Piratage – La Commission du droit d’auteur du Nigéria
STRAP et CLAMP – deux termes anglais qui, une fois traduits par “cravache” et “étau”, évoquent fortement des images d’intervention policière et de sanctions. Rien de plus normal, puisque ce sont les acronymes des initiatives de lutte contre le piratage de la Commission du droit d’auteur du Nigéria (NCC) : la Strategic Action Against Piracy, lancée en 2005, et son organe de règlement extrajudiciaire des litiges, le Copyright Litigation and Mediation Programme, qui l’a suivie un an plus tard. Dans sa guerre contre les pirates, le NCC s’est mis en mode d’attaque et obtient des résultats concrets.
La dynamique du piratage au Nigéria
Il y a dix ans le marché nigérian des CD était à peu près inexistant. La musique populaire locale était publiée sur cassette, et les contenus étrangers sur disque compact, ce qui les rendait inaccessibles à la majorité. Alors qu’il n’y avait à l’époque qu’une ou deux usines de CD, elles sont aujourd’hui au nombre de 15, avec un réseau de distribution confus qui ne réussit pas à faire face à la demande. Les 100 000 disques licites produits chaque jour sont vite absorbés par une population de plus de 140 millions de personnes, ce qui laisse beaucoup de place pour les pirates. Il y a donc un manque d’installations de production légales, susceptibles de fournir à la population des produits licites à bon prix.
La lutte contre le piratage est compliquée par l’étendue du territoire et l’absence d’organisation du marché intérieur, mais ce ne sont pas là les seuls problèmes :
- des différends frontaliers opposent le Nigéria à ses quatre voisins : le Bénin, le Cameroun, le Niger et le Tchad;
- les ressources étant limitées, elles doivent être utilisées d’une manière efficace et leurs interventions sur le terrain sont nécessairement ciblées;
- la population ne connaît pas les lois et règlements sur la propriété intellectuelle.
La législation du Nigéria prévoit que la NCC est responsable de l’administration, de la réglementation et de l’application du droit d’auteur dans le pays. Voilà qui n’est pas une mince entreprise, car l’organisme doit changer graduellement des attitudes profondément ancrées, depuis la jeunesse, dans la population, y compris chez les responsables politiques eux‑mêmes. Comment faire lorsque l’on doit en même temps renforcer les capacités dans toutes les institutions gouvernementales, notamment en ce qui concerne la répression des infractions? La mise en œuvre de l’initiative STRAP de lutte contre le piratage s’articule autour de trois plateformes stratégiques : information et éducation du public, répression des infractions et administration des droits.
La stratégie
La stratégie d’information vise à faire connaître aux parties prenantes leurs droits de propriété intellectuelle et à leur apprendre à les défendre, à favoriser le respect de la propriété intellectuelle chez les utilisateurs et à encourager la créativité. La répression des infractions, qui découle des plaintes des titulaires de droits, comprend la saisie des contrefaçons et l’engagement des poursuites contre les présumés contrefacteurs. L’administration des droits recouvre la gestion collective, la notification et la gestion des droits de propriété intellectuelle, ainsi que la surveillance des usines, afin de s’assurer qu’elles produisent conformément à la loi. L’action de la STRAP s’étend à tous les aspects du droit d’auteur, du cinéma à la musique et des logiciels aux livres et aux émissions radiodiffusées.
Au cours de sa première année d’opération, la branche de répression des infractions de la STRAP a arrêté un certain nombre de contrefacteurs qui ont prétendu ne pas savoir qu’ils avaient besoin d’une autorisation pour reproduire des contenus ou qu’ils ne savaient pas où ni comment s’en procurer une; ils plaidaient donc l’ignorance pour expliquer pourquoi ils opéraient en marge de la loi. Parallèlement, un grand nombre de petits titulaires de droits n’avaient pas les moyens d’engager des poursuites contre ces contrefacteurs. C’est ainsi que le programme CLAMP, qui fait partie intégrante de la STRAP, a été créé afin de donner aux petits titulaires de droits la possibilité de négocier des règlements extrajudiciaires et des concessions de licence avec les contrefacteurs. Après un an, les médiateurs du CLAMP ont à leur actif onze règlements extrajudiciaires.
Bilan des premières années
De mai 2005 à mai 2007, la STRAP s’est déplacée à travers tout le pays afin de procéder à l’inspection d’usines et de points de vente de disques compacts ainsi que d’installations de production et de maisons de location de disques optiques et vidéo. Elle a en outre mené plus de 115 opérations contre des contrefacteurs de livres, de musique, de films, de logiciels et d’émissions. Voici son bilan :
- 373 suspects arrêtés;
- 8 346 815 œuvres pirates saisies;
- 15 procédures engagées pour atteinte au droit d’auteur, dont quatre, jusqu’à présent, ont mené à des condamnations : deux par la Haute cour fédérale de Maiduguri pour contrefaçon de livres et deux par la Haute cour fédérale de Calabar pour piratage d’émissions radiodiffusées;
- pour 1 263 000 000 de nairas nigérians (10 710 000 de dollars É.‑U.), au prix du marché, de contrefaçons détruites publiquement (par le feu);
- 15 usines de disques optiques soumises au nouveau Règlement sur les usines de disques optiques, entré en vigueur en décembre 2006.
La STRAP attribue une immense part de son succès à la coopération des divers organes d’application des droits concernés, dont notamment les services de police et de douane, l’Organisation de normalisation du Nigéria, la NAFDAC (organisme national pour l’administration et le contrôle des aliments et médicaments) et la Commission des crimes économiques et financiers ainsi que les acteurs industriels.
Sensibilisation : juristes, enseignants, enfants
La Commission sur le droit d’auteur ayant relevé un sérieux manque de connaissances en matière de propriété intellectuelle au Nigéria, la STRAP a été chargée de créer un point de formation pour les juristes, ce qu’elle a fait avec l’aide de l’Académie de l’OMPI. Après avoir formé, dans un premier temps, les formateurs, ce programme a été étendu aux juristes en propriété intellectuelle et permet maintenant d’offrir une assistance à d’autres pays africains en organisant des visites d’études à leur intention. La STRAP a élaboré son propre matériel de formation, afin de pouvoir enseigner la propriété intellectuelle dans une perspective locale, sur la base d’exemples et d’études de cas propres au pays.
La STRAP a également créé des Clubs du droit d’auteur dans les écoles, afin de sensibiliser les jeunes. Dix établissements participent actuellement au programme, dont deux sur le territoire de la capitale fédérale et huit dans le sud‑ouest du Nigéria. Les élèves y reçoivent régulièrement, sous forme de formules concises, des informations sur le droit d’auteur et les dangers de la contrefaçon. Le principal objectif de cette initiative est toutefois d’encourager les jeunes à être créatifs et sensibles aux idéaux du droit d’auteur et de la propriété intellectuelle.
Appel à la collaboration
La NCC a réalisé, en collaboration avec la fondation Ford, une enquête intitulée Survey of Copyright Piracy in Nigeria, d’où il ressort que 58% des œuvres protégées par le droit d’auteur sont piratées au Nigéria. Ce piètre résultat, malgré les efforts et les succès obtenus par la STRAP, est expliqué par la pauvreté, le coût élevé des originaux, le caractère très lucratif de cette activité et l’insuffisance des moyens de lutte mis en place.
L’enquête avait été commandée par M. Adebambo Adewopo, directeur général de la NCC, dans le but de constituer une base d’information et de statistiques pour l’initiative de la STRAP. M. Adewopo s’est dit surpris par “le degré d’ignorance du système du droit d’auteur démontré par les titulaires de droits, les organes de répression et d’autres agents de l’État considérés, jusque‑là, comme étant suffisamment informés”. Il a observé que ce constat “démontre que la commission doit intensifier son programme d’information du public et d’éducation des titulaires de droits, de manière à ce que les parties prenantes soient sensibilisées à l’existence de leurs droits et aux méthodes permettant de faire face adéquatement au phénomène du piratage des œuvres protégées par le droit d’auteur.”
M. Adewopo a profité de la publication des résultats de cette enquête, le 28 août dernier, pour appeler les parties prenantes à collaborer à l’initiative de la STRAP. Il a donné acte du fait que la NCC a besoin de ressources supplémentaires pour administrer et faire connaître et respecter le droit d’auteur, en soulignant toutefois que la solution de la lutte contre le piratage réside dans la collaboration de la communauté.
D’banj, vedette du R’n’B et du hip‑hop et ambassadeur de la STRAP |
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D’banj a eu 28 ans le 9 juin. Et ce jour‑là, une chose le préoccupait : le piratage. Koko Master – c’est le surnom que lui ont donné ses admirateurs – a donc décidé de faire un tour à la Commission du droit d’auteur du Nigéria. C’était une drôle de manière de fêter un anniversaire, mais après avoir remporté plusieurs prix et fait sa place sur la scène internationale, le chanteur, compositeur et harmoniciste nigérian en avait appris plus qu’assez sur la contrefaçon pour avoir envie d’aider à y remédier. “J’ai vu ce que la NCC a fait pour d’autres artistes, et cela m’a encouragé à venir ici, pour apporter mon soutien au programme STRAP, a‑t‑il déclaré. Le piratage est une plaie pour l’industrie du divertissement. Il faut mettre en place des stratégies adéquates, pour que les artistes puissent bénéficier de la vente de leurs disques. Dans les autres pays, les artistes gagnent de l’argent avec les redevances. Mais ici, au Nigéria, nous sommes très peu nombreux à recevoir la part qui nous est due.” D’banj veut collaborer avec la NCC afin de trouver une solution au problème. D’banj a étudié le génie mécanique à l’université. Il a obtenu le prix du meilleur artiste africain aux MTV Europe Music Awards en 2007, le prix de la révélation hip hop aux Hip Hop World Awards en 2006, le prix de l’artiste masculin le plus prometteur aux KORA All African Awards en 2005, pour n’en citer que quelques‑uns. Il a récemment signé avec le chanteur, compositeur et producteur de disques R’n’B et hip‑hop américain d’origine sénégalaise Akon. |
Par Sylvie Castonguay, La rédaction, Magazine de l'OMPI, Division des communications et de la sensibilisation du public.
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