Renoncer au kérosène pour se brancher sur le solaire
Les élèves de l’école primaire de
Mukuri bénéficient de lampes
solaires pour faire leurs devoirs.
Elles ne dégagent pas de fumée
et ne présentent pas de risque
d’incendie. Au bout de quelques
semaines à peine, les résultats
scolaires avaient fortement progressé.
(Photo: Renewable Energy Ventures)
Dans les pays en développement, on estime à 1,6 milliard le nombre de personnes contraintes de s’éclairer à la lampe à pétrole. Les ménages pauvres consacrent une part substantielle de leurs revenus à l’achat de ce combustible qui leur procure un faible éclairage et les expose à de graves dangers pour la santé et la sécurité. À long terme en effet, les coûts liés à l’utilisation de lampes à pétrole sont considérables sur les plans financier, sanitaire, écologique et en termes de sécurité. Or, une alternative plus astucieuse, plus propre et plus abordable – les lampes à énergie solaire – laisse augurer un avenir plus radieux. Joseph Nganga, PDG de l’entreprise Renewable Energy Ventures (REV), basée au Kenya, s’est entretenu avec les auteurs du Magazine de l’OMPI en marge de la Conférence sur l’innovation et le changement climatique organisée à Genève en juillet 2011. Il décrit comment sa société procède pour apporter de la lumière dans les communautés kényanes vivant en milieu rural ou périurbain.
REV s’emploie à offrir aux Kenyans “une énergie propre, à haut rendement et abordable grâce à des solutions de financement, de distribution et de production innovantes”, explique M. Nganga.
La société travaille “en étroite collaboration avec [ses] clients pour [les] aider à réduire leur consommation d’énergie actuelle, recommander d’autres sources d’énergie, trouver des partenaires technologiques, rechercher des sources de financement et établir une structure de financement pour mettre en œuvre” des projets d’énergies de remplacement tout en veillant à apporter “la solution la mieux adaptée au client pour un retour sur investissement intéressant ”.1
REV s’emploie à : |
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Des solutions en matière d’énergie domestique
Quelque 30 millions de Kényans (soit 77%2 des 39 millions d’habitants que compte le pays) n’ont pas accès à l’électricité et doivent recourir au kérosène pour répondre à leurs besoins en éclairage. Partant du constat qu’une partie considérable de la population “ne serait jamais raccordée au réseau”, la société REV a lancé l’initiative Solanterns. Au Kenya, elle offre aux ménages vivant en milieu rural et périurbain un moyen écologique et abordable de s’éclairer en leur donnant “accès à des lampes à énergie solaire” qui, contrairement aux lampes à pétrole, ne provoquent pas de “pollution intérieure ni de maladies respiratoires, limitent les risques d’incendie, offrent un meilleur éclairage et sont relativement abordables”, explique M. Nganga.
1.) Éclairage faible et dangereux de la lampe à pétrole 2.) Éclairage vif et sans danger de Sun King™ Les lampes
solaires sont 20 fois plus lumineuses que les lampes à pétrole et procurent une source de lumière plus sûre et plus
stable.
Les lampes solaires Sun King™.
Dans le cadre de cette initiative, REV s’est associée à la société américaine Greenlight Planet, Inc. qui conçoit et fabrique les lampes solaires de la marque Sun King™. Monsieur Nganga explique que sachant qu’il est difficile de trouver les matériaux et les capacités de production nécessaires pour fabriquer les lampes au Kenya, il est plus logique sur le plan économique de “se procurer à l’étranger des produits finis de qualité qui pourront être utilisés sur place”.
Le PDG de Greenlight Planet, Patrick Walsh, indique au Magazine de l’OMPI que “s’efforcer d’offrir un éclairage de meilleure qualité aux ménages ruraux” est ce qui l’a poussé à créer la lampe solaire Sun King™. En 2005, alors qu’il travaillait en Inde, il s’est rendu compte du besoin impérieux de proposer “un produit de consommation que la population aurait les moyens d’acheter pour résoudre ses problèmes”. Les consommateurs, précise-t-il, cherchent déjà à résoudre les problèmes d’éclairage en achetant des bougies et du kérosène; “notre action consiste simplement à proposer une meilleure technique et à laisser les gens décider s’ils en veulent ou non”.
La lampe à énergie solaire Sun King™ allie différentes techniques liées aux LED, aux batteries lithium-ion et aux panneaux photovoltaïques. “Nous utilisons des composants standard et les assemblons de manière ingénieuse”, explique M. Walsh. “C’est le mode de conception qui fait toute la différence”, fait remarquer Joseph Nganga, “la capacité à réunir ces trois composants à l’intérieur d’un produit qui soit à la fois rentable, durable, intéressant et conçu à l’intention d’un ménage vivant en milieu rural”.
Bien que Greenlight Planet Inc. soit propriétaire des droits sur le dessin attachés à la lampe et de plusieurs secrets d’affaires, M. Walsh indique que, dans le contexte de ménages ruraux dans des pays en développement, “concéder des licences sur cette technique ne va pas vraiment fonctionner”. Il explique que sa société vise en priorité à proposer une “technique de qualité grâce à un système de distribution innovant”. Il ajoute que pour que les lampes à énergie solaire finissent entre les mains du consommateur, “disposer d’un réseau innovant et souple est indispensable”. Sa société se spécialise dans “la distribution en milieu rural et travaille en étroite collaboration avec différents partenaires pour sensibiliser la population et fournir des produits aux villages de l’arrière-pays où les besoins sont les plus criants”. Bien que le réseau de distribution de Greenlight Planet Inc. se situe en Inde, la société s’associe à des partenaires comme REV pour tirer parti de réseaux locaux d’autres pays.
Diffusion
En un peu moins de deux ans, Joseph Nganga et son équipe ont distribué plus de 5000 lampes à énergie solaire à des ménages ruraux du Kenya. Dès qu’ils savent comment les manipuler, les consommateurs “ne peuvent plus se passer” des lampes, déclare M. Nganga.
Grâce à ces lampes, les ménages ruraux peuvent réaliser des économies substantielles pouvant aller de 110 à 114 dollars des États-Unis d’Amérique sur trois ans. “C’est une somme considérable pour un ménage rural”, précise M. Nganga. “L’économie réalisée est évidente : vous achetez une lampe 25 dollars, elle fonctionne pendant trois ans et vous n’avez rien à débourser sur cette période, ce qui n’est pas le cas avec une lampe à pétrole”, explique-t-il.
Les avantages sur le plan écologique sont eux aussi considérables. Chaque lampe permet de réduire les émissions de CO2 de 135 kilogrammes et d’économiser 52 litres de kérosène sur toute sa durée de vie. Les États peuvent ainsi diminuer leur empreinte carbone et faire des économies au niveau des programmes de subventions en faveur du kérosène financés par les pouvoirs publics.
Si M. Nganga est optimiste quant à la capacité de REV d’étendre l’initiative à plus grande échelle – avec, selon les estimations, 32 millions d’utilisateurs de lampe à pétrole à atteindre – le taux d’adoption de la lampe à énergie solaire est relativement faible, une situation qu’il attribue à trois grands facteurs :
- la structure des revenus des ménages ruraux;
- le faible niveau de sensibilisation des consommateurs et
- la garantie de la qualité.
La structure des revenus
Indépendantes du réseau électrique, les lampes solaires peuvent
être utilisées n’importe où. (Photo: Greenlight Planet, Inc.)
Comme l’explique M. Nganga, la plupart des ménages en milieu rural perçoivent un revenu journalier duquel ils déduisent le montant de leurs dépenses quotidiennes en kérosène, soit quelque 18 cents. Or, nombre de ces ménages n’ont pas d’épargne; ils n’ont pas non plus accès au crédit, ce qui signifie que dépenser d’emblée 25 dollars pour acheter une lampe à énergie solaire est pour eux hors de portée. Pour résoudre ce problème, la société a adopté “un modèle novateur qui, en sus de rendre nos lampes accessibles sur le marché, fournit également du travail aux jeunes de la communauté”, explique M. Nganga.
REV engage des microentrepreneurs chargés de louer des lampes à énergie solaire à des familles qui, autrement, n’auraient pas les moyens de se les procurer. “Nous aidons un jeune à obtenir un prêt auprès d’un organisme local de microfinancement de façon à pouvoir acheter une vingtaine de lampes. Ils rechargent ces lampes pendant toute la journée en les branchant sur un panneau solaire puis les remettent à différents ménages en leur facturant le même montant que celui qu’ils auraient dépensé pour s’éclairer au kérosène pendant la nuit. Le lendemain matin, l’entrepreneur passe reprendre les lampes pour les recharger”, explique-t-il. “De cette façon, le consommateur peut consacrer la même somme qu’auparavant à la satisfaction de ses besoins en éclairage tout en profitant des avantages de l’énergie solaire. C’est une solution extrêmement simple, mais qui fonctionne à merveille”, déclare M. Nganga. Selon les prévisions de REV, quelque 500 microentreprises de ce type devraient avoir vu le jour d’ici à la fin 2012.
La sensibilisation
Les lampes à énergie solaire représentant une technique relativement nouvelle pour les ménages ruraux, “il importe de mettre l’accent sur les activités de sensibilisation du consommateur”, remarque M. Nganga. Il indique que cette technique “suscite un intérêt croissant”, mais que, “comme dans n’importe quel domaine, il faut du temps avant d’obtenir des résultats”. Pour atteindre son objectif, REV s’appuie sur des programmes comme l’initiative commune à la Banque mondiale et à l’IFC3 baptisée “Éclairer l’Afrique” (en particulier sur les volets de cette initiative consacrés à la sensibilisation du public). Le programme “Éclairer l’Afrique” vise à “mobiliser le secteur privé pour qu’il crée des marchés durables et fournisse des appareils d’éclairage modernes, sûrs et abordables fonctionnant indépendamment du réseau électrique à 2,5 millions d’Africains d’ici à 2012 et à 250 millions d’ici à 2030 ”.4
La qualité
Proposer un produit de grande qualité est une priorité aussi bien pour Greenlight Planet que pour REV. “On a eu connaissance de produits à énergie solaire qui n’ont pas fonctionné et qui ont donné une très mauvaise image du solaire en général”, explique M. Nganga. Les ménages ruraux sont réticents à investir leurs maigres ressources dans un produit qui “finalement, ne marche pas”, déclare-t-il. “Il est difficile de distinguer les offres de qualité”, ajoute-t-il, “car de nombreux produits présentent un emballage semblable mais sont très différents en réalité et se révèlent souvent de piètre qualité”.
Changer la donne
Grâce aux lampes solaires, les
élèves peuvent continuer à
étudier après la tombée de la
nuit dans les foyers sans
électricité. (Photo: Greenlight
Planet, Inc.)
L’initiative Solantern et les lampes solaires Sun King™, grâce à leur dessin ingénieux, ont déjà une incidence positive. Une étude récente de REV montre en effet une amélioration de la qualité de l’air, de la santé, de la situation économique, de la sécurité et des résultats scolaires dans 500 foyers de Nairobi situés en zone rurale ou périurbaine5. Plus de 95% des personnes interrogées dans le cadre de l’étude ayant déclaré qu’elles “achèteraient [une lampe solaire] dès qu’elles en auraient les moyens”, l’avenir s’annonce sous des auspices favorables.
Le Kenya figurant parmi les pays les plus ensoleillés au monde, la perspective d’étendre l’adoption de la lampe solaire comme source d’éclairage de remplacement assez bon marché, propre et à haut rendement est riche de promesses pour des millions de Kényans encore tributaires du kérosène pour subvenir à leurs besoins en éclairage.
Les avantages des lampes solaires of Sun King™ |
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Des projets couplés au réseau
Conformément à sa mission consistant à “concevoir et distribuer à la population kényane une énergie propre, moderne et à haut rendement”, REV travaille sur différents projets fondés sur l’éolien, la biomasse et le biogaz pour produire de l’énergie renvoyée sur le réseau électrique national. L’utilisation de techniques innovantes, par exemple dans le cadre de projets de transformation du biogaz en énergie, offre aux agriculteurs un “moyen extrêmement rentable de produire de l’électricité tout en recyclant les déchets”, ce qui leur permet de transformer un passif en un actif générant des revenus.
Afin de favoriser l’innovation dans le domaine des technologies relatives au climat, M. Nganga collabore avec l’IFC et le projet infoDEV de la Banque mondiale visant à créer un réseau mondial de Centres d’innovation en matière climatique (CIC). Les 30 CIC nationaux actuellement établis dans 30 pays fournissent un éventail de services et de financements à des entreprises spécialisées dans les technologies climatiques. L’objectif est de renforcer les capacités techniques, de faire obtenir des fonds de démarrage à des entrepreneurs actifs sur le marché des énergies renouvelables, de renforcer la sensibilisation du consommateur et de faciliter l’accès à l’information. Ces centres nationaux font partie d’un réseau mondial qui s’emploie à créer des possibilités en termes de collaboration, de transfert de technologie et d’accès à des marchés d’exportation. La question se pose alors de savoir à quel niveau intervient le système de propriété intellectuelle.
M. Nganga explique que si “les gens réfléchissent à la façon de conserver la propriété de leur technologie et de résoudre l’aspect économique de la question”, ils abordent rarement la question sous l’angle de la propriété intellectuelle; “or, c’est bien de cela qu’il s’agit”, précise-t-il. Il souligne à quel point il est important de sensibiliser à la question des droits de propriété intellectuelle dans le milieu des affaires et de l’investissement et indique que l’un des meilleurs moyens d’attirer les investisseurs et de tirer parti des ressources existantes consiste à “montrer sa valeur. Or être titulaire de droits de propriété intellectuelle est un excellent moyen pour ce faire”. C’est l’un des domaines dans lesquels, selon lui, “l’OMPI pourrait jouer un rôle de partenaire clé en veillant à ce que la propriété intellectuelle figure au premier plan des discussions”.
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1 http://www.africarenewables.com
2 Selon le programme “Éclairer l’Afrique” de la Banque mondiale et de la Société financière internationale.
3 Société financière internationale
4 http://www.lightingafrica.org
5 En novembre 2010, 500 lampes ont été achetées par l’Agence des États-Unis d’Amérique pour le développement international (USAID) dans le cadre de son Programme intégré d’assistance dans les domaines du SIDA, des populations et de la santé (APHIA II).
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