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Énergies vertes : Voitures électriques à pile à combustible

Mars 2009

Il y a plus de 200 ans, en 1806, l’ingénieur suisse François Isaac de Rivaz inventait un moteur à combustion interne utilisant comme combustible un mélange d’hydrogène et d’oxygène. Mais la voiture que ce moteur devait propulser fut un échec. Les premières voitures électriques ont été inventées à peu près 25 ans plus tard, bien avant l’époque de MM. Daimler, inventeur du moteur à essence moderne en 1885, et Benz, titulaire du brevet DRP 37435 pour une voiture à essence en 1886.

Au tournant du XXe siècle, les voitures électriques rencontraient un plus grand succès que les modèles à essence, souvent pour les mêmes raisons qui poussent les consommateurs d’aujourd’hui à s’intéresser à nouveau aux voitures électriques : elles ne rejetaient pas de gaz toxiques, elles étaient silencieuses et plus faciles à conduire. Comment, dans ces conditions, les voitures à essence plus polluantes ont-elles pu conquérir le marché? Plusieurs facteurs sont intervenus.

Henry Ford, de bonnes routes, de l’essence bon marché

"Je vais construire une voiture pour les masses", a déclaré Henry Ford en 1903. C’est bien ce qu’il a fait : le modèle T, doté d’un moteur à combustion interne fonctionnant à l’essence, a été mis sur le marché en 1908, au prix de 950 dollars. Pendant les 19 années au cours desquelles il a été produit, son prix est descendu jusqu’à 280 dollars. Aucune autre voiture ne pouvait lui faire concurrence, à commencer par les voitures électriques, qui, au plus fort de leur succès, en 1912, se vendaient en moyenne 1 950 dollars. Elles étaient appelées à disparaître.

Les voitures électriques ont également perdu la partie à cause de leur faible autonomie. Au tournant du siècle, cela n’avait pas eu beaucoup d’importance, car les seules routes utilisables se trouvaient dans les villes. Mais après la Première Guerre mondiale, les pays ont commencé à construire des routes nationales et d’autres routes reliant leurs villes entre elles. Et les propriétaires de voitures n’ont pas tardé à vouloir s’aventurer à des distances que les voitures électriques ne leur permettaient pas de couvrir.

La découverte de ressources pétrolières abondantes a fait baisser le prix de l’essence, rendant celle-ci plus abordable. Mais les voitures électriques n’ont pas disparu, non plus que l’utilisation de l’hydrogène comme combustible. Elles ont simplement disparu de la conscience collective jusqu’à ce que la crise pétrolière et les préoccupations environnementales des années 70 les remettent en selle.

Énergie non polluante

Aujourd’hui, il est facile de convertir un moteur à combustion interne pour le faire tourner avec différents combustibles, dont l’hydrogène. Or, les piles à combustible utilisant l’hydrogène pour propulser des voitures à moteur électrique ont un rendement deux à trois fois supérieur à celui des moteurs à combustion interne à essence. Qui plus est, elles ne rejettent aucun produit toxique et, ayant peu de pièces mobiles, elles sont silencieuses et ne produisent aucune vibration.

L’hydrogène est l’un des éléments les plus abondants de l’univers. Il peut être extrait du gaz naturel, de la houille, du pétrole brut, etc., mais l’eau est la seule source d’hydrogène non polluante. Les atomes d’hydrogène et d’oxygène présents dans l’eau peuvent être facilement et proprement dissociés par électrolyse, de préférence en utilisant de l’électricité obtenue de sources propres, telles que les panneaux solaires et les aérogénérateurs. L’hydrogène ainsi obtenu peut être comprimé pour être stocké et utilisé dans des piles à combustible.

C'est un physicien gallois, William Grove, qui a, en 1842, inventé la première pile à combustible simple utilisant l'hydrogène. Il a recombiné l'hydrogène et l'oxygène – opération inverse de l’électrolyse – pour produire de l'électricité, l'eau pure étant le seul sous-produit.

 

Francis Bacon, ingénieur chimiste à l’Université de Cambridge, au Royaume-Uni, dont la lecture des rapports que Grove avait publiés une centaine d’années plus tôt avait piqué l’intérêt, a fait faire des progrès spectaculaires à cette technologie dans les années 50. La société Pratt & Whitney a produit sous licence les piles à combustible brevetées de Bacon dans les années 60 et a amélioré la technologie au nom de la NASA : la même pile à combustible pouvait fournir l’électricité, le chauffage et l’eau potable aux équipages embarqués à bord des vaisseaux spatiaux. Les missions Apollo, Gemini et toutes les missions ultérieures de la NASA, y compris celles de la navette spatiale, ont utilisé des piles à combustible. La technologie de Grove était parvenue à maturité.

 

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Ballard a déposé plus de 200 demandes internationales de brevet liés à la technologie de la pile à combustible depuis que la société a commencé de recourir au PCT, en 1991.  (Photo Ballard Power Systems)

Les modèles de gestion d’un certain nombre de sociétés fondées après la crise pétrolière des années 70 misaient sur la pile à combustible en tant que source non polluante d’énergie renouvelable, en fondant leurs recherches sur le rapport de Grove et les informations en matières de brevets de Bacon. Les recherches actuelles portent sur bien des types de piles à combustible, comme en témoignent les centaines de demandes internationales de brevet déposées ces dernières années selon le Traité de coopération en matière de brevets (PCT) au titre d’inventions liées aux piles à combustible.

Dans les années 90, une équipe de recherche de Ballard Power Systems au Canada a fait un grand pas en avant lorsqu’elle a découvert un moyen d’accroître la densité de puissance de l’hydrogène, qu’elle a fait passer en moyenne de 200 watts par litre à environ 1 500. La technologie de la pile à combustible à membrane échangeuse de protons (MEP) de Ballard permet à une voiture équipée d’un moteur de dimensions analogues à celui d’une voiture à essence d’égaler les performances de celle-ci, en atteignant une vitesse de 100 km/h en 15 secondes et des pointes de vitesse voisines de 150 km/h. La technologie est également utilisable dans les locaux à usage d’habitation – électricité et chauffage – ou comme source d’alimentation de secours.

Et la sécurité ?

La seule mention de l’hydrogène fait penser à bien des gens à la catastrophe survenue en 1937 au Hindenburg, ce zeppelin rempli d’hydrogène qui a pris feu et tué les 35 personnes qui y avaient pris place. En fait, de nombreuses études, telles que celles qu’Addison Bain, ingénieur de la NASA à la retraite, a réalisées en 1997, ont abouti à la conclusion que l’hydrogène n’a été pour rien dans le déclenchement de l’incendie. C’est l’extrême inflammabilité de la couche protectrice en aluminium du revêtement du dirigeable qui a causé la catastrophe, et non le gaz qui se trouvait à l’intérieur.

L’hydrogène est hautement inflammable, mais l’essence l’est aussi. De plus, l’hydrogène n’est pas explosif par lui-même : en l’absence de source d’inflammation, l’hydrogène a très peu de chances de s’enflammer à l’air libre. Alors que l’essence s’enflamme spontanément à une température comprise entre 228 et 501 °C, la température d’auto-inflammation de l’hydrogène est de 550 °C. En principe, pour qu’il y ait explosion, il faudrait d’abord que l’hydrogène s’accumule dans un espace clos et atteigne un taux de concentration dans l’air de 4% et ensuite qu’une source d’inflammation soit activée. Avec des systèmes de sécurité adéquats, cela a fort peu de chance de se produire. De plus, l’hydrogène étant plus léger que l’air, il se dissipe rapidement et le risque d’un incendie ou d’une explosion d’hydrogène dans un espace ouvert est nettement plus faible que pour l’essence.

Source www.fuelcellmarkets.com

 

Le plein d’hydrogène comprimé, s’il vous plaît

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Honda présente le véhicule conceptuel FCX, voiture électrique à pile à combustible de la prochaine génération entièrement fonctionnelle. Honda a déposé plus de 40 demandes de brevet PCT ayant trait aux piles à combustible. (Photo Honda)

DaimlerChrysler, Ford, Honda, General Motors, Mazda : tous ces gros constructeurs automobiles ont mis au point des voitures conceptuelles à pile à combustible, dont certaines ont été livrées à des clients pour essais. En 2003, une équipe de DaimlerChrysler a traversé les États-Unis en 12 jours avec la pile à combustible NECAR 5, atteignant la vitesse record de 160 km/h et prouvant que les voitures à pile à combustible pouvaient tenir la distance. Au début de 2006, Mazda a commencé de louer des RX-8 à pile à combustible à des clients commerciaux au Japon, devenant ainsi le premier constructeur à mettre un véhicule à hydrogène entre les mains de ses clients.

À l’heure actuelle, le ravitaillement en combustible reste un problème pour les clients, à moins qu’ils ne vivent en Californie, qui a prévu de construire entre 150 et 200 stations de ravitaillement en hydrogène d’ici à 2010. Un certain nombre de constructeurs envisagent de régler le problème en fournissant à leurs clients des systèmes de ravitaillement en hydrogène à installer chez eux. Honda vient de présenter un système individuel de troisième génération mis au point avec la société américaine de fabrication de piles à combustible Plug Power, Inc. Et GM, dont le vice-président Bob Lutz est convaincu que les piles à combustible pourraient faire entrer la compagnie dans une nouvelle ère de prospérité, prévoit de sortir en 2011 un modèle individuel pouvant fabriquer de l’hydrogène à partir soit de l’électricité, soit de la lumière du soleil. En 2007, GM s'est proposé de faire essayer aux consommateurs 100 SUV Chevrolet Equinox à pile à combustible. 

La beauté est dans la forme

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La moto ENV : silencieuse et élégante (Photo : Intelligent Energy Ltd.)

 

La voiture de François Isaac de Rivaz a été un échec en raison de ses erreurs de conception. Mais un coup d’œil aux véhicules à pile à combustible présentés ici suffit à montrer que les constructeurs ont parfaitement compris l’importance stratégique d’une conception de qualité. Ils peuvent se faire apprécier des consommateurs pour leur respect de l’environnement, mais c’est par la qualité de la conception qu’ils feront aimer leurs modèles.

La moto ENV conçue par Intelligent Energy Ltd. a remporté une médaille d’or IDEA pour la conception en 2006 (voir le n° 5/2006 du Magazine de l’OMPI, L’actualité en bref). Entièrement élaborée pour démontrer l’utilisation des piles à combustible, elle est pratiquement silencieuse et peut rouler jusqu’à 80 km/h. Intelligent Energy prévoit de la proposer aux consommateurs au milieu de 2007 à un prix inférieur à 10 000 dollars. La société, qui a commencé à recourir au PCT en 2003, a déposé 10 demandes internationales de brevet publiées pour sa technologie des piles à combustible, notamment pour "Core", qui est la pile qui équipe la moto en question, et qui peut en être détachée pour alimenter un bateau ou une petite maison.

Maison à l’hydrogène solaire

 

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Mike Strizki, ingénieur à Renewable Energy International, Inc. et à Advanced Solar Products, Inc., a construit un système électrique non polluant pour sa maison, en utilisant 56 panneaux solaires et un électrolyseur pour extraire l’hydrogène de l’eau avant de le stocker dans des réservoirs installés sur sa propriété. Les panneaux solaires répondent à 160% des besoins de la maison en électricité pendant l’été et à 60% de ses besoins pendant l’hiver. La gestion de la consommation saisonnière de l’énergie lui permet de se constituer pendant l’été une réserve d’hydrogène suffisante pour l’hiver. Il dispose de suffisamment d’hydrogène pour alimenter des véhicules et des appareils ménagers, y compris pour faire la cuisine à l’hydrogène, pendant toute l’année. Il a plus d’énergie qui ne lui en faut pour alimenter sa baignoire, sa piscine, son téléviseur grand écran et ses voitures à pile à combustible.  (Photo : Renewable Energy International) 

 

 

Reprenons la route

Le gouvernement brésilien a annoncé que São Paulo, l’une des villes les plus polluées de la planète, qui a aussi le parc d’autobus le plus important du monde, a mis en service cinq autobus à pile à combustible en novembre 2007. Ce projet de 16 millions de dollars est financé par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), le Fonds pour l’environnement mondial (FEM) et l’Agence fédérale de financement d’études et de projets (FINEP).

Les objectifs du projet sont les suivants :  

  • mettre au point une solution permettant de supprimer totalement les émissions dans les transports en commun;
  • faire accepter la technologie des piles à combustible et de l’hydrogène, ce qui permettrait au Brésil d’acquérir une position importante en raison de son marché potentiel;
  • élever le niveau de connaissances et de compétences au Brésil en vue de créer un marché des technologies de l’hydrogène et des piles à combustible;
  • définir les spécifications brésiliennes concernant la sécurité et l’efficience de la production, de la manutention et des applications fixes et à l’automobile, afin de promouvoir une utilisation sûre et efficiente de l’hydrogène.

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Des autobus à pile à combustible au stade des essais à Perth, en Australie (Photo: Ballard Power Systems)

Santa Clara (États-Unis), Perth (Australie), Beijing (Chine) et 10 villes européenne procèdent à l’essai d’autobus à pile à combustible dans leurs systèmes de transports en commun. Jusqu’à présent, les résultats ont été positifs. Les trois autobus mis en service à Perth en septembre 2004 ont roulé plus de huit heures par jour et cinq jours par semaine. "Les voyageurs aiment vraiment beaucoup les nouveaux autobus à pile à combustible, dit le chauffeur Paul Wroblewski. Le bus fait tellement peu de bruit que j’ai pu entendre des discussions très animées sur la nouvelle technologie et la connaissance toute nouvelle qu’ils en ont."

Donc, tout va bien?

Pas tout à fait. L’hydrogène ne va pas sans inconvénients :

  • L’extraction de l’hydrogène de l’eau consomme beaucoup d’énergie.
  • L’hydrogène, qui est un gaz à la température ambiante, est difficile à stocker : il doit être fortement comprimé – ce qui nécessite des cuves de stockage résistant à la pression – ou liquéfié par refroidissement (hydrogène cryogénique).
  • La technologie des piles à combustible est relativement nouvelle et les cellules sont fragiles et coûteuses.

On s’emploie à mettre au point des piles à combustible moins coûteuses qui permettent d’obtenir des performances au moins égales pour les applications auxquelles elles sont destinées. Les chercheurs ont récemment annoncé une nouvelle méthode consistant à fabriquer directement de l’hydrogène à partir de la lumière du soleil et de l’eau en utilisant un catalyseur métallique, qui pourrait permettre une conversion directe économique de l’énergie solaire en hydrogène. Les scientifiques tentent également de résoudre les problèmes de stockage en étudiant les hydrures métalliques et les matériaux cristallins. Les hydrures métalliques, qui résultent de la combinaison d’hydrogène pur et d’un métal pur ou allié, permettent d’obtenir une densité de stockage de l’hydrogène plus élevée que la compression.

En un laps de temps relativement court, la recherche et l’ingéniosité humaine ont transformé une technologie moribonde en une possibilité de solution au problème de l’énergie renouvelable, en permettant de construire des véhicules non polluants et attrayants. Qui sait quelles autres informations précieuses n’attendent que d’être glanées dans des rapports scientifiques et documents de brevets jaunissants?

Sylvie Castonguay, La Rédaction, Magazine de l'OMPI, Division des communications 

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