Sensibilisation à la propriété intellectuelle en Afrique de l’Ouest
Dans cet article, M. Paulin Edou Edou, directeur général de l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle (OAPI), parle des actions entreprises par son Organisation dans chacun de ses États membres pour sensibiliser le public aux avantages économiques, sociaux et culturels d’une protection efficace de la propriété intellectuelle.
Quelle est votre priorité en matière de sensibilisation à la propriété intellectuelle dans les États membres de l’OAPI?
Des chanteurs se produisent lors d’une manifestation de
sensibilisation de l’OAPI. (Photo: OAPI)
Étant donné que la propriété intellectuelle est encore considérée comme un sujet plutôt obscur et spécialisé dans la région de l’OAPI, l’une de nos premières priorités est d’informer et d’éduquer le public visé afin qu’il sache à quoi elle sert et quels sont ses avantages. L’information est fondamentale dans cette entreprise. Sans elle, nous ne pouvons rien faire. Nous travaillons par conséquent à la rendre plus accessible, pour que les gens sachent de quelle manière le système de la propriété intellectuelle peut contribuer aux affaires et au développement. Il y a beaucoup à faire pour arriver à ce que les chercheurs, les universitaires, les entreprises, les étudiants, les magistrats et les autres professionnels du droit comprennent toute l’importance de la propriété intellectuelle en tant qu’outil de développement économique. Le Plan d’action de l’OAPI, que j’ai lancé en 2007 et qui couvre la période 2007-2012, met beaucoup l’accent sur l’information et l’efficacité de la communication.
En quoi la sensibilisation à la propriété intellectuelle est-elle importante dans la région de l’OAPI?
La propriété intellectuelle est un élément essentiel au soutien du développement économique. Les pays qui affichent aujourd’hui la meilleure performance économique sont fondés sur le savoir. Ils utilisent le système de la propriété intellectuelle pour ajouter de la valeur à l’information, aux connaissances et aux idées, et pour transformer ces éléments incorporels en actifs économiques concrets. Dans l’économie mondialisée hautement concurrentielle de notre époque, la propriété intellectuelle et la croissance économique sont étroitement liées. Les pays de la région de l’OAPI ont besoin de mieux cerner les contours de la propriété intellectuelle pour pouvoir l’utiliser aux fins de la promotion de leur développement économique. Si elle est utilisée d’une manière efficace et stratégique, la propriété intellectuelle peut produire des avantages sociaux, économiques et culturels considérables, comme de permettre aux inventeurs et créateurs de gagner leur vie, aux entreprises de faire progresser leurs intérêts commerciaux, aux chercheurs de bénéficier des résultats de leurs travaux et aux gouvernements, de favoriser le bien-être économique.
Que fait l’OAPI pour se rapprocher du public visé?
La communication avec nos publics cibles est favorisée par l’Initiative médias de l’OAPI. Les réseaux de télévision et de radio, les journaux et revues, Internet et les journalistes sont pour nous des partenaires essentiels qui nous aident à communiquer le message de la propriété intellectuelle.
Un autre aspect important de l’Initiative médias de l’OAPI est la sensibilisation des journalistes à la propriété intellectuelle – comment elle fonctionne, ce qui la rend importante. C’est pourquoi nous organisons régulièrement, en collaboration avec l’OMPI, des séminaires de formation sur la propriété intellectuelle à l’intention des journalistes, qui les aident à mieux comprendre ce système et son utilité pour le développement économique. Grâce à ces séminaires, et notamment aux trois qui ont été tenus jusqu’à présent à Yaoundé (2008), Libreville (2009) et Brazzaville (2010), de plus en plus de journalistes sont en mesure de parler valablement de propriété intellectuelle dans leurs articles. Ces formations leur permettent aussi de poser aux personnalités politiques et spécialistes de la propriété intellectuelle des questions plus pertinentes et plus techniques en la matière.
L’OAPI a aussi lancé un nouveau site Web en septembre 2010. Élaboré avec l’assistance de l’OMPI, ce site amélioré et convivial donne accès à un large éventail d’informations en matière de propriété intellectuelle et contribue à combler le déficit qui existe à cet égard dans les États membres de l’OAPI.
Vos efforts se traduisent-ils par des résultats tangibles?
Tout à fait. Nous voyons de plus en plus d’émissions de télévision et de radio et d’articles de journaux qui traitent de propriété intellectuelle. En Côte d’Ivoire, il est régulièrement question de propriété intellectuelle dans la presse. Au Bénin, il y a un site Web dédié à la propriété intellectuelle, géré par un journaliste que nous avons formé. Au Mali et au Cameroun, les réseaux de télévision nationaux diffusent fréquemment des émissions et des documentaires se rapportant à la propriété intellectuelle, qui sont ensuite commentés dans la presse écrite. Au Gabon, le public est sensibilisé aux questions de propriété intellectuelle, et notamment de droit d’auteur, par EYO’O, le premier programme de télévision entièrement consacré à ce thème, sur lequel se produisent certains des plus grands artistes d’Afrique.
Le nombre de demandes d’information sur la propriété intellectuelle que reçoivent le siège de l’OAPI à Yaoundé (Cameroun) et les offices nationaux a également augmenté. On voit aussi à l’OAPI de plus en plus d’étudiants désireux d’apprendre cette matière. L’OAPI a en effet lancé en octobre 2010, avec l’appui de l’OMPI, un cours de maîtrise en propriété intellectuelle à l’université de Yaoundé. Cette première en Afrique francophone promet de renforcer encore la compétence de la région en matière de propriété intellectuelle.
L’initiative Caravane de l’OAPI fait connaître la propriété
intellectuelle au public. (Photo: OAPI)
Avez-vous d’autres initiatives en préparation?
Nous préparons un clip vidéo destiné à montrer que les indications géographiques peuvent être créatrices de valeur économique et de prestige pour des produits locaux et produire des avantages concrets pour les communautés et les régions. Des accords de partenariat avec les réseaux de télévision nationaux de la région nous permettront de diffuser ce film dans chacun des 16 États membres de l’OAPI.
Nous pensons que la conclusion de partenariats avec les acteurs des médias constitue aussi une excellente manière de nous donner accès à une audience aussi large que possible et d’optimiser notre efficacité.
Nous avons l’intention de continuer à étendre et renforcer le réseau des journalistes sensibilisés à la propriété intellectuelle par le biais de séminaires organisés à leur intention avec l’OMPI. Notre objectif est d’avoir des contacts à travers toute la région, de manière à ce qu’il y ait toujours, chaque fois qu’il se produit quelque part un événement lié à la propriété intellectuelle, un journaliste à proximité pour la couvrir. Nous voulons également stimuler le débat sur les questions de propriété intellectuelle en faisant en sorte que ce réseau soit aussi interactif et dynamique que possible, ce qui constitue tout un défi, étant donné que le réseau s’étend sur 16 pays et que les journalistes sont séparés par des distances considérables. Le nouveau site Web de l’OAPI comprend un forum où les journalistes pourront échanger des informations et des opinions et accéder facilement à des spécialistes en propriété intellectuelle de l’Organisation. Nous sommes en train de recruter un journaliste pour assurer la gestion et le développement de ce réseau.
Un vecteur de sensibilisation important est le magazine trimestriel de l’OAPI, dans lequel on peut lire des comptes rendus de faits nouveaux concernant la propriété intellectuelle au sein de l’Organisation ou, plus largement, dans ses États membres. Nous prévoyons de le diffuser plus largement et d’en faire une référence pour les utilisateurs du système de la propriété intellectuelle.
Quelle évolution espérez-vous pour les cinq prochaines années?
Nous devons démystifier la propriété intellectuelle. Il faut qu’elle devienne un sujet de conversation courant, une chose dont les gens parlent aussi facilement que de la météo.
L’initiative Caravane de l’OAPI s’avère efficace en tant que moyen de faire connaître la propriété intellectuelle au grand public. Elle consiste, chaque fois qu’un événement à grande visibilité a lieu dans l’un de nos États membres, à installer la caravane de l’OAPI dans un établissement universitaire ou un marché local, afin d’attirer un large éventail de curieux et d’établir un dialogue avec eux. Nous avons utilisé jusqu’à présent la caravane à Dakar (Sénégal), Yaoundé (Cameroun), Bissau (Guinée-Bissau) et Bamako (Mali), où elle a été accueillie avec un grand enthousiasme tant par les jeunes et étudiants que par les dirigeants d’entreprise. La caravane nous permet de toucher un large public, et particulièrement des gens qui n’ont peut-être personne d’autre à qui parler de propriété intellectuelle. Beaucoup considèrent, par exemple, que le meilleur produit est celui qui coûte le moins cher, qu’il soit authentique ou contrefait. En parlant avec eux, nous pouvons leur expliquer les risques et les dangers liés à l’achat de produits de contrefaçon. Une fois qu’ils ont compris, ils deviennent tout à fait favorables à nos efforts pour faire échec à ce type de commerce illicite.
La caravane de l’OAPI distribue des T-shirts, organise des jeux-questionnaires et parle de propriété intellectuelle avec les passants, à qui elle explique de quoi il s’agit et en quoi elle les concerne. La formule est nouvelle et il nous faudra attendre quelques années pour en voir concrètement les effets, mais elle se révèle efficace et économique comme moyen de sensibiliser le public à la propriété intellectuelle.
Bien qu’il reste beaucoup à faire, j’espère que nous aurons réussi d’ici cinq ans à transformer le contexte de la propriété intellectuelle dans la région de l’OAPI. L’une des conditions indispensables à la réalisation de cet objectif est de parvenir à une large sensibilisation à la propriété intellectuelle.
Le Magazine de l’OMPI vise à faciliter la compréhension de la propriété intellectuelle et de l’action de l’OMPI parmi le grand public et n’est pas un document officiel de l’OMPI. Les désignations employées et la présentation des données qui figurent dans cette publication n’impliquent de la part de l’OMPI aucune prise de position quant au statut juridique des pays, territoires ou zones concernés ou de leurs autorités, ni quant au tracé de leurs frontières ou limites territoriales. Les opinions exprimées dans cette publication ne reflètent pas nécessairement celles des États membres ou du Secrétariat de l’OMPI. La mention d’entreprises particulières ou de produits de certains fabricants n’implique pas que l’OMPI les approuve ou les recommande de préférence à d’autres entreprises ou produits analogues qui ne sont pas mentionnés.