Les Tweets et le droit d’auteur?
Consuelo Reinberg
Droit d’auteur et tweeting - le débat devait éclater. Répéter un message sur Twitter - un service de réseautage et de microblogage libre qui permet à ses utilisateurs d’envoyer ou de lire les mises au point d’autrui (appelées tweets) - peut-il être considéré comme une atteinte au droit d’auteur? Cet article, écrit par Consuelo Reinberg, éditrice de contenu, BP Council, a été publié pour la première fois dans une note du BP Council, 18 juin 2009.
Un débat sur le droit d’auteur qui se tramait déjà a carrément éclaté lorsque l’Association nationale de Basketball (NBA) a récemment infligé une amende de 25 000 dollars des États-Unis d’Amérique à Mark Cuban, le propriétaire des Dallas Mavericks, pour avoir tweeté durant une rencontre sur un arbitrage qu’il considérait comme mauvais. Ce qui a toutefois déclenché la publication d’un millier de blogs sur le tweeting et le droit d’auteur a été la republication par la chaîne de télévision ESPN de son Twitter - sans son autorisation - le provoquant plus encore et l’incitant à prendre part au débat. Ses tweets avaient-ils droit à une protection par le droit d’auteur? Peut-on protéger un tweet par le droit d’auteur? Réponse des experts juridiques à la première question : Pas question! et à la seconde : oubliez!
Au fur et à mesure qu’émergent de nouvelles technologies de communication, de nouvelles questions concernant l’atteinte au droit d’auteur le font également. Mais la protection d’un tweet par le droit d’auteur serait pour maintes raisons une revendication juridique difficile à faire et très difficile à appliquer. La plupart des tweets ne peuvent pas être protégés par le droit d’auteur à cause de leur taille, de leur contenu et des questions de scènes à faire.
Taille - D’après un affichage Internet sur blogherald.com par Jonathan Bailey, chaque fois qu’une nouvelle technique de la communication fait son apparition, elle change le panorama du droit d’auteur, et de nouvelles questions liées au droit d’auteur qui ne cadrent pas avec les normes existantes de propriété intellectuelle se posent. Avec Twitter, par exemple, s’il est vrai que ses modalités de service précisent que les tweeters ont la propriété de tout ce qu’ils affichent sur le service, il n’en reste pas moins que le maximum de 140 caractères pour un affichage Twitter ne permet pas d’atteindre le niveau de créativité requis pour être protégé par le droit d’auteur. Dans le même ordre d’idées, les titres ou phrases succinctes ne peuvent pas être protégés car leur longueur contribue au manque d’originalité comme le définit la loi sur le droit d’auteur.
Contenu - Dans son article “Twitterlogical, The Misunderstanding of Ownership”, le juriste Brock Shinen insiste sur un point saillant : les faits ne sont pas protégeables par le droit d’auteur. Et les faits sont ce dont traitent essentiellement les tweets - parler des conditions météorologiques, dire ce que l’on a mangé la veille au soir et se plaindre de la circulation le matin. Que l’on s’exprime ou non d’une manière amusante ou unique en son genre ne change absolument rien. Certes, il est possible de protéger une expression ou un fait particulier mais on ne peut pas empêcher autrui d’écrire sur le même fait.
Scènes à faire - D’après Clint Fabiosa et Ana Liza Villamor de IPROTECT, cette expression décrit une œuvre ou une partie d’une œuvre qui n’est pas protégée par le droit d’auteur car les éléments utilisés pour décrire une “scène” particulière sont indispensables, standard ou naturels - et cette scène ne peut être décrite d’une autre façon que par le biais de ces éléments. C’est ainsi par exemple que deux écrivains peuvent l’un et l’autre utiliser le mot "resplendissant" ou "ensoleillé" pour décrire un lever du soleil. Les Scènes à faire sont utilisées pour éliminer les similitudes qui ne peuvent pas être protégées entre deux œuvres pour ce qui est du caractère, du cadre ou du thème. Selon Shinen, lorsqu’il s’agit de tweeting, 100 tweeters vont immanquablement décrire une situation courante à l’aide d’expressions identiques ou similaires.
Le droit d’auteur est conféré à l’œuvre d’un véritable auteur - et non pas à des tweeters qui disent fondamentalement la même chose.
Un tweet peut-il faire un jour l’objet d’une protection par le droit d’auteur?
La plupart des experts conviennent que la réponse ne doit pas être une réponse du genre “tout ou rien” mais plutôt du genre “cela dépend”. La plupart des tweets ne passeraient certes pas le test du “critère de protection au titre du droit d’auteur”, mais quelques-uns pourraient bien répondre au degré minimum d’originalité exigée par la loi sur le droit d’auteur. Par exemple, dans une publication sur l’Internet par Michael F. Martin pour le blog broken symmetry, l’auteur déclare qu’un tweet reflétant un choix ou un aménagement de faits plutôt qu’un simple rapport pourrait faire l’objet d’un droit d’auteur. D’autres experts prétendent qu’une collection de tweets - pris dans leur ensemble - peut répondre aux critères de la protection par le droit d’auteur. Mais Shinen pose la question suivante : Même si l’on possède un tweet, qu’en faire?
Le droit d’auteur à l’ère du réseautage social
Le succès de sites de réseautage social comme MySpace et Facebook a mis en évidence de nouvelles questions de propriété intellectuelle. La capacité d’afficher - protégée probablement par un droit d’auteur - des bandes vidéo et audio ou d’incorporer des téléchargements font de ces sites des usines à plaintes pour atteinte au droit d’auteur. D’après l’article de Jonathan Bailey intitulé “Tweetbacks, Copyright and Scraping”, dans le cas de Twitter, les greffons qui cherchent Twitter pour les tweets retournant aux affiches sur un blog et exposant ces tweets sur le site en vertu de leurs entrées respectives, soulèvent la question suivante : Est-il légal de copier et de publier sans autorisation les tweets d’autrui tout simplement parce qu’ils ont un lien de retour avec votre site?
Une autre question, applicable aux blogs en général, est celle du raclage - la procédure de balayage d’un nombre élevé de blogs qui cherche et copie le contenu au moyen d’un logiciel automatique. Le raclage consiste à copier un blog dont n’est pas titulaire l’initiateur de la procédure et il est considéré comme une atteinte au droit d’auteur si le matériel est protégé par un tel droit à moins qu’il n’y ait une licence assouplissant le droit d’auteur.
Résultat : au fur et à mesure que les techniques de la communication évoluent, il faut que la loi sur le droit d’auteur le fasse également si l’on veut protéger les créateurs tout en respectant dans le même temps la liberté d’expression.
Twitter - Que faites-vous? |
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Twitter est un service de réseautage social qui permet à ses utilisateurs d’envoyer et de recevoir des messages appelés tweets au moyen du site Twitter ou un service de messages courts par portable (SMS). Les tweets, qui ne peuvent pas dépasser 140 caractères, apparaissent sur la page du profil de Twitter et sont envoyés aux “contacts” - ceux qui s’abonnent pour recevoir des messages de cette personne. Par défaut, Twitter permet à tous d’accéder librement à tous les messages mais leurs auteurs peuvent limiter la livraison à leurs amis. Les Tweeters n’ont pas de biographie; la seule chose qu’ils peuvent faire est de répondre à la question : “Que faites-vous?” Twitter a vu le jour en 2006 et sa popularité a explosé en 2007 - devenu à ce point branché qu’il est fréquemment tombé en panne à cause d’une surcharge du trafic. C’est le troisième service de réseautage social le plus grand et en expansion le plus rapide sur l’Internet. En février 2009, il a connu une croissance de 1382% contre 228% pour Facebook. Compete.com a estimé à 55 millions en février le nombre estimatif de visites mensuelles de Twitter. Mais, avec la flambée des factures de téléphone et de messages arrivant jour et nuit, les usagers risquent de se sentir un peu trop connectés. Nielsen Online prétend que Twitter ne conserve que 40% de ses usagers, lesquels abandonnent souvent le service après un mois. Twitter a été utilisé comme l’un des mécanismes de publicité pendant la campagne présidentielle américaine. Au nombre des célébrités qui s’en servent figurent Stephen Fry, Ashton Kutcher, Ellen DeGeneres et Britney Spears. |
Sylvie Castonguay, équipe de rédaction du Magazine de l’OMPI, Division des communications
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