Négociations sur la propriété intellectuelle et le changement climatique: de Bali à Copenhague via Poznań
Pour trouver une réponse mondiale au défi posé par les changements climatiques, il faut se lancer dans un tour du monde virtuel. Ce voyage débute à Rio de Janeiro, en 1992, avec l’adoption de la convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques (la CCNUCC ou la “convention-cadre”). Cette convention sert toujours de référence en ce qui concerne les objectifs primordiaux et le fondement constitutionnel des efforts déployés au niveau international pour lutter contre le changement climatique.
En 1997, la conférence sur les changements climatiques a vu l’adoption du Protocole de Kyoto, qui est entré en vigueur en 2005 et qui comporte des engagements à tenir d’ici à 2012. Actuellement, la communauté internationale œuvre pour un accord mondial destiné à succéder au Protocole de Kyoto. La session de négociations actuelle a commencé en décembre 2007 avec la conférence de Bali, au cours de laquelle un ensemble complet de décisions, énoncé dans la feuille de route de Bali, a été adopté. Cette dernière comprend le Plan d’action de Bali, un programme ambitieux de travaux multilatéraux dont l’objectif est de relever les défis posés par les changements climatiques et qui a été à l’origine d’une série intensive de négociations ayant donné lieu à la conférence prévue à Copenhague en décembre de cette année.
Le mois de décembre 2008 a marqué le mi-parcours menant de Bali à Copenhague, avec la tenue à Poznań (Pologne) de la conférence sur les changements climatiques, qui a permis de faire le bilan des progrès accomplis.
Photos: Omar Torres/AFP, Patrick Rowe/NSF, Photos.com, Liz Roll/FEMA
Importance croissante accordée à la technologie et à la propriété intellectuelle
À la conférence de Poznań, l’attention s’est davantage portée sur le rôle de la technologie et les débats ont porté sur le rôle et les répercussions possibles du système de propriété intellectuelle en rapport avec la promotion du développement des technologies et sur la mise à profit de l’accès à la technologie. Cette dernière est la principale cause des changements climatiques dus à des facteurs anthropiques (autrement dit, dus à l’activité humaine), qui vont des industries alimentées au charbon de la révolution industrielle à la dépendance exagérée de notre société actuelle aux hydrocarbures. Cela n’empêche pas la communauté internationale de l’envisager comme une source vitale de solutions possibles aux changements climatiques – qu’il s’agisse des technologies susceptibles d’atténuer ou de réduire les émissions de gaz à effet de serre ou des technologies permettant aux communautés de s’adapter aux modifications environnementales induites par les changements climatiques. Bien que la mise à disposition des nouvelles technologies ne représente pas une solution en soi, nul doute qu’elle sera déterminante pour provoquer une réaction mondiale efficace au changement climatique. Un consensus international sur le développement et le transfert de technologie sera probablement une composante importante pour tout accord multilatéral.
La question du transfert de technologie sans incidence sur le climat figure à l’ordre du jour depuis la Conférence de Rio et la Convention-cadre de 1992 insiste sur le rôle clé du transfert de technologie et de la mise au point de technologies endogènes. Plus récemment, le Plan d’action de Bali a prôné le renforcement des mesures relatives au développement et au transfert de technologie afin de soutenir les mesures d’atténuation et d’adaptation. Ces mesures renforcées consisteraient :
- à supprimer des obstacles et à créer des mesures incitatives en vue de promouvoir l’accès à des technologies abordables et respectueuses de l’environnement;
- à accélérer le déploiement, la diffusion et le transfert de ces technologies;
- à mettre en œuvre une coopération concernant la recherche-développement en matière de technologies nouvelles et innovantes et à examiner l’efficacité des mécanismes et des instruments de coopération technologique.
La question de savoir comment mettre en œuvre ces trois objectifs fait l’objet d’un débat approfondi qui cherche notamment à déterminer quelles nouvelles façons d’utiliser le système de propriété intellectuelle ou quelles réformes dudit système seraient à même d’assurer un développement et une diffusion efficaces des technologies nécessaires. À ce débat de politique générale, s’ajoutent plusieurs initiatives pratiques visant à promouvoir l’innovation et à tirer parti du transfert de technologie à des fins écologiques. (voir l'article intitulé "Partager les technologies pour relever un défi commun").
Le débat sur le transfert de technologie et le rôle de la propriété intellectuelle s’est poursuivi à la Conférence de Poznań. Certains participants ont demandé des réformes ou d’autres mesures de façon que le système de propriété intellectuelle encourage un transfert de technologie respectueux de l’environnement et ne présente pas d’obstacles. D’autres participants ont insisté pour que le système actuel de propriété intellectuelle joue un rôle charnière pour le développement et la diffusion efficace des nouvelles technologies nécessaires pour répondre aux changements climatiques. Bien que ces questions, qui continuent de susciter des débats, ne soient toujours pas résolues, la conférence a favorablement accueilli l’adoption du programme stratégique de Poznań sur le transfert de technologie. Cette initiative s’inscrit dans la continuité des activités menées en matière de transfert de technologie par le Fonds pour l’environnement mondial (FEM), qui est le mécanisme financier chargé, entre autres missions, de mettre en œuvre la convention-cadre – autrement dit, le mécanisme central de financement du transfert de technologies écologiques dans le cadre de la convention. Le FEM a financé bon nombre de programmes importants de transfert de technologie.
Une réunion parallèle met en évidence certains aspects pratiques
Un compte rendu de ces travaux a été présenté à Poznań à l’occasion d’une manifestation parallèle intitulée “Technology transfer, the IP system and climate change – challenges and options”. Parmi les participants, on relevait l’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (ONUDI), le Département des affaires économiques et sociales des Nations Unies et l’OMPI. Cette réunion parallèle a permis d’illustrer l’importance des travaux pratiques qui sont actuellement menés afin de faire avancer le transfert et la diffusion des technologies écologiques, de se pencher sur les problèmes concernant l’utilisation efficace de la propriété intellectuelle et le rôle des régulateurs dans la préservation de l’intérêt général et de mettre en évidence la nécessité et les occasions d’utiliser de manière plus efficace les informations relatives aux brevets afin de faire connaître et de contrôler l’innovation verte. Les participants ont souligné que le débat devait être davantage alimenté en données empiriques. Ils ont estimé que la clarification des besoins technologiques des pays en développement était d’une importance cruciale pour recentrer le débat et concentrer les efforts sur les initiatives pratiques. Le FEM soutient déjà le processus d’évaluation des besoins dans de nombreux pays.
L’OMPI a présenté un exposé axé sur l’utilisation par les décideurs des informations en matière de brevets, notamment le portail PATENTSCOPE®, comme outil dans le domaine du changement climatique. L’exposé comprenait également une communication, établie en tant que documentation de référence pour les responsables politiques et les négociateurs, énonçant les questions importantes qui font le lien entre le changement climatique et le système de propriété intellectuelle. Dans ce document, il est expliqué que la logique essentielle du système de brevets est souvent présentée comme un “bilan” portant sur un grand nombre de questions, y compris les questions antérieures à la délivrance du brevet (pour quel type de technologies les offices devraient-ils délivrer des brevets et quelles inventions revendiquées devraient être exclus de la protection) et les questions postérieures à la délivrance du brevet (quelles formes d’octroi de licences et autres types d’accès à la technologie devraient être encouragés; quelles mesures faut-il prendre pour contrôler et réguler l’utilisation réelle des droits de brevet dans le marché; et quelles formes d’intervention peuvent s’imposer).
Cet exposé a souligné qu’un grand nombre de technologies pouvaient présenter un intérêt aux fins de l’adaptation au changement climatique et de son atténuation. Il y a été indiqué qu’il serait difficile de répondre aux questions postérieures à la délivrance du brevet – qu’elles concernent les aspects juridiques, les aspects relatifs à la politique générale, les aspects d’ordre pratique ou le développement de l’évaluation des besoins – sans disposer d’une compréhension plus solide de la situation actuelle, notamment du champ d’application des brevets liés aux technologies pertinentes, et des tendances actuelles et émergeantes en matière de développement et de diffusion des technologies essentielles. L’information en matière de brevets, comme instrument de politique générale, peut contribuer de façon significative à cette compréhension. Elle dévoile les tendances historiques, actuelles et émergeantes dans les technologies pertinentes, y compris la comparaison des activités du secteur public et du secteur privé; les tendances émergentes en matière d’innovation dans les pays en développement; les contributions relatives des protagonistes et des nouveaux acteurs; les profils de recherche changeants des géants énergétiques; et la mesure des réponses apportées par les innovateurs et les investisseurs aux signes annonçant l’émergence de l’économie à faible émission de carbone.
Les systèmes d’information en matière de brevets offrent un moyen de suivre les marchés porteurs. Étant donné que ces systèmes publient des informations relatives aux nouvelles technologies peu après la mise en vigueur de ces dernières, ils peuvent aussi fonctionner comme une sorte de système d’alerte rapide qui divulgue au public les nouvelles technologies potentiellement perturbatrices à un stade précoce de leur développement.
Antony Taubman, OMPI, Division des questions mondiales de propriété intellectuelle
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