Courrier des lecteurs
La protection des parfums par le droit français de la propriété intellectuelle menacée!
Photo Lancôme
Suite à l’article “ Le droit d’auteur au tribunal : Parfum ou forme d’expression artistique?” et à deux décisions rendues récemment en France sur la question, nous faisons ci‑après le point de la situation.
Depuis une décision rendue le 15 février 2008 par le Tribunal correctionnel de Paris, tous les regards du milieu français de la propriété intellectuelle sont tournés vers les parfums. Les sociétés Kenzo Parfums, Lancôme, L’Oréal, Christian Dior Parfums, Yves Saint‑Laurent Parfums et plusieurs autres avaient en effet engagé des actions en contrefaçon de marque contre un certain nombre de personnes physiques pour avoir proposé à la vente des fragrances présentées comme des équivalents aux parfums de ces sociétés. Ces produits étaient commercialisés sous des arguments tels que “Si vous aimez le parfum X, vous aimerez mon parfum Y” ou “Demandez le tableau de concordance de nos parfums et des parfums connus”. Or, le Tribunal correction de Paris a considéré que la seule référence à des parfums connus était insuffisante à caractériser la matérialité du délit de contrefaçon de marque.
Cette décision est totalement en contradiction avec le Code français de la propriété intellectuelle, lequel interdit, sauf autorisation du propriétaire, la reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque, même avec l’adjonction de mots tels que : “formule, façon, système, imitation, genre, méthode”. Elle va également à l’encontre de la jurisprudence établie, qui rejette les pratiques de concordance. Nous espérons par conséquent qu’elle sera la seule de ce genre et que le recours formé par les demandeurs leur sera favorable.
La question de la protection des parfums par la législation française sur le droit d’auteur est elle aussi, une fois de plus, un objet de débat. Dans un arrêt rendu le 13 juin 2006, la Cour de cassation française avait considéré que le créateur d’un parfum ne pouvait pas bénéficier d’une rémunération au sens de la loi sur le droit d’auteur. Les tribunaux français s’étaient ensuite montrés indécis en ce qui concerne l’extension du droit d’auteur aux parfums. Mais le 1er juillet 2008, la Haute Cour a réitéré son ancienne position, en statuant que la fragrance d’un parfum, qui procède de la simple mise en œuvre d’un savoir‑faire, ne constitue pas la création d’une forme d’expression pouvant bénéficier de la protection du droit d’auteur.
Le fait d’exclure les parfums de la protection du droit d’auteur crée des risques importants en ce qui concerne la défense des droits qui s’y attachent. Et il est en outre très difficile de défendre les fragrances par le droit des marques, de sorte que les risques de contrefaçon se trouvent accrus, surtout si les pratiques de concordance sont autorisées dans la foulée de la décision ci‑dessus. Espérons que les autres outils juridiques du droit français, tels que la concurrence déloyale et la protection spécifique des marques notoires, continueront d’être applicables.
Franck Soutoul et Jean‑Philippe Bresson, mandataires européens en marques, INLEX IP Expertise, et reporters pour IP TALK, France.
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Protéger la marque NERICA®
Photo: Africa Rice Center (WARDA)
Je vous écris au sujet de votre merveilleux article sur le NERICA®, un produit issu des recherches de l’Association pour le développement de la riziculture en Afrique de l’Ouest (ADRAO), pour souligner un détail qui, malgré sa petitesse, pourrait être important. Je voulais vous signaler que le mot NERICA® fait l’objet d’un enregistrement de marque aux États‑Unis d’Amérique. Nous conseillons l’ADRAO en matière de gestion de la propriété intellectuelle et d’utilisation de cette dernière pour encourager l’adoption des variétés de riz NERICA® et l’introduction de systèmes de contrôle de la qualité dans la chaîne de distribution de semences de NERICA®. C’est à ce titre que je voudrais vous demander de préciser que NERICA® est une marque enregistrée, car il est important que l’ADRAO protège sa marque afin que les agriculteurs, dont les ressources sont limitées, sachent que le riz qu’ils plantent est bien de l’authentique NERICA®.
Je serais heureuse de vous parler des autres travaux de recherche entrepris par le Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (GCRAI) sur les incidences des changements climatiques pour les agriculteurs pauvres des pays en développement.
Victoria Henson‑Apollonio, PhD, spécialiste scientifique principal et directeur de projet, Service consultatif central sur la propriété intellectuelle, unité du Bureau du système du GCRAI en Italie.
Réponse de la rédaction :
Le Magazine de l’OMPI a bien mentionné que “la marque Nerica a été enregistrée auprès de l’USPTO en 2004”. En ce qui concerne l’utilisation du symbole ®, l’article du Magazine intitulé “ Utilisation des marques : bien comprendre les principes de base” précise ce qui suit : “Il n’est pas obligatoire d’utiliser le symbole ® puisque celui ci n’offre aucune protection juridique. Il sert à indiquer au public que la marque est enregistrée et peut donc les dissuader d’utiliser celle‑ci de façon illicite. Si l’on a recours à la mention de réserve, elle doit figurer dans la première utilisation de la marque, la plus importante, dans une annonce publicitaire ou sur une étiquette. Il n’est pas nécessaire de faire figurer la mention chaque fois que l’on cite la marque. (…) Lorsque vous citez une marque dans un document imprimé, faites toujours ressortir la marque en utilisant des lettres majuscules, des caractères gras, de la couleur, des italiques, le soulignement ou des guillemets. Ainsi, il y a moins de risques que la marque soit considérée comme un terme générique.”
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