Sans compositeur, pas de chanson
Shontelle, auteur-compositeur-interprète
caribéenne (Photos: ShontelleOnline.com)
Shontelle Layne, auteur-compositeur-interprète caribéenne plus connue de ses fans sous le nom de “Shontelle”, fait son entrée sur la scène musicale internationale en 2007 lorsque l’équipe ayant découvert la célèbre artiste de R&B Rihanna lui fait une proposition de contrat qu’elle ne peut refuser. Shontelle doit son succès en tant qu’auteur-compositeur à sa capacité à mettre une histoire en paroles pour créer une chanson qui suscite un écho chez son public. Elle compose ses propres morceaux mais écrit aussi pour d’autres artistes, notamment Rihanna. Shontelle a compris dès le début qu’il était capital de gérer ses compositions, sa propriété intellectuelle, sous forme d’actif commercial. Elle s’est récemment entretenue avec le Magazine de l’OMPI au sujet des difficultés qu’elle a rencontrées en tant qu’auteur-compositeur, des enseignements qu’elle en a tirés et des espoirs qu’elle fonde dans l’avenir.
Les temps forts de sa carrière : |
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Auteur-compositeur ou interprète, quelle rôle préférez-vous?
Il est toujours difficile de répondre à cette question mais le rôle d’auteur-compositeur est très important à mes yeux. Sans auteur-compositeur, il ne peut pas y avoir de chanson. C’est un réel plaisir de savoir que mes textes et ma musique ont le pouvoir de susciter des émotions. Je pourrai aussi continuer d’écrire des chansons quand j’arrêterai la scène. Tant que mon cerveau me le permettra, j’écrirai de la musique et des textes. Les chansons sont éternelles.
Qu’avez-vous ressenti en voyant votre nom mentionné sur la liste des collaborateurs de l’album LOUD de Rihanna?
Il n’y a pas de mots pour l’exprimer. Il y a non seulement l’excitation d’être associée à une artiste d’une aussi grande envergure mais aussi le fait que deux Barbadiennes aient réalisé cet album ensemble, ce qui permet de mettre notre pays sous le feu des projecteurs. J’en suis très fière.
De quoi vit un auteur-compositeur?
Ce n’est pas très compliqué, il s’agit juste de gérer ses droits de propriété intellectuelle. Une équipe d’auteurs, de musiciens et de producteurs ou une partie d’entre eux compose une chanson. Ils décident ensuite du pourcentage des redevances que chaque auteur percevra, à savoir de leur “répartition”. Ces redevances correspondent en général à un pourcentage des recettes tirées de l’exploitation des morceaux de musique ou du prix fixé par exemplaire vendu. Les redevances sont versées à une société de perception qui les redistribue ensuite aux titulaires des droits d’auteur.
Il n’est pas rare que des compositeurs s’associent à des éditeurs et leur donnent l’autorisation de concéder des licences de synchronisation des morceaux sur différents supports (par exemple dans des films ou à la télévision) en échange d’un pourcentage des redevances. Un bon accord conclu avec un éditeur à la fois créatif et influent peut entraîner une hausse très sensible des recettes. Quand tout le monde, y compris la maison de disques, est satisfait des enregistrements sonores, ils sont pressés sur CD ou mis en ligne.
Néanmoins, avant de pouvoir tirer parti de vos droits de propriété intellectuelle en tant qu’auteur-compositeur, vous devez enregistrer votre œuvre auprès d’une société de perception. C’est elle qui calcule le montant des redevances qui doivent être payées en contrepartie de l’utilisation de votre œuvre, qui perçoit l’argent et qui veille à ce que soyez rémunéré.
Grâce aux conseils avisés de mon agent, Sonia Mullins, qui a insisté pour que j’adhère immédiatement à la fondation COSCAP, j’ai pu toucher une rétribution sur toutes mes compositions. J’ai appris dès le départ que tout ce que vous créez a de la valeur. Si vous créez une œuvre que des tiers souhaitent exploiter, vous avez le droit d’en tirer profit, mais vous n’en aurez pas la possibilité à moins d’avoir enregistré votre œuvre auprès d’une société de perception.
J’ai posé beaucoup de questions et j’ai étudié les sites Web de sociétés de perception du monde entier pour comprendre comment elles fonctionnaient. Il me paraissait impossible qu’une seule société de perception puisse suivre l’utilisation qui était faite de mes compositions sur l’ensemble de la planète. J’ai alors appris que plusieurs d’entre elles étaient affiliées et percevaient les redevances pour le compte les unes des autres et que, pour devenir membre, je devais verser un pourcentage des revenus que je percevais sous forme de redevances. Une fois que vous avez compris les détails du contrat et ce qu’il peut vous apporter, vous devenez un bon gestionnaire.
Ma propriété intellectuelle, ce sont mes paroles et ma musique. Je travaille très dur et si quelqu’un doit profiter de ces efforts, je préfère que ce soit moi.
Il est essentiel de s’entourer de conseillers dignes de confiance et de ne jamais sous-estimer la valeur de la connaissance. J’ai estimé que le meilleur moyen de tirer parti du succès de mes compositions et d’accroître leur valeur commerciale était de créer ma propre maison d’édition. À l’avenir, je pourrai ainsi engager de nouveaux auteurs et les aider dans leur carrière.
Les auteurs perçoivent-ils un versement initial ou seulement des redevances?
Ça dépend. Il arrive qu’un artiste me demande d’écrire une chanson et me propose un versement initial. Parfois, j’accepte d’écrire sans toucher de versement initial en contrepartie mais dans ce cas, je m’assure que je percevrai un pourcentage des redevances. Dans tous les cas, vous devez veiller à ce que l’accord vous soit favorable. Le meilleur moyen pour un compositeur de protéger ses intérêts, c’est de faire établir un contrat et de le signer, ce qui vous permet de recevoir la part qui vous revient de droit. Peu de gens respectant leurs promesses, les contrats sont essentiels.
Il m’est arrivé de voir ma musique paraître sans mon autorisation et sans qu’un accord de répartition des droits n’ait été conclu au préalable. Pour éviter qu’une telle situation se reproduise, je refuse désormais toute séance de travail en l’absence d’un contrat et d’un accord préalables sur la répartition des droits.
Comment se négocie un accord sur la répartition des redevances?
Lorsque plusieurs compositeurs travaillent sur une même chanson, en règle générale, ils se répartissent les redevances à parts égales. Néanmoins, il arrive parfois qu’une chanson soit presque achevée et que l’artiste ou le producteur déclare : “je crois que Shontelle devrait y apporter sa touche personnelle”; alors on m’appelle pour me demander d’écrire un ou deux couplets supplémentaires. En pareil cas, j’opte parfois pour un petit pourcentage et je termine la chanson. En réalité, tout se résume à ce dont vous convenez au préalable mais dans tous les cas, il est essentiel de tout mettre noir sur blanc. Une fois l’aspect juridique réglé, vous enregistrez votre chanson et percevez les redevances y afférentes.
Si vous venez de vous lancer dans le métier et que vous avez l’opportunité de composer une chanson pour un artiste célèbre, il se peut qu’au titre du contrat conclu avec sa maison de disques, cet artiste ait droit à un pourcentage des recettes d’édition de la chanson. C’est le cas de certains artistes prestigieux. Vous vous dites alors, “si je refuse, je rate cette opportunité, ma chanson ne sera pas interprétée et je ne me ferai pas connaître”. J’ai été dans ce cas. J’aimerais qu’il soit possible d’en finir avec cette pratique mais pour l’heure, les jeunes compositeurs ou musiciens ne peuvent rien y faire. C’est la raison pour laquelle il est si important d’être bien informé. Il est essentiel de savoir à quoi s’attendre et de s’y préparer intelligemment. Toute décision stratégique engage votre avenir.
L’image de marque d’un artiste est-elle aussi importante que sa musique?
Absolument. La gestion de son image joue un rôle très important dans le monde de la musique. J’ai commencé très tôt dans ma carrière à définir ma stratégie de marque. C’est une bonne idée de protéger tout ce qui vous définit; les formules que vous utilisez, par exemple, font partie de votre image de marque. Ce sont ces éléments qui définissent votre identité et l’artiste que vous êtes. Les marques et les accords dont elles font l’objet sont une source de revenus appréciable.
Pour renforcer mon image de marque et en tirer pleinement parti, je travaille avec deux sociétés de relations publiques. Il arrive que nous soyons directement contactés par ce type de société ou bien que nous les contactions nous-mêmes. Actuellement, nous collaborons avec d’autres marques comme CAT, Chrissy L., Cynthia Steffe, Guess ou Blackberry; nous nous sommes également associés à VEET et à Hanes.
On peut s’interroger sur ce qui pousse une marque connue à vouloir s’associer à un rappeur ou à un artiste pop. En réalité, les sociétés ont constaté que si une personne est célèbre, on cherche à l’imiter. Si une vedette de la musique pop porte telle ou telle marque par exemple, il y a de fortes chances que ses fans chercheront aussi à la porter.
Les tournées sont également l’un des meilleurs moyens de renforcer mon image de marque en tant que musicienne. Elles permettent au public de me voir en chair et en os et de mettre un visage sur mes chansons.
Que pensez-vous du piratage musical?
Le piratage, c’est du vol. Ceux qui s’emparent de votre musique, la vendent et en tirent profit vous volent une création à laquelle vous avez consacré énormément de temps et d’argent. C’est une activité criminelle et s’il y a peu de chances que l’on parvienne un jour à l’éradiquer complètement, il est possible de créer un environnement qui incite moins les gens à voler.
"L’un des gros problèmes avec le piratage, c’est qu’il est difficile de retrouver les coupables et de les faire payer. Aujourd’hui, on se montre moins tolérant vis-à-vis de cette pratique compte tenu de ses effets négatifs sur l’industrie et les artistes. Je pense que la solution pour mettre fin au piratage, c’est de faire en sorte qu’il soit plus facile d’acheter de la musique que de la voler."
Quels conseils donneriez-vous à des musiciens en herbe?
Il n’y a pas si longtemps encore, je n’avais signé chez aucune maison de disques. J’ai commencé à rechercher des opportunités, j’ai utilisé différents outils à ma disposition (MySpace, Facebook, YouTube…) et je me suis produite en concert pour mettre en valeur mon talent et me faire connaître. J’étais persuadée qu’un jour, je serais remarquée par la bonne personne. En réalité, la musique est un métier comme un autre, ce qui signifie qu’il est capital de se former, de se créer un public et d’acquérir un maximum de connaissances sur le monde musical. Plus vous le connaîtrez, plus vous pourrez en tirer profit. Naturellement, pour que votre activité évolue et prospère, il faut rester vigilant et s’entourer de collaborateurs dignes de confiance mais il faut avant tout se donner de la peine et provoquer les choses.
Quel est l’avenir de la musique dans les Caraïbes?
Les Caraïbes recèlent une mine de talents; nous avons par exemple Hal Linton, Damien Marley, Livvi Franc, Aaron Fresh, Sean Paul, Vita Chambers, Rihanna, Shaggy ou des groupes comme Cover Drive. Tous ont signé chez de grandes maisons de disques.
La musique a de la valeur, ce que nous devons toujours garder à l’esprit. Dans la région des Caraïbes, de nombreuses mesures peuvent être prises pour stimuler l’industrie musicale, par exemple en mettant l’accent sur le développement du contenu local, d’une grande richesse. On sous-estime vraiment la propriété intellectuelle et la valeur qu’elle représente.
Une nouvelle version de l’album No Gravity de Shontelle devrait paraître en fin d’année.
par Shalisha Samuel
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1 Un million d’exemplaires vendus
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