Coup de chapeau à l’homme derrière la Swatch : Nicolas G. Hayek
Avec le décès le 28 juin, à l’âge de 82 ans, de Nicolas G. Hayek, la mondialement prestigieuse industrie horlogère suisse vient de perdre l’une de ses figures de proue. Né au Liban le 19 février 1928, M. Hayek avait émigré en Suisse à l’âge de sept ans et était citoyen suisse.
Cofondateur et ancien président du conseil du groupe Swatch, M. Hayek était un entrepreneur visionnaire et charismatique. Il est largement reconnu comme étant celui qui a redonné vie à l’industrie suisse de l’horlogerie dans les années 80, alors qu’elle était menacée par la production de masse de montres électroniques bon marché. Les stratégies innovantes qu’il mit en place au début de cette décennie furent, pour l’ensemble de l’horlogerie suisse, à l’origine d’un élan nouveau qui lui permit de reconquérir sa place de chef de file dans le monde. Troisième branche exportatrice de l’économie suisse, cette industrie vend près de 95% de sa production sur les marchés étrangers.
Une force décisive
M. Hayek a été une force décisive dans le lancement, en 1983, de la montre Swatch, emblème de la culture populaire.
Le phénomène Swatch résulte du talent d’entrepreneur exceptionnel de M. Hayek, qui a su imaginer et proposer à bas prix une gamme de montres en matière plastique colorées et séduisantes à la fois “jetables, abordables et fiables”, à porter dans toutes les occasions. La Swatch innovait également par son mouvement, qui ne comptait que 51 pièces au lieu des 91 des montres conventionnelles. Ses styles avant-gardistes en faisaient un accessoire de mode, et son prix permettait à un public de consommateurs branchés de se payer plusieurs Swatch et d’en changer selon leur humeur ou l’occasion. Dans une récente entrevue, M. Hayek disait : “Je ne fais pas des montres seulement pour donner l’heure. Je fais de la bijouterie ! Ce sont des bijoux!”
Swatch lance aujourd’hui quelque 300 modèles par an et compte parmi les principaux utilisateurs du Système de La Haye concernant l’enregistrement international des dessins et modèles industriels de l’OMPI, qui offre la possibilité de protéger à peu de frais les dessins et modèles dans plusieurs pays à la fois, en présentant une seule demande rédigée dans une seule langue (anglais, français ou espagnol) et en acquittant les taxes dans une seule monnaie (le franc suisse). La moitié environ des modèles de Swatch lancés chaque année cessent d’être produits au bout de six mois, ce qui en fait des pièces de collection très recherchées. On raconte par exemple qu’une montre Swatch en fausse fourrure de 1988 a été évaluée dernièrement à 18 500 livres sterling (environ 28 316 dollars É.-U.).
Un maître du marketing
Maître de l’art du marketing, M. Hayek s’est fondé sur des idées simples pour rétablir la réputation, le prestige et l’exclusivité des 19 marques de l’écurie Swatch, dont notamment Breguet, Calvin Klein, Longines, Tissot et Omega. Interrogé récemment par le quotidien indien MINT, il expliquait ainsi la stratégie d’image de marque sa société : “Nous avons un message distinct pour chacune de nos marques. Cela compte beaucoup dans notre mode de fonctionnement”. Par exemple, la formule utilisée pour la marque Jaquet-Droz est “Eternity – the Ultimate Luxury” (L’éternité – le luxe ultime). Le Groupe Swatch utilise régulièrement le système Madrid concernant l’enregistrement international des marques, un service d’enregistrement et de gestion internationale des marques peu coûteux et facile à utiliser, administré par l’OMPI.
Swatch est devenu le plus grand fabricant mondial de produits d’horlogerie, avec un chiffre d’affaires d’au moins 5 milliards de francs suisses en 2009 et plus de 700 magasins Swatch dans le monde. On estime à 300 millions le nombre de montres Swatch vendues à ce jour.
M. Hayek a commencé sa carrière le 1er août 1957, comme conseiller en gestion, et ne tarda pas à se faire une réputation d’entrepreneur habile et d’homme d’affaires en qui l’on pouvait avoir confiance. Au début des années 80, un groupe de banquiers suisses lui demande de superviser la liquidation des sociétés ASUAG et SSIH, les deux principaux horlogers suisses, alors en pleine déconfiture face à une concurrence japonaise féroce. M. Hayek est toutefois convaincu que l’horlogerie helvétique a encore un avenir et pourrait retrouver sa compétitivité. Sa recommandation de fusionner ASUAG et SSIH pour former SMH (Swiss Corporation for Microelectronics and Watchmaking Industries Ltd) en 1983 sera l’élément décisif de la relance du secteur. Tout aussi important fut le lancement d’une montre à bas prix, à la pointe du progrès, créative et emblématique : la Swatch – dont la lettre “S” signifie à la fois “Suisse” et “seconde”, c’est-à-dire son lieu de fabrication et le fait qu’en raison de son faible coût, le consommateur peut se permettre d’en acheter plus d’une. Avec M. Hayek à sa barre, la société SMH – rebaptisée Swatch Group en 1998 – devient en cinq ans le numéro un mondial de l’horlogerie.
“La vision extraordinaire de Nicolas G. Hayek lui a permis de réaliser et de garantir la viabilité d’une vigoureuse entreprise d’horlogerie avec une forte valeur suisse ajoutée” a écrit la société dans un communiqué.
Le dynamisme et l’influence de M. Hayek dépassaient cependant les frontières de l’industrie horlogère. Il a notamment contribué à la création de la SMART, l’élégante petite voiture urbaine désormais produite par Mercedes-Benz. Il avait également de nombreux autres intérêts commerciaux, tels que Belenos Clean Power, une société basée à Bienne, en Suisse, qui se consacre au domaine des énergies propres. Conseiller de la Banque mondiale, du Comité international olympique et de nombreux gouvernements, il a contribué à la création de débouchés et d’emplois pour des centaines de milliers de personnes. Comme il le disait lui-même, “en Europe, je crois que j’ai créé environ 250 000 emplois.” Dans son entrevue avec le journal MINT, M. Hayek avait eu un message pour les jeunes : “Pour créer des choses, vous devez entreprendre, créer des idées nouvelles, des produits nouveaux, des emplois nouveaux et de la richesse.” C’est la meilleure chose que les jeunes puissent faire pour l’avenir, a-t-il ajouté.
Il ne fait aucun doute que cet homme modeste, à l’esprit pratique, laisse un héritage impressionnant et durable. Il déclarait récemment, dans une entrevue télévisée : “Nous ne devons jamais oublier que nous sommes tous … de toutes petites entités dans un univers immense. Nous ne devons donc pas nous croire plus importants que cela.”
Le groupe Swatch est devenu, sous sa gouverne, “le joyau de l’industrie horlogère”. Il avait la passion de la créativité et adorait son travail. “J’ai écrit un livre, une fois, et à la première ligne, je disais que je n’ai jamais travaillé une seule heure. J’ai passé ma vie à m’amuser. Tout le temps.”
Le groupe Swatch et ses marques |
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Le groupe Swatch comprend 19 marques de montres qui représentent collectivement “un monde fascinant de diversité, de beauté et de qualité” ainsi qu’un degré élevé de savoir-faire artisanal et industriel. Chacune de ses marques se distingue par son cachet, et ses produits sont positionnés pour des clientèles différentes et complémentaires. Ses marques comprennent entre autres : Bréguet, Blancpain, Glashütte Original, Jaquet Droz, Léon Hatot, Omega, Tiffany & Co. (dans la gamme prestige et luxe), Tissot, ck watch & jewelry, Balmain, Certina, Mido, Hamilton (dans le milieu de gamme), Swatch et Flik Flak dans la gamme de base et Endura dans le segment “Private label”. Cette dernière marque produit des montres sur commande pour des entreprises et d’autres marques, ainsi que des modèles sous licence pour divers marchés. Un certain nombre de marques du groupe ont également lancé dernièrement des collections d’articles de bijouterie conçus, mis au point et produits par Dress Your Body (DYB), une société du groupe Swatch spécialisée dans ce domaine. Leader mondial de la fabrication de montres finies, le groupe Swatch produit la quasi-totalité des composants nécessaires à la production des montres vendues sous ses propres marques et dans les boutiques multimarques Tourbillon, ainsi que des montres de l’ensemble de l’industrie suisse. Il possède également son propre réseau mondial de distribution, en plus d’être un acteur de premier plan du secteur des systèmes électroniques. Bien que cela ne fasse pas partie de ses activités de base, la société est également active dans le domaine du mesurage de temps et du chronométrage sportif. Cette activité revêt une importance primordiale pour l’image et la visibilité du groupe. Plusieurs des sociétés du groupe Swatch ont le statut de chronométreur officiel de divers événements sportifs internationaux, dont notamment les Jeux olympiques. |
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