Faire de l’eau avec du vent - Une innovation qui changera des vies
L’eau, élément essentiel à la vie, peut être tirée de différentes sources : les nappes souterraines ou de surface, les mers et les végétaux. Bien que 70% de la surface de la Terre en soit couverte, la plus grande partie est salée et inaccessible. On estime qu’en 2006, 1,1 milliard de personnes n’avaient pas accès à l’eau potable et 1,8 million ont succombé à une maladie transmise par l’eau. Même si des progrès significatifs ont été accomplis pour se rapprocher de l’objectif du Millénaire pour le développement, qui prévoit de diviser par deux le nombre d’individus n’ayant pas l’accès à l’eau potable dans le monde entre 1990 et 2015, il reste des défis d’envergure, en particulier dans les zones rurales, isolées.
Marc Parent, inventeur et entrepreneur français, est convaincu que la technologie qu’il a mise au point et qui permet de collecter l’humidité de l’air à l’aide de l’énergie éolienne représente une solution à ce problème mondial. Le Magazine de l’OMPI s’est entretenu avec cet innovateur inspirant afin de mieux comprendre sa création révolutionnaire.
“Cette invention va permettre à beaucoup de gens d’avoir accès à… de l’eau propre et saine tous les jours, simplement en utilisant l’énergie du vent.”
Il y a des millénaires que l’Homme transforme la force du vent en énergie, et cela à l’aide de moulins à vent. Ces derniers ont été quelque peu éclipsés au cours du XXe siècle, mais ils redeviennent actuellement un élément courant du paysage, favorisés par la volonté d’utiliser des sources d’énergie vertes et durables. L’invention de Marc Parent apporte à ces figures emblématiques et à leur usage une dimension toute nouvelle. Elle ressemble en effet à un moulin à vent classique, et son fonctionnement est semblable, en ce sens qu’elle exploite la force du vent pour produire de l’énergie. Mais il y a une différence fondamentale : au lieu de pomper de l’eau, elle en produit.
“Donnez-nous du vent, nous vous donnerons de l’eau.”
Cette innovation au potentiel très prometteur permet de produire de l’eau en recueillant l’humidité de l’air grâce à un procédé de condensation. “C’est une technologie relativement simple qui s’appuie sur des principes de physique connus depuis des centaines d’années”, explique M. Parent. “D’abord, nous utilisons l’énergie éolienne pour produire de l’électricité, qui sert ensuite à faire fonctionner un système de climatisation dans lequel l’humidité de l’air est condensée pour produire de l’eau”. La machine aspire de l’air dans un système qui refroidit une série de plaques sur lesquelles l’humidité de l’air se condense et se transforme en eau qui s’écoule dans un réservoir. “Ce n’est rien de plus qu’une machine à faire de la pluie”, résume-t-il.
Dans de nombreuses régions du monde, les précipitations et les ressources en eau douce sont limitées, mais le taux d’humidité est élevé et le vent régulier. Ce sont des conditions idéales pour l’éolienne WMS (Water Making System) de la société Eole Water. Une machine peut produire environ 1000 litres par jour si le vent est de 35 km/h et le taux d’humidité moyen. Cette technologie n’a besoin d’aucun apport extérieur excepté le vent, et ne produit aucun déchet. Elle est donc complètement écologique.
La magie du refroidissement
“C’est magique : vous branchez; à l’entrée, c’est chaud, en sortant, c’est froid”. Fasciné par les systèmes de refroidissement M. Parent s’est naturellement tourné vers ce secteur, et s’est trouvé confronté quotidiennement au problème de l’évacuation de l’eau de condensation accumulée dans les systèmes dont il assurait l’entretien. Quand il a déménagé aux Antilles, sa nouvelle maison ne possédait pas l’eau courante. Il s’est donc mis en tête de trouver une solution de remplacement. Quatre prototypes et 10 ans plus tard, après des nuits, des week-ends et des vacances passés dans son garage, il a mis au point la WMS.
M. Parent a pour vision d’apporter de l’eau à ceux qui en ont le plus besoin. “Mon but est de proposer une solution qui fournirait de l’eau propre au quotidien à des gens qui n’y ont pas accès pour le moment”, déclare-t-il.
Qualité de l’eau
Comme rien ne garantit la pureté de l’eau extraite de l’air, la WMS est équipée d’un système de filtration pour enlever toutes les impuretés. “Le vent est comme une rivière, explique M. Parent. Si quelqu’un en amont rejette quelque chose dans l’air – pesticide ou autre – cela va être transporté par le vent sur des kilomètres. On ne peut pas dire que l’air est pur à tel ou tel endroit, alors on le traite comme s’il était potentiellement pollué… Les filtres sont installés à la base du système qui produit de l’eau brute (non traitée) comparable à celle que l’on trouve dans les puits”.
Propriété intellectuelle
M. Parent a pris conscience presque tout de suite de la nécessité de protéger son invention. “Au début, je pensais que ça devait déjà exister quelque part, et j’ai commencé à faire des recherches”, raconte-t-il. De retour en France, il a pris contact avec le bureau de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) à Marseille pour consulter sa base de données de brevets, mais n’a trouvé aucun dépôt pour une invention comparable. Il a donc commencé à esquisser les grandes lignes de sa technologie, afin de montrer clairement son principe de fonctionnement. Faute de moyens, il a rédigé sa première demande de brevet tout seul. “Ça n’a pas été facile, mais c’est passé”, se souvient-il. Il ne recommande toutefois à personne de suivre son exemple. M. Parent souligne qu’il est important d’avoir les conseils d’un spécialiste pour rédiger une demande de brevet, expliquant que “si une idée est mal expliquée, elle peut perdre toute sa valeur … Il faut faire appel à des juristes, car les brevets se trouvent à mi-chemin entre la technologie et le droit … C’est un mélange des deux et ça ne s’improvise pas”.
Après avoir déposé son premier brevet en 2000 (en France seulement), il réalise rapidement qu’il a besoin d’affiner son invention. Alors qu’elle avait bien fonctionné dans les conditions atmosphériques stables des Antilles, il rencontre des difficultés en France, à cause du régime irrégulier des vents. Il met par conséquent au point un système plus complexe, capable à la fois de produire de l’eau et, à l’aide de panneaux solaires, de l’électricité pour le faire fonctionner lorsqu’il n’y a pas de vent. Cela fait, il dépose une demande internationale selon le Traité de coopération en matière de brevets de l’OMPI (PCT/FR2006/002602) – non sans avoir consulté un spécialiste de la propriété intellectuelle.
Marc Parent est catégorique à propos de l’importance de la propriété intellectuelle pour son entreprise, Eole Water, en particulier en pour ce qui est d’attirer des partenaires investisseurs. “La propriété intellectuelle est indispensable, affirme-t-il, c’est la clé de voûte”. Il souligne qu’on ne peut pas faire ce genre de chose tout seul. Les partenaires financiers et industriels sont nécessaires. Les investisseurs, a-t-il découvert, ne sont intéressés que s’ils peuvent voir la machine fonctionner et s’ils sont certains que la technologie est protégée par un brevet. “Sans brevet, pas d’investisseur, pas de commercialisation, résume-t-il. Sans brevet, il est impossible de mettre en œuvre une solution innovante comme celle-là. Sans brevet, on ne peut pas attirer d’investisseurs ou de clients intéressés à acheter le droit de fabriquer cette machine dans différents pays. Personne ne le fera sans avoir l’assurance, la certitude de bénéficier d’un droit d’exclusivité sur cette technologie”.
Les défis
La société Eole Water est confrontée à un certain nombre de défis dans la commercialisation de sa technologie dont l’un, et non le moindre, est que les utilisateurs finaux – “les gens qui ont besoin d’eau, les pauvres qui n’ont pas accès à l’eau potable” – n’ont pas les moyens de l’acheter. La pénurie d’eau est une question hautement politique. C’est un élément que M. Parent n’avait pas prévu au départ. “L’eau est un domaine complexe : c’est très lié à la politique, dit-il. Je pensais que comme l’idée était bonne, ça allait décoller, mais ce n’est pas le cas, car l’utilisateur final n’a pas les moyens d’acheter la technologie. Elle doit être financée par les gouvernements et les agences intergouvernementales”.
“L’eau n’est pas un luxe réservé aux riches; l’eau, c’est la source de la vie.”
Photo: Eolewater
La société recherche des partenaires nationaux qui partagent sa vision du monde et son intérêt à fournir de l’eau propre et saine à ceux qui en ont le plus besoin, afin de travailler avec eux. “Nous avons besoin de partenaires ayant le même esprit et la même éthique que nous et pour qui l’argent n’est pas la priorité. Nous avons tous besoin de gagner notre vie, mais l’argent n’est pas tout, rappelle-t-il. Cette technologie doit servir l’intérêt général”.
De plus, l’entreprise doit se présenter comme un partenaire crédible. “Nous devons prouver que nous sommes une entreprise sérieuse et que la technologie fonctionne”, dit M. Parent. Comme il n’existe rien de comparable sur le marché, il lui faut démontrer sa viabilité, à la fois sur le plan technique et économique. “Nous devons sans cesse faire nos preuves”, résume-t-il.
Eole Water fait également face à la nécessité de passer au niveau supérieur, en termes d’exploitation et de capacité de production d’eau de ses machines. Le but de l’entreprise est de produire ces machines à une échelle industrielle, sous licence, dans un pays acquéreur. D’un côté, la société garderait le contrôle de la production, et de l’autre, la fabrication sur place améliorerait l’accessibilité en termes de coût et créerait de la valeur pour l’économie locale.
L’avenir
L’entreprise est bien consciente du fait qu’elle devra continuer à investir et à améliorer sa technologie, et continuer à déposer des brevets. C’est impératif, étant donné le rythme du développement technologique. Selon M. Parent, les inventeurs ont besoin de brevets pour rester en tête du jeu. “Il faut toujours faire mieux, avancer”, affirme-t-il.
Eole Water a un certain nombre de projets en cours, et M. Parent sait parfaitement qu’il est indispensable pour sa société de commercialiser sa technologie. Cela garantira non seulement sa durabilité à long terme, mais également l’accès des clients à la technologie la plus efficace et la plus économique. Il confesse que même si “la création est un aspect fascinant”, il voudrait voir son invention utilisée par ceux qui en ont besoin.
Pour Marc Parent, l’innovation est une vocation. Selon lui, “C’est une passion et un devoir. Je ne peux pas laisser tomber, d’abord parce que je suis têtu et ensuite, parce que je sais qu’il y a un besoin et que c’est important. Ce n’est pas un gadget; ça marche… Des gens pourraient venir tirer de l’eau de ces machines et boire si elles existaient”.
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