Les défis de la propriété intellectuelle pour répondre aux besoins des personnes atteintes de déficience visuelle
Afin d’attirer l’attention sur la nécessité urgente de fournir aux personnes atteintes de déficience visuelle – y compris les aveugles et les personnes souffrant d’un handicap de lecture – la possibilité d’accéder rapidement aux contenus protégés par le droit d’auteur, l’OMPI a organisé une réunion sur le thème “Répondre aux besoins des personnes atteintes de déficience visuelle : quels défis pour la propriété intellectuelle?”, qui s’est tenue le 13 juillet, avant l’ouverture de la Conférence sur la propriété intellectuelle et les questions de politique publique. Le rôle que peut jouer le système de la propriété intellectuelle à cet égard a également été souligné.
Plus de 150 personnes représentant les États membres de l’OMPI, des organisations de personnes souffrant d’un handicap de lecture, des éditeurs et un consortium informatique ont participé à cette réunion. Les travaux ont porté sur les défis que soulève cette question à divers points de vue et établi les bases nécessaires pour que des entretiens constructifs et positifs puissent avoir lieu dans un proche avenir.
La situation actuelle
Selon l’Organisation mondiale de la santé, il y a dans le monde quelque 314 millions de personnes aveugles et atteintes de déficience visuelle, dont plus de 90% vivent dans des pays en développement.
En 2006, une étude publiée par l’OMPI révélait que seulement 57 de ses États membres, sur 184, s’étaient dotés dans leur législation sur le droit d’auteur de dispositions spécifiques en faveur des personnes atteintes de déficience visuelle. Cette étude constatait également un manque de clarté concernant la question de savoir si les droits de distribution permettaient la circulation d’exemplaires adaptés entre pays. De plus grandes quantités de contenus – tant analogiques que numériques – protégés par le droit d’auteur pourraient, à l’évidence, être mises à disposition dans des formats accessibles et diffusées dans une pluralité de pays afin de renforcer les possibilités d’alphabétisation, d’indépendance et de productivité des déficients visuels, et cela sans porter atteinte aux intérêts légitimes des titulaires de droits.
S’attaquer au problème
Au cours de la réunion, les États membres se sont déclarés résolus à poursuivre le débat sur la question, en particulier concernant l’échange international de contenus adaptés entre différents pays. M. Mario Matus, ambassadeur du Chili, a déclaré que les gouvernements peuvent et doivent jouer un rôle actif à cet égard. M. Babacar Carlos Mbaye, ambassadeur du Sénégal, a mis l’accent sur la nécessité d’une coopération internationale, rappelant aux parties prenantes que malgré la similarité des désavantages, les solutions n’étaient pas nécessairement les mêmes pour les personnes atteintes de déficience visuelle des pays les moins avancés, l’accès aux outils technologiques leur étant impossible. M. Douglas George (Canada) a souligné qu’il importait d’élaborer des solutions internationales et souples, et d’adopter une optique large et ouverte.
M. Chris Friend, de l’Union mondiale des aveugles, a fait valoir que les efforts actuels pourraient être complétés par un instrument international relatif aux besoins des déficients visuels. Les lecteurs aveugles de toute l’Amérique latine auraient accès à des livres en braille ou sonores édités par l’Organisation pour les aveugles en Espagne. Les Africains francophones auraient la même possibilité avec les collections françaises du Canada, de la France, de la Belgique, du Luxembourg et de la Suisse. Les organisations portugaises pourraient partager les œuvres de droit d’auteur dans des formats accessibles avec le Brésil, l’Angola et le Mozambique. M. Herman Spruijt, de l’Union internationale des éditeurs, a invité les parties à faire preuve de souplesse pour atteindre un objectif commun. M. Dipendra Manocha, du Consortium sur le Système numérique d’accès à l’information, a déclaré qu’il était indispensable d’établir des normes pour développer des solutions fondées sur la technologie afin d’assurer un meilleur accès aux personnes handicapées. Les organismes caritatifs et les bibliothèques des pays industrialisés possèdent déjà des milliers d’œuvres dans des formats accessibles, mais sont empêchés par des restrictions juridiques de les partager avec leurs équivalents des pays en développement, ce qui oblige ces derniers à consacrer leurs faibles ressources à recréer des originaux qui existent déjà.
Les travaux de l’OMPI dans ce domaine portent actuellement sur deux éléments fortement complémentaires : une plate-forme des parties prenantes traitant des nombreuses et complexes difficultés qui se posent sur le plan technique et la récente proposition de traité international établissant des normes en matière de limitations et exceptions. Le but recherché est que le premier de ces éléments permette la mise en place de modalités opérationnelles et pratiques dans le contexte du second. M. Francis Gurry, directeur général de l’OMPI, a annoncé le lancement d’un site Web www.visionip.org qui sera consacré à attirer le soutien, échanger des vues et diffuser l’information parmi toutes les parties intéressées.
Le soir du 13 juillet, les participants de cette réunion et ceux de la Conférence de l’OMPI sur la propriété intellectuelle et les questions de politique publique ont été invités à un concert de l’auteur-compositeur nigérian aveugle de naissance Cobhams Emmanuel Asuquo.
Par Marc Luanghy et Geidy Lung, Division du droit d’auteur, OMPI
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