possèdent les plus grandes réserves connues de charbon, qui fournissent 50% de leur électricité, soit deux fois plus que leur deuxième source d’énergie, le nucléaire. Les centrales électriques américaines sont responsables de 40% des émissions de CO2 du pays. Un quart du charbon mondial se trouve aux États‑Unis. L’agence américaine de protection de l’environnement (EPA) a reconnu cette année que les émissions de GES constituent un danger pour la santé, sur la base d’une étude publiée l’année dernière. L’ASC ne pouvait pas rêver d’un meilleur endroit où trouver des partenaires pour ses recherches sur les technologies du charbon propre.
L’Université de Californie à Berkeley, l’université Stanford et de nombreuses autres universités américaines ont des projets communs avec divers instituts chinois. L’université Western Kentucky (WKU) a établi un partenariat à long terme avec dix universités chinoises différentes. Les étudiants et chercheurs chinois viennent aux États‑Unis pour étudier pendant un à cinq ans, puis retournent dans leur pays en connaissant des techniques de pointe qui ne sont pas encore appliquées en Chine.
M. Pan Weiping, originaire de Taiwan, enseigne à WKU depuis 23 ans. Ses travaux sur la réduction des émissions se concentrent sur quelques‑uns des nombreux polluants liés au charbon. La pollution au charbon est composée de dioxyde de soufre (SO2), de NOx (ces derniers se combinant pour former des particules polluantes et de la suie), de mercure, de toxines de l’air et de CO2, un gaz à effet de serre qui est le premier responsable du réchauffement de la planète. Les recherches sur la pollution de l’équipe de WKU visent à réduire les émissions de NOx et SO2, ou pluies acides, grâce à trois moyens existants : la réduction catalytique sélective (RCS) contre les émissions de NOx, les filtres électrostatiques contre les émissions de particules et la désulfuration par voie humide des gaz de combustion, qui utilise du carbonate de calcium (calcaire) pour réduire le SO2. La recherche sur la réduction des émissions de mercure est encore à ses débuts, aux États‑Unis comme en Chine.
En Chine, la priorité est donnée à la réduction des émissions de SO2, pour laquelle les filtres électrostatiques sont le seul procédé utilisé pour l’instant. Selon M. Pan, les usines disposent souvent de systèmes de désulfuration (pour le SO2), mais ne les utilisent pas en raison des coûts élevés liés à l’addition de chaux. La réglementation sur l’environnement les obligera toutefois à le faire dorénavant. La Chine est en train de rattraper son retard en matière de réduction des émissions de SO2, et les centrales électriques sont maintenant obligées de s’équiper de systèmes de désulfuration.
Importation de technologies
Les responsables chinois de l’énergie et de l’environnement sont également conscients de l’utilité d’importer des technologies du charbon propre pour améliorer rapidement les technologies locales. La société General Electric avait inventé, à la fin de l’année 2005, un moteur à gaz pour les mines de charbon qui fonctionne selon un procédé breveté consistant à récupérer le méthane sous forme gazeuse pour le convertir en énergie. En janvier 2006, une compagnie minière chinoise a acheté deux de ces moteurs pour ses mines de la province d’Anhui. Opérationnels quelques mois plus tard, les moteurs ont permis aux mines d’Anhui de réduire de 85% leurs émissions de méthane et de produire de l’énergie. Les inventeurs de technologies du charbon propre du monde entier vendent leurs produits en Chine en espérant avoir les droits d’exclusivité pour distribuer ces technologies dans tous les pays.
L’abandon des combustibles fossiles comme source d’énergie n’est pas pour demain, notamment en ce qui concerne une ressource peu coûteuse et abondante comme le charbon. (Photo: Wikipedia)
Un bel avenir
La Chine intègre petit à petit les demandes du marché dans son processus de recherche et d’innovation. Son système politico‑économique émergent se dote graduellement de systèmes efficaces en matière de financement et de brevets. De meilleures politiques d’investissement aideront les chercheurs chinois des secteurs public et universitaire à collaborer avec le secteur privé national et international, tandis qu’un système de propriété industrielle approprié pourra faciliter les accords de collaboration en recherche‑développement. Le système des brevets en pleine expansion de la Chine contribue de manière importante à encourager le déploiement et le développement de technologies de charbon propre innovantes, en particulier grâce au renforcement des droits de propriété intellectuelle. Les technologies qui apparaissent grâce aux partenariats évoqués plus haut pourraient être responsables un jour d’une grande part de la réduction des problèmes de pollution dus à la production d’énergie à partir du charbon.
La Chine récipiendaire de prix pour l’innovation dans le domaine de l’énergie durable |
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En Chine, de nombreux inventeurs et innovateurs travaillant seuls ou avec une petite équipe déposent des brevets pour des produits environnementaux tels que des poêles à biomasse. Trois de ces inventeurs viennent de se voir décerner le Prix Ashden pour l’énergie durable, une distinction britannique qui récompense les inventions de particuliers ou d’institutions contribuant à la réduction des gaz à effet de serre. En 2006, l’un de ces prix avait été remis à la Shaanxi Mothers Environmental Protection Volunteer Association, un groupe qui avait inventé un poêle à biogaz pour la cuisson et l’éclairage utilisant des déchets porcins et humains comme combustible. Sous la direction de Wang Mingying, ce groupe avait été créé en 1997 par la Fédération des femmes de Shaanxi. Le poêle, dont la mise au point avait été confiée à M. Qiu Ling, professeur à la Northwest Forest and Agriculture University, s’est vendu à 1294 exemplaires depuis 1999. D’autres prix Ashden ont été remis à des inventions chinoises, notamment en 2007, pour un poêle à déchets agricoles et au bois mis au point par PanShijiao. Les recherches avaient débuté en 2000, et la commercialisation est assurée par une société établie en 2005, la Beijing Shenzhou Daxu Bio‑energy Technology Company Ltd. Un autre prix a été remporté en 2008, pour un système solaire conçu par le Projet de développement de l’énergie renouvelable (REDP), dirigé par Luo Xinlian et Wang Wei. Établi en 2001, le REDP visait à installer des systèmes solaires autonomes pour produire de l’électricité dans des régions peu peuplées de l’Ouest et du Nord‑Ouest de la Chine, dont la plupart des habitants vivent de l’élevage. Ce projet, qui est une collaboration d’un organisme de planification d’État, la National Development and Reform Commission, et de la Banque mondiale, a permis d’installer 400 000 systèmes solaires entre 2004 et 2008, dont un grand nombre ont été subventionnés par un programme du REDP. |
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