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Les cigarettes vous tueront : la Haute Cour d’Australie et le conditionnement neutre des produits du tabac

Février 2013

Par Matthew Rimmer, Future Fellow, Conseil australien de la recherche, et maître de conférences en propriété intellectuelle à l’Université nationale d’Australie

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le tabac est “le seul produit de consommation licite qui tue ceux qui en font l’usage prévu par le fabricant”.  Afin de décourager le tabagisme et de mettre en œuvre la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac, le Parlement australien a adopté la loi de 2011 sur le conditionnement neutre du tabac, en novembre de cette même année.  La législation a été appuyée par tous les grands partis politiques.


Photo: Packaging designs. Copyright
Commonwealth of Australia.

La ministre travailliste de la justice, Nicola Roxon, a indiqué que “[l]e conditionnement neutre représente la fin du côté ‘glamour’ du tabagisme;  désormais, les cigarettes sont reconnues pour ce qu’elles sont : des produits qui tuent et détruisent des milliers de familles en Australie”.

Le dirigeant de la coalition de l’opposition, Tony Abbott, a estimé qu’“[i]l s’agit d’une mesure sanitaire d’une grande portée.  Il est important de continuer de faire baisser les taux de tabagisme”.  Les Verts ont également appuyé cette mesure et recommandé au Future Fund (un fonds géré de manière indépendante, sur lequel le Gouvernement australien dépose son excédent budgétaire pour faire face aux engagements futurs en matière de retraites) de mettre fin à ses placements dans le secteur du tabac.

Le 1er décembre 2012, l’Australie est devenue le premier pays à exiger que les produits du tabac soient vendus sous un conditionnement neutre, de couleur vert olive.  La loi australienne de 2011 sur le conditionnement neutre du tabac édicte des règles concernant les emballages de vente au détail et l’aspect extérieur des produits du tabac, imposant un conditionnement neutre de couleur vert olive arborant des mises en garde pour la santé accompagnées d’illustrations de maladies liées au tabagisme.  L’objectif est d’améliorer la santé publique en décourageant les gens de fumer ou de consommer des produits du tabac.

Dès la promulgation de la loi, un certain nombre de sociétés productrices de tabac (British American Tobacco et Japan Tobacco International en tête) ont contesté la législation.  Le présent article fournit un “compte rendu-témoignage” des plaidoiries présentées en l’espèce devant la Haute Cour d’Australie, ainsi qu’une analyse de l’arrêt en faveur du Gouvernement australien (également appelé le “Commonwealth”).

Le recours

British American Tobacco et Japan Tobacco International ont formé un recours à l’encontre du Gouvernement australien devant la Haute Cour d’Australie au motif que la loi revenait à une acquisition de droits de propriété à des conditions moins qu’équitables, au sens de la Constitution australienne.  Phillip Morris Ltd et Imperial Tobacco ont obtenu de se joindre à l’instance aux côtés desdites sociétés.

Le Commonwealth était appuyé dans sa défense par les gouvernements du Territoire de la capitale australienne, du Territoire du Nord et du Queensland.  Le Cancer Council Australia a présenté des observations écrites, mais n’a pas été autorisé à intervenir. 

La Haute Cour d’Australie a entendu les arguments des parties du 17 au 19 avril 2012.  Les parties à la procédure se sont assuré le concours de batteries d’avocats, les débats ont fait l’objet d’une intense couverture médiatique et les galeries du public étaient pleines.

Les arguments des sociétés productrices de tabac

Les sociétés productrices de tabac se sont employées à démontrer que l’adoption du conditionnement neutre des produits du tabac revenait à une acquisition de droits de propriété à des conditions moins qu’équitables.

Il a beaucoup été question de savoir si le Commonwealth avait procédé à l’“acquisition” des marques de fabrique ou de commerce des entreprises du secteur.  L’avocat de Japan Tobacco International a fait valoir que “[l]a loi du Commonwealth, en ses termes, s’arroge le pouvoir de remplacer tout message que le Commonwealth choisira, sur ce que nous déclarons comme étant notre panneau publicitaire”.

Les sociétés productrices de tabac ont invoqué une vision large des droits de propriété au sens de la Constitution australienne, et fait valoir leurs droits sur différentes formes de propriété intellectuelle concernant les emballages, y compris les marques de fabrique ou de commerce, les brevets, les dessins et modèles, le droit d’auteur et la protection contre la commercialisation trompeuse.

Leurs avocats ont estimé que les droits de propriété intellectuelle des sociétés productrices de tabac étaient éteints, ou tout au moins qu’il leur avait été porté gravement atteinte.  “Selon nous, il a été fait main basse sur tout”, a déclaré l’un des avocats.

Il a beaucoup été question de la sémiotique des emballages et de la fétichisation explicite des paquets.  Les juges ont été invités à examiner attentivement les emballages des produits du tabac, et l’utilisation des mots, des couleurs, des emblèmes, des badges et des logos se rapportant habituellement aux boîtes de cigarettes a été discutée – avec des renvois à des exemples tels que les cigarettes Camel.

En tout état de cause, les juges ont mis en doute les analogies établies entre les questions de propriété (ayant trait à la propriété foncière) et les questions de propriété intellectuelle (concernant l’acquisition de droits de propriété).  Le juge Gummow a demandé si “[c]ertaines de ces affaires concern[ai]ent des biens incorporels[, et qu’il lui soit confirmé que] nombre des affaires aux États-Unis d’Amérique [avaie]nt trait à la propriété foncière”.  D’une manière surprenante, les débats ont peu porté sur les précédents australiens en matière de droit de la propriété intellectuelle et de droit constitutionnel, comme les affaires Grain Pool (Grain Pool of WA c. Commonwealth [2000], HCA14), Blank Tapes (Australian Tape Manufacturers Association Ltd c. Commonwealth (“Blank Tapes Levy case”) [1993] HCA 10) et Nintendo (Nintendo Co Ltd c. Centronics Systems Pty Ltd and others [1994], HCA27), ainsi que le récent arrêt Phonographic (Phonographic Performance Company of Australia Limited c. Commonwealth of Australia [2012] HCA 8).

Les sociétés productrices de tabac ont souhaité opérer une distinction entre les mises en garde illustrées et une “réglementation excessive” (conditionnement neutre).  Le juge Kiefel a répondu que “la réglementation p[ouvai]t être extrêmement restrictive, sans pour autant constituer une acquisition”.  British American Tobacco a fait valoir que des dommages-intérêts devraient être versés aux sociétés du secteur en cas d’avertissements pour la santé.  “Le fait qu’il s’agisse de messages de mieux-être ou de bons messages peut être souhaitable sur le plan social et, si tel est le cas, le Commonwealth devrait alors en assumer le coût”, ont-ils soutenu.

Les arguments des sociétés productrices de tabac concernant l’acquisition de droits de propriété m’ont, en tant que témoin de la procédure et expert en propriété intellectuelle, souvent paru des raccourcis théoriques.

La position du Commonwealth

Le Gouvernement du Commonwealth a défendu avec énergie la légalité et la constitutionnalité du conditionnement neutre des produits du tabac.  Dans ses observations, il a expliqué que ces mesures “vis[ai]ent à informer, à remédier aux risques pour la santé publique et à réduire les effets néfastes sur celle-ci qui [étaie]nt causés par la consommation des produits du tabac”.

Le Solicitor-General pour le Commonwealth, Stephen Gageler, a fait valoir que la loi n’était “pas différente en principe de toute autre norme en matière de spécification des produits ou d’informations sur les produits ou, même, de services devant faire l’objet d’une commercialisation”.

Il a relevé que “les informations devant figurer sur les produits du tabac ne différ[ai]ent des informations qui d[evai]ent systématiquement accompagner les produits thérapeutiques, les produits chimiques industriels, les poisons et autres produits dangereux pour la santé publique, que par l’intensité”.  Il a fait observer que “les illustrations obligatoires de mise en garde pour la santé [étaie]nt, à l’ère du numérique, la tête de mort, rien d’autre”.

Le Solicitor-General a indiqué qu’“il [étai]t faux de suggérer que le gouvernement se ser[vai]t des paquets de tabac comme de petits panneaux publicitaires”.  Il a réfuté le fait que le gouvernement se livrait à de la publicité, ou qu’il en tirait avantage, et a affirmé qu’une règle de conduite ne constituait pas une acquisition de droits de propriété.

Le gouvernement a souligné que la vente et les emballages de cigarettes étaient réglementés depuis longtemps en Australie et que le conditionnement neutre ne représentait que la dernière étape en date de ce processus.

Le Solicitor-General a argué que les droits réglementaires de propriété intellectuelle [étai]nt souvent modifiés, ajoutant qu’une marque de fabrique ou de commerce “d[evai]t au moins faire l’objet d’une interdiction ultérieure d’emploi afin de prévenir ou d’atténuer les risques pour le public ou la santé publique”.  En effet, l’article 8 de l’Accord de 1994 sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) dispose que “[l]es Membres pourront, lorsqu’ils élaboreront ou modifieront leurs lois et réglementations, adopter les mesures nécessaires pour protéger la santé publique et la nutrition”.  Le Solicitor-General a argué en outre que le concept de termes équitables soulevait des questions plus générales d’équité et de justice au regard de la Constitution.

Le Commonwealth a soutenu qu’il serait incongru d’indemniser les sociétés productrices de tabac, faisant remarquer : “[Q]ue la nation australienne qui représente la communauté australienne soit tenue d’indemniser les sociétés du secteur pour le préjudice résultant du fait qu’elles ne peuvent plus continuer de faire un usage préjudiciable de leurs droits de propriété va au-delà des exigences de toute notion raisonnable d’équité”.

L’arrêt de la Haute Cour d’Australie

Ayant annoncé en août 2012 qu’elle avait statué, la Haute Cour d’Australie a rendu publics, en octobre 2012, les motifs de son arrêt sur le recours formé par l’industrie du tabac contre la loi australienne sur le conditionnement neutre des produits du tabac.

À la majorité de six des sept juges, la Haute Cour a rejeté les arguments des sociétés productrices du secteur selon lesquels il y avait eu acquisition de droits de propriété au sens de la Constitution australienne.  Les juges représentant la majorité ont successivement qualifié le dossier des sociétés d’“illusoire”, de “raccourci”, de “théorique”, et comme présentant des défauts “irrémédiables” sur le plan de la logique et du raisonnement.  L’opinion dissidente a été formulée par le juge Heydon.

Santé publique, droits des consommateurs et étiquettes de mise en garde

Après avoir entendu des arguments détaillés, la Cour a examiné avec soin les objectifs de santé publique de la loi de 2011 sur le conditionnement neutre du tabac et les textes réglementaires connexes.

“De nombreux types de produits font l’objet d’une réglementation afin de prévenir ou de réduire les risques”, a expliqué le juge Kiefel, relevant que l’étiquetage était exigé pour les médicaments et les substances toxiques, ainsi que pour certains produits alimentaires, “pour protéger et promouvoir la santé publique”.

Examinant l’évolution passée de la réglementation australienne sur les produits du tabac, le juge a rendu compte succinctement des effets cumulés des mesures de santé publique et a estimé que le conditionnement neutre n’était que la dernière des nombreuses mesures de lutte contre le tabagisme en Australie.  Notant les liens qui existent entre ce dernier et les maladies mortelles, le juge Crennan a fait observer que la législation appliquait le droit international de la santé : “La loi sur le conditionnement a pour objet d’améliorer la santé publique et de donner effet à certaines obligations qui incombent à l’Australie, en tant que signataire de la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac.”

“Les dispositions législatives exigeant des fabricants ou des détaillants qu’ils apposent sur les emballages des produits du tabac des mises en garde destinées aux consommateurs contre les dangers liés à la consommation incorrecte ou à l’usage abusif certain d’un produit sont monnaie courante”, le juge Crennan a-t-il souligné avec insistance.

Les juges Hayne et Bell ont relevé qu’“[u]ne loi qui requiert que des étiquettes de mise en garde soient apposées sur les produits, même des étiquettes aussi complètes que celles exigées par la loi sur le conditionnement neutre, n’opère aucune acquisition de droits de propriété”.

Même le juge dissident, le juge Heydon, a qualifié les industriels du tabac de “pourvoyeurs” de “mensonges et [de] mort”.

Propriété intellectuelle et politique publique

Un axe important de l’arrêt a porté sur l’essence et le rôle du droit de la propriété intellectuelle.  Les juges, dans leurs opinions, ont fait valoir que le droit de la propriété intellectuelle visait à servir les objectifs des politiques publiques – et pas uniquement les intérêts privés des titulaires de droits.

Le juge président French a privilégié les aspects du droit de la propriété intellectuelle relatifs aux politiques publiques, remarquant que la législation sur les marques de fabrique ou de commerce avait “manifesté de temps à autre un sens inégal du compromis entre les intérêts commerciaux et les intérêts des consommateurs”.

Dans son “chant du cygne”, le juge sortant Gummow a observé que “la législation sur les marques de fabrique ou de commerce, d’une manière générale, ne confér[ait] aucun ‘monopole statutaire’, quel qu’il puisse être”.  Le juge a rappelé que la loi sur les marques de fabrique ou de commerce ne conférait “aucune liberté d’utiliser les marques déposées sans les restrictions qui figurent dans d’autres lois”.

Examinant l’essence du droit des marques moderne, le juge Crennan a rappelé que la raison d’être des marques de fabrique ou de commerce n’était pas seulement de distinguer les produits d’un titulaire enregistré de ceux d’un autre.  “Il est clairement apparu à mesure que leurs arguments progressaient [, a-t-il noté,] que ce à quoi les requérants s’opposaient avec le plus d’acharnement était l’appropriation ou l’extinction de la fonction publicitaire ou promotionnelle de leurs marques déposées ou de l’emballage de leurs produits, laquelle fonction était interdite par la loi sur le conditionnement.”

Le droit constitutionnel et l’acquisition de droits de propriété

La majorité des juges de la Haute Cour a estimé que la législation sur le conditionnement neutre ne revenait pas à une acquisition de droits de propriété.  Cet arrêt est conforme aux précédents en matière de droit de la propriété intellectuelle et de droit constitutionnel, telles les affaires Grain Pool et Nintendo ainsi que l’arrêt Phonographic.

Dans une opinion remarquable par sa clarté et sa précision, les juges Hayne et Bell ont décidé que “[l]a loi sur le conditionnement neutre n’[étai]t pas une loi par laquelle le Commonwealth acqu[érai]t des droits de propriété, aussi négligeables [fussent]-ils.  La loi sur le conditionnement neutre n’est pas une loi sur l’acquisition de droits de propriété.”

Le juge Kiefel a estimé que “[l’]objet statutaire premier de la loi sur le conditionnement [étai]t de dissuader les personnes concernées de consommer des produits du tabac.  Si cet objet devait être rempli, les activités des requérants pourraient être compromises, mais le Commonwealth n’acquiert pas ainsi quelque chose de l’ordre du droit de propriété lui-même”.

Le juge président French a jugé que les arguments avancés par les sociétés productrices de tabac comportaient des lacunes irrémédiables.

Dans son opinion dissidente, le juge Heydon s’est plaint d’une façon générale du fait que le gouvernement empiétait sur la clause d’acquisition de droits de propriété : “La flamme de la haine du gouvernement pour cette garantie constitutionnelle bénéfique, s 51(xxxi), peut vaciller, mais elle ne s’éteindra pas.  C’est la raison pour laquelle il sera toujours important de veiller à ce que cette flamme ne mette pas le feu aux poudres”.

Les conséquences de l’arrêt

L’arrêt concernant le conditionnement neutre des produits du tabac représente sans aucun doute un arrêt historique de la Haute Cour d’Australie en ce qu’il examine le droit de la santé publique, le droit de la propriété intellectuelle et le droit constitutionnel.  Il n’est certainement pas une bizarrerie du droit constitutionnel australien, comme l’a prétendu British American Tobacco.

La Haute Cour d’Australie est une juridiction supérieure très respectée;  l’influence du précédent qu’elle a créé se fera sentir dans le monde entier.  L’arrêt s’accorde en effet avec ceux de la Cour suprême du Canada et de la Cour suprême de l’Afrique du Sud en matière de santé publique et de lutte contre le tabagisme.

L’arrêt renforcera la position de l’Australie s’agissant des différends internationaux sur le conditionnement neutre des produits du tabac, dont sont par exemple saisis l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et les tribunaux d’arbitrage de différends relatifs à des investissements.

Il pourrait en outre encourager d’autres pays à faire partie d’une “révolution vert olive” et à adopter un conditionnement neutre standard de couleur vert olive assorti d’avertissements de grandes dimensions sur les dangers pour la santé des produits du tabac.

L’OMS a salué cet arrêt historique et appelé “le reste du monde à adopter une position aussi ferme que [celle de] l’Australie sur la commercialisation du tabac”, position pleinement conforme à la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac.  Le Directeur général de l’OMS, Mme Margaret Chan, a estimé que l’arrêt encouragerait d’autres pays à mettre en œuvre des mesures de lutte contre le tabagisme, comme le conditionnement neutre des produits du tabac, faisant remarquer qu’“avec la victoire de l’Australie, la santé publique entre dans une nouvelle ère de la lutte antitabac.  Le conditionnement neutre est un moyen extrêmement efficace de contrer les tactiques de commercialisation redoutables de l’industrie.  Il est par ailleurs tout à fait conforme aux dispositions de la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac.  Les poursuites judiciaires entamées par les grands cigarettiers font penser à la tentative de la dernière chance d’une industrie agonisante.  Alors que de si nombreux pays attendent d’emboîter le pas à l’Australie, il faut espérer un effet domino dans l’intérêt de la santé publique.  Cette affaire est suivie de très près par plusieurs autres pays qui envisagent des mesures analogues pour lutter contre le tabagisme”.  Mme Chan a prié instamment les autres pays de prendre des mesures en vue de réduire la demande et l’offre de produits du tabac, conformément à la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac.  L’Inde, la Nouvelle-Zélande, la Norvège, le Royaume-Uni et l’Uruguay tiennent tout particulièrement à suivre l’exemple australien.

L’arrêt de la Haute Cour d’Australie a renforcé la position australienne du point de vue du droit international.  En vertu de l’accord sur les ADPIC, l’Ukraine a cherché à contester la législation australienne sur le conditionnement neutre au moyen des procédures de règlement des différents de l’OMC (voir Affaire DS434).  Philip Morris a également cherché à contester la législation en vertu d’un traité d’investissement entre la Région administrative spéciale de Hong Kong et l’Australie.  Il a par ailleurs été plusieurs fois question de savoir si les mesures de lutte contre le tabagisme seront touchées par le partenariat transpacifique, en cours de négociation.

Crédit : Packaging designs © Commonwealth of Australia.  Images d’avertissements sanitaires utilisées avec la permission du Gouvernement australien.

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