Des mécanismes pour promouvoir l’investissement vert
Face aux défis complexes posés par les changements climatiques, le meilleur espoir de trouver des solutions à la fois favorables à la planète, au développement et aux affaires réside dans l’innovation technologique. Si l’importance de l’innovation est largement reconnue, on sait généralement assez mal comment la stimuler. Le présent article se penche sur la manière dont les investissements favorisent l’innovation – de la recherche-développement à la mise en œuvre et à la diffusion. La création d’un environnement favorable à l’investissement est essentielle à l’introduction sur le marché de technologies contribuant à la durabilité de la planète et déterminante en ce qui concerne la vitesse à laquelle elle a lieu.
Financement institutionnel
Le financement par des institutions telles que le Fonds pour l’environnement mondial (FEM)1 ou les banques multilatérales de développement (BMD) et leurs bras financier revêt une importance capitale pour le maintien de la demande de technologies propres, en particulier dans les pays en développement et les pays les moins avancés, dans lesquels les incidences des changements climatiques sont souvent les plus fortes. Il permet aux gouvernements de nombreux pays d’avoir accès, et cela à des conditions abordables, à des prêts et subventions pour des projets portant sur des technologies propres.
Le GEF – un partenariat se consacrant à l’intégration de préoccupations environnementales mondiales en stratégies nationales de développement durable – soutient des projets relatifs à tout un éventail de questions environnementales2. Il a attribué jusqu’à présent 8,8 milliards de dollars É.-U. de subventions GEF ainsi que quelque 38,7 milliards de dollars É.-U. en cofinancement à 2400 projets se rapportant aux changements climatiques dans plus de 165 pays.
Les BMD n’assurent pas directement le financement de la recherche-développement, mais souscrivent à des projets mettant en œuvre des technologies propres dans un but d’atténuation des changements climatiques ou d’adaptation à leurs effets dans les pays en développement. Cela a pour effet de créer et de renforcer une demande de technologies propres qui contribue à susciter l’intérêt des investisseurs pour la recherche-développement et l’innovation dans ces domaines, en plus d’entraîner des retombées importantes en fait d’innovation locale.
Encouragées par ces résultats, les BMD intensifient leurs activités de prêt depuis quelques années. Le total des prêts accordés chaque année par ces banques a été en moyenne de 40 milliards de dollars É.-U. au cours des 10 dernières années et a atteint 66,162 milliards de dollars É.-U. pour 2005. Les montants de financement octroyés au titre des énergies propres par la seule Banque Mondiale – par l’intermédiaire de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) – ont augmenté de 20% par année entre 2004 et 2009.
Bien que la création d’une demande de technologies propres soit essentielle, les considérations de risque et de rendement jouent un rôle déterminant dans les décisions d’investissement.
En première analyse, investir dans la mise au point de technologies liées aux changements technologiques apparaît comme une décision économiquement avisée, dans la mesure où les avantages qui en découlent pour la société l’emportent largement sur les coûts de développement et de mise en œuvre de ces technologies. Maîtrise des impacts des changements climatiques, modernisation des infrastructures, baisse des coûts d’énergie, efficacité accrue des procédés de fabrication et création d’emplois sont des exemples de ces avantages.
Toutefois, si l’on se place du point de vue de l’investisseur privé, mettre son argent dans un secteur aussi risqué – en particulier dans un marché peu réglementé – n’est pas nécessairement le choix le plus attrayant. En matière de commerce, la survie impose de rentabiliser le capital investi et d’augmenter ses marges bénéficiaires afin de pouvoir continuer d’investir. Il s’ensuit qu’un cadre réglementaire efficace est nécessaire pour encourager l’investissement dans les technologies axées sur la protection de l’environnement. On peut prendre pour exemple l’effet favorable du renforcement de la réglementation en matière de pollution sur la mise au point de moteurs plus propres et moins gourmands en carburant.
Une autre complication vient du fait que ce type d’investissement suppose souvent un engagement financier à long terme et devient encore plus risqué dans une région à faible revenu, où le pouvoir d’achat est limité, l’impact des changements climatiques accru et le besoin d’investissement particulièrement aigu.
Alors qu’une demande de marché permet habituellement aux investisseurs de faire des prévisions de rendement relativement précises, l’exercice est beaucoup plus difficile pour une initiative de recherche-développement dans un domaine comme celui des technologies propres – et cela même dans les cas où l’investissement en question aboutit à une percée technologique.
Dans certains pays, notamment les États-Unis d’Amérique et la Chine, les entreprises privées commencent à prendre conscience du potentiel commercial des investissements dans les technologies “vertes”. Au premier semestre de l’année 2010, les sociétés américaines ont investi 5,1 milliards de dollars É.-U. dans des entreprises de ce secteur, ce qui représente une augmentation de 325% par rapport à la même période de 2009. General Electric prévoit par exemple 10 milliards de dollars É.-U. d’investissements dans des projets de technologie verte au cours des cinq prochaines années. Au cours du deuxième trimestre de 2010 seulement, les investisseurs privés ont souscrit pour quelque 1,73 milliard de dollars É.-U. de titres dans des introductions en Bourse de sociétés du marché chinois en pleine croissance des technologies vertes3.
La Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) favorise la création d’un environnement propice à l’investissement au moyen d’un certain nombre de mesures pratiques. Celles-ci comprennent notamment des évaluations de besoins technologiques visant à :
- fournir aux gouvernements des informations précieuses permettant l’établissement de priorités concernant les projets de technologies liées au secteur climatique;
- fournir aux investisseurs en R&D des informations précieuses concernant le marché;
- contribuer au renforcement des compétences et savoir-faire techniques à l’intérieur des pays, afin d’assurer une mise en œuvre efficace de ces technologies;
- favoriser la création d’un cadre réglementaire propre à encourager l’investissement dans des projets de développement climatiquement neutre à long terme.
La nouvelle approche de création de réseaux et centres technologiques adoptée par la CCNUCC promet de donner lieu à d’autres développements dans ces domaines.
Photo: iStockphoto / Leonid Yastremskiy
L’établissement d’un cadre dans lequel les entreprises privées auraient bon espoir de rentabiliser leurs investissements permettrait de mobiliser plus largement les ressources et l’ingéniosité du secteur privé – historiquement le principal moteur de l’activité innovatrice. Le système de la propriété intellectuelle représente un mécanisme éprouvé à cet égard, avec pour avantage supplémentaire le fait qu’il facilite la diffusion des technologies élaborées.
Les brevets, par exemple, permettent aux entreprises d’obtenir un retour sur leurs investissements en R&D lorsqu’elles commercialisent de nouveaux produits. Les accords de concession de licence fondés sur des droits de propriété intellectuelle créent pour leur part des perspectives commerciales élargies et sont ainsi à l’origine de nombreux partenariats. Le système des brevets donne en outre accès gratuitement à une mine d’informations technologiques sur la base desquelles il est possible d’innover. La cartographie des brevets peut être utilisée pour identifier de nouveaux débouchés commerciaux et aider à la formulation de politiques nationales en apportant des renseignements sur les groupes dans lesquels se situent les technologies émergentes (voir l’article Changement climatique – Le défi technologique dans le Magazine de l’OMPI 01/2008).
Certains commentateurs estiment que le système de la propriété intellectuelle bloque l’accès aux technologies d’atténuation et d’adaptation, dans la mesure où les pays qui ont les plus gros besoins à cet égard n’ont tout simplement pas les moyens de payer les prix réclamés sur le marché. En réalité, ne pas permettre l’utilisation de la propriété intellectuelle comme outil commercial et stratégique aurait pour effet une réduction de rendement – sur le plan technologique, économique et social.
Dans une équation d’investissement, les droits de propriété intellectuelle et les avantages qui s’y rattachent constituent des éléments essentiels. Un système de propriété intellectuelle équilibré et offrant une protection efficace peut contribuer à atténuer les risques d’un projet de recherche-développement coûteux et étendu dans le temps. Il offre l’assurance qu’un investissement commercialement viable réalisera un rendement, ce qui constitue un argument économique favorable pour un investisseur (tant public que privé). Étant donné qu’il facilite la diffusion des technologies, il sert aussi l’intérêt du grand public, car il crée un très grand nombre de débouchés économiques et répond à un important besoin social.
Les investissements directs consentis par les BMD sont à l’origine d’une demande accrue pour des technologies peu consommatrices d’énergie dans les pays en développement et les pays à faible revenu, ce qui a suscité un regain d’intérêt pour les investissements dans la recherche et le développement de technologies vertes. Les gouvernements nationaux peuvent jouer un rôle déterminant en établissant des Cadres juridiques et réglementaires appropriés. La part du secteur privé est tout aussi importante en ce qui concerne le maintien des investissements dans les technologies propres, et il a en outre un potentiel énorme de stimulation efficace de l’innovation.
Les changements climatiques représentent un problème mondial qui nécessite l’engagement et l’ingéniosité de l’humanité tout entière. Les banques multilatérales de développement ont réussi à catalyser la demande pour les technologies dites “vertes”, mais il reste beaucoup à faire pour réaliser une économie durable, faiblement productrice de carbone. Les droits de propriété intellectuelle et leurs mécanismes de protection joueront sans aucun doute un rôle majeur à cet égard.
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1 Organisme financier indépendant en activité depuis 1991, qui fournit des fonds à des pays en développement ainsi qu’à des pays ayant des marchés émergents, pour le financement de projets se rapportant, entre autres, aux changements climatiques et à la biodiversité. Voir http://www.thegef.org/gef/whatisgef.
2 Notamment biodiversité, changements climatiques, eaux internationales, dégradation des terres, couche d’ozone et polluants organiques persistants.
3 Ce chiffre représente 75% du total des investissements dans des introductions en Bourse de sociétés chinoises pour cette période.
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