La campagne algérienne de lutte contre le piratage
Par M. Ali Chabane, directeur de l’Office national du droit d’auteur (ONDA) (Algérie)
Dans le cadre d’une campagne nationale de lutte contre le piratage menée au début d’octobre 2012, plus d’un million de CD ou de DVD pirates ont été saisis, et détruits par les inspecteurs de l’Office national du droit d’auteur au cours d’une cérémonie publique à Alger. L’événement, qui s’est déroulé sous l’œil attentif de célébrités du monde de la musique et du cinéma, de représentants du gouvernement et de responsables de l’application des lois, a envoyé un signal clair eu égard à la ferme volonté du gouvernement de s’attaquer au piratage. L’Algérie a présenté sa campagne de lutte contre ce dernier lors de la réunion du Comité consultatif de l’OMPI sur l’application des droits (ACE) du mois de décembre 2012.
L’imposante saisie de copies illicites de CD, DVD,
VCD et de cassettes indique clairement que la stratégie
algérienne de lutte contre le piratage est efficace.
Avec un taux de piratage estimé aux alentours de 60%,
le piratage est l’un des principaux défis auxquels les
auteurs, musiciens, éditeurs et producteurs algériens
doivent faire face. (Photos: ONDA, Algeria).
Mise en œuvre par étapes de la stratégie de lutte contre le piratage
Cette imposante saisie de copies illicites indique clairement que la stratégie algérienne de lutte contre le piratage est efficace et commence à produire ses effets. “Cette stratégie est une réponse appropriée aux différents types d’infractions au droit d’auteur, dont sont victimes les créateurs et les artistes”, explique M. Sami Bencheikh, directeur général de l’ONDA. “Elle englobe une série de mesures alliant la suppression des activités de contrefaçon à la sensibilisation des consommateurs.”
L’ampleur du piratage, un défi complexe
Le piratage est l’un des principaux défis auxquels les auteurs, musiciens, éditeurs et producteurs algériens doivent faire face. Bien qu’ils soient difficiles à chiffrer, l’Office national du droit d’auteur estime aux alentours de 60% les taux de piratage portant atteinte à un large éventail de contenus créatifs (en particulier les musiques et les films), dont les éditions pirates sont disponibles sur de nombreux supports et formats (CD, VCD, DVD et version papier notamment).
Les défis auxquels l’Algérie est confrontée en matière de lutte contre le piratage sont, comme dans de nombreux autres pays, multiformes et complexes. La récente recrudescence du piratage enregistrée en Algérie s’explique par un certain nombre de facteurs, parmi lesquels la disponibilité généralisée des technologies à prix modique qui permettent plus facilement aux contrefacteurs de télécharger illégalement sur l’Internet des contenus créatifs et d’en reproduire des versions pirates. Les contrefacteurs n’ont pas besoin d’investir des sommes conséquentes pour être en mesure de générer un grand nombre de contenus créatifs illicites, avec lesquels ils peuvent ensuite inonder le marché via de puissants réseaux de distribution informelle.
Le problème est encore aggravé par le manque d’information en matière de propriété intellectuelle et le fait que les consommateurs sont attirés par ce qu’ils croient être une affaire intéressante. Ils peuvent se procurer des compilations “best of” de leurs artistes préférés à des prix défiant toute concurrence. D’une manière générale, ils ne saisissent pas qu’acheter un CD ou un DVD pirate menace la capacité des musiciens et des cinéastes de continuer à réaliser des chansons à succès et des films et revêt des conséquences très négatives sur le plan économique. Le piratage menace la source de revenu des créateurs et si nous voulons garantir un flux régulier de contenus riches et divertissants, et veiller à ce que le secteur créatif du pays ne cesse de prospérer, nous devons y mettre un terme.
De lourdes pertes pour les auteurs
En 2011, les redevances perçues par l’Office national du droit d’auteur au titre des droits d’enregistrement et de reproduction ont été de 36% inférieures aux montants reçus en 2008. Au cours de cette période, de nombreuses entreprises ont été obligées de fermer boutique et plusieurs maisons de disques ont cessé leurs activités, entraînant de grandes pertes d’emplois et de lourdes pertes de revenus pour les auteurs, les musiciens, les éditeurs, les producteurs et le gouvernement. Il s’est agi là d’une évolution alarmante et sans précédent du secteur de la distribution des produits culturels en Algérie.
“Bien qu’en 2011 nous ayons su, dans une certaine mesure, arrêter la baisse inquiétante des revenus des auteurs et des éditeurs de musique, il reste encore beaucoup à faire pour en finir avec ce fléau”, précise M. Bencheikh.
La ministre algérienne de la culture,
Mme Khalida Toumi, a souligné la détermination du
gouvernement à lutter contre toutes les formes
d’atteinte aux droits de propriété intellectuelle.
(Photo ONDA, Algeria).
Un cadre juridique moderne
Révisée en 2003 pour être conforme aux normes internationales en matière de protection des droits de propriété intellectuelle, la législation algérienne sur le droit d’auteur et les droits connexes constitue un cadre efficace de lutte contre les violations du droit d’auteur. Elle octroie aux fonctionnaires chargés du respect des lois ainsi qu’aux inspecteurs de l’ONDA des pouvoirs étendus leur permettant d’effectuer des perquisitions, de consigner les violations du droit d’auteur et, le cas échéant, de saisir et de conserver les CD, cassettes, DVD et VCD contrefaits. Les peines sévères qu’elle prévoit sont conçues pour décourager les contrefacteurs de poursuivre leur activités illicites.
Une nouvelle stratégie
La récente crise qui a frappé le secteur de la création en Algérie – à savoir la baisse spectaculaire des revenus des créateurs et des producteurs, conséquence directe du piratage – alimente les efforts de lutte contre ce commerce illicite de produits pirates. L’Algérie est en train de redéfinir sa stratégie de lutte contre le piratage et redouble d’efforts à l’heure actuelle pour préserver les intérêts économiques à long terme de son secteur créatif, de valeur. Sa nouvelle stratégie de lutte contre le piratage s’inspire des meilleures pratiques internationales et vise à mettre un terme au commerce des produits pirates en ciblant :
- un accroissement du nombre des inspections des points de vente et des marchés;
- l’élaboration de campagnes médiatiques et éducatives de sensibilisation du public à la lutte contre le piratage, destinées à inculquer le respect des droits de propriété intellectuelle;
- la formation des fonctionnaires chargés du respect des lois (y compris des autorités judiciaires et des services de police) sur les questions relatives au respect des droits de propriété intellectuelle;
- la mise en place de mécanismes permettant d’améliorer la coordination interinstitutionnelle en matière de lutte contre le piratage.
Améliorer la coordination interinstitutionnelle
Afin de renforcer les mécanismes de coordination entre les différents services chargés de lutter contre les atteintes au droit d’auteur et le piratage, l’ONDA et la Direction générale de la sûreté nationale ont récemment officialisé leur coopération déjà ancienne. Dans le prolongement de la cérémonie publique de destruction qui a eu lieu en octobre 2012, les deux organismes ont signé un accord visant au renforcement de la coopération dans la lutte contre le piratage. L’accord a été signé en présence de la ministre algérienne de la culture, Mme Khalida Toumi, et d’un certain nombre de célébrités du monde de la musique et du cinéma algérien, ainsi que de personnalités.
Prenant la parole à l’occasion de l’ouverture de la cérémonie, la ministre de la culture a souligné la détermination du Gouvernement algérien à lutter contre toutes les formes d’atteinte aux droits de propriété intellectuelle. La ministre en a profité pour annoncer que l’Office national du droit d’auteur lancerait une importante campagne de sensibilisation à la propriété intellectuelle en 2013, destinée à informer les utilisateurs et les consommateurs des conséquences négatives particulièrement lourdes du piratage eu égard aux intérêts légitimes des auteurs et des artistes ainsi qu’aux intérêts sociaux et économiques à long terme du pays.
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