Faire mieux connaître la propriété intellectuelle à Antigua-et-Barbuda
Par Catherine Jewell, Division des communications de l'OMPI
Les îles d’Antigua-et-Barbuda sont réputées pour leurs
plages immaculées. Pour tirer le meilleur parti sur le
plan économique des nombreuses ressources encore
inexploitées du pays, le gouvernement veille à la mise
en place d’un système de propriété intellectuelle
efficace. (Photo: istockphoto guvendemir)
Antigua-et-Barbuda, surnommée l’île aux 365 plages, est un État niché entre la mer des Antilles et l’océan Atlantique. Composé de deux îles, il se targue d’un riche héritage culturel, d’une scène musicale extrêmement dynamique et de quelques-uns des plus grands athlètes au monde, dont une légende du cricket, Vivian Richards. Son économie est dominée par le tourisme, les services financiers et un secteur des techniques de l’information et de la communication en plein essor. Dans ce contexte, la propriété intellectuelle peut-elle présenter un intérêt pour ce pays d’à peine plus de 85 000 habitants? Des mesures sont-elles prises pour mettre en valeur son secteur de la création et sensibiliser les habitants aux questions de propriété intellectuelle? Joanne Massiah, sénatrice et ministre en charge de la propriété intellectuelle, et Ricki Camacho, directrice des services d’enregistrement de l’Office de la propriété intellectuelle et du commerce d’Antigua-et-Barbuda, nous éclairent à ce sujet.
En quoi la propriété intellectuelle est-elle importante pour Antigua-et-Barbuda?
Mme Massiah : Nous voyons dans la propriété intellectuelle un moyen de mieux faire connaître la créativité de nos concitoyens et d’ouvrir de nouvelles perspectives économiques pour notre pays, notamment en ce qui concerne les industries de la création. Notre gouvernement est fermement résolu à garantir la protection pleine et entière des droits de propriété intellectuelle de nos créateurs et inventeurs en veillant à la mise en place des législations et réglementations nécessaires. La région des Antilles est réputée pour la richesse de ses œuvres littéraires et artistiques, le calypso, le reggae, le dancehall et le patrimoine qui en découle. Une grande partie des ressources de cette région restent encore inexploitées et nous tenons à nous assurer qu’un système de propriété intellectuelle efficace est bien en place pour tirer le meilleur parti de leur valeur économique, dans l’intérêt de notre pays et de nos concitoyens.
Quelles sont vos principales priorités en matière de propriété intellectuelle?
Mme Camacho : L’une des grandes priorités de notre gouvernement est de créer un office de propriété intellectuelle moderne et entièrement équipé afin de proposer une gamme complète de services de propriété intellectuelle. Nous procédons actuellement à une révision de notre législation en matière de propriété intellectuelle afin de déceler quels aspects doivent être renforcés pour être en conformité avec l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce et avec l’Accord de partenariat économique de l’Union européenne.
L’expérience m’a néanmoins appris que créer un système de propriété intellectuelle efficace et encourager les entrepreneurs locaux à y faire appel est un processus évolutif qui demande un effort constant. Il faut aller de l’avant, apprendre de ses erreurs et être le plus possible à l’écoute des personnes qui utilisent nos services pour mieux cerner leurs besoins.
Mme Massiah : Nous prenons également des mesures, avec le concours de l’OMPI, pour enregistrer notre fruit national – le célèbre ananas noir d’Antigua, connu pour être le plus sucré au monde – en tant qu’indication géographique. La douceur et la texture de l’ananas noir, ainsi désigné du fait du sol limoneux sur lequel il pousse, sont sans égales et, selon les agronomes, c’est aux conditions particulières de la zone de l’île où il est cultivé qu’il doit son caractère unique. Naturellement, en termes de propriété intellectuelle, nous tenons à exploiter tout le potentiel de ce fruit hors du commun, d’une qualité exceptionnelle.
Drastic, le jeune chanteur de soca, appuie la campagne
d’éducation de l’Office de la propriété intellectuelle et
du commerce d’Antigua-et-Barbuda en se rendant
dans des écoles pour faire part de son expérience de
l’industrie de la musique et expliquer pourquoi la
protection au titre de la propriété intellectuelle est si
importante. Source : Drastic auprès d’élèves :
Office de la propriété intellectuelle et du commerce
d’Antigua-et-Barbuda Antigua
Mme Camacho : Faire mieux connaître la propriété intellectuelle est une autre de nos priorités. Nous nous employons avec la plus grande énergie à faire en sorte que les responsables de l’élaboration des politiques et le grand public saisissent pleinement les enjeux des questions de propriété intellectuelle. Changer la perception du rôle de la propriété intellectuelle et sensibiliser à l’intérêt qu’elle présente dans pratiquement tous les aspects de la vie quotidienne, mais aussi pour la croissance économique et le développement de notre pays, est un défi permanent.
Nous avons constaté que si le terme “propriété intellectuelle” paraît à la mode dans notre société, les droits de propriété intellectuelle prêtent encore énormément à confusion. Ainsi, certains déclarent souhaiter protéger leur droit d’auteur alors qu’en réalité, ils veulent enregistrer leur marque. D’autres prétendent vouloir publier une idée relative à une nouvelle technique sans avoir conscience que ce faisant, ils réduiront à néant la nouveauté de l’invention, laquelle ne pourra donc plus être brevetée. Face à cette situation, nous avons mis au point tout un éventail de stratégies pour aider les gens à prendre conscience qu’il existe différents types de droits de propriété intellectuelle pour protéger différents aspects d’un produit.
Quels moyens utilisez-vous pour sensibiliser aux questions de propriété intellectuelle?
Mme Massiah : Il y a quelques années, nous nous sommes rendu compte qu’en amenant les jeunes à découvrir et à prendre conscience de la valeur de la propriété intellectuelle, et en stimulant leur propre sens de la créativité grâce à une récompense sous une forme ou sous une autre, nous pouvions leur apprendre dès le plus jeune âge en quoi consiste la propriété intellectuelle et leur expliquer le rôle crucial qu’elle joue. Cette approche permet également d’inciter à un plus grand respect vis-à-vis des biens d’autrui – droits de propriété intellectuelle y compris – et de susciter un vif enthousiasme à l’idée de pouvoir exploiter sa propre créativité.
Les activités mises en place chaque année à l’occasion de la Journée mondiale de la propriété intellectuelle sont au cœur de notre stratégie de sensibilisation. Ces deux dernières années, en collaboration avec la banque Scotia, nous avons organisé des concours littéraires à l’intention d’élèves du primaire et du secondaire. Ces concours ont remporté un énorme succès, notamment dans le primaire, et nous entendons les renouveler et les faire fructifier.
Mme Camacho : Nous nous appuyons désormais sur les réussites du passé et saisissons les opportunités offertes par diverses plates-formes médiatiques comme YouTube ou Facebook, qui semblent faire partie du quotidien de la plupart des jeunes, ainsi que par nos chaînes de télévision et de radio locales, sans parler des sites Web, naturellement, pour transmettre notre message.
L’ananas noir d’Antigua, qui pousse
sur un sol sombre et limoneux, est
réputé pour la douceur de sa chair.
Avec le soutien de l’OMPI, le
gouvernement d’Antigua-et-Barbuda
s’emploie à l’enregistrer en tant
qu’indication géographique.(Photo:
istockphoto DustyPixel)
Cette année, dans la perspective de la Journée mondiale de la propriété intellectuelle 2013, nous avons collaboré avec un jeune producteur à la mode et d’autres artistes locaux pour réaliser une campagne de sensibilisation aux questions de propriété intellectuelle axée sur différents aspects du système de propriété intellectuelle. Notre message se devait d’être accrocheur et chacun devait pouvoir s’y identifier. En définitive, nous leur avons donné carte blanche s’agissant de la création et de la conception du message, et l’un des principaux enseignements que j’ai tirés de cette expérience, c’est qu’il est important de prendre du recul et de laisser l’artiste exprimer sa créativité. C’est ce qu’il fait de mieux. Le résultat fut stupéfiant.
Dès le départ, ils ont eu la certitude qu’utiliser l’image de personnalités connues et respectées serait la clé de la réussite de la campagne. Ils ont donc fait appel à toute une palette de grandes figures locales, à commencer par Drastic, un jeune chanteur de soca très populaire dans le pays, lequel a également appuyé notre campagne d’éducation en se rendant dans des écoles pour faire part de son expérience de l’industrie de la musique et expliquer pourquoi la protection au titre de la propriété intellectuelle est si importante. Ils ont aussi sollicité l’artiste Heather Doram, créatrice de notre costume national, la poétesse Toya Turner, un groupe de calypso, ou encore le cinéaste Bert Kirschner, organisateur de plusieurs festivals du cinéma sur l’île. La campagne eut un impact prodigieux.
Faire appel à des artistes pour transmettre des messages par le biais de la télévision, de la radio, de vidéos et des médias sociaux a contribué au dynamisme et à l’efficacité de cette campagne. Parallèlement, collaborer avec une agence de relations publiques énergique, capable de concevoir un message qui entre en parfaite résonance avec notre principal public cible, les jeunes, a fortement contribué à sa réussite.
Les activités que nous organisons chaque année à l’approche de la Journée mondiale de la propriété intellectuelle jouent un rôle très important à Antigua-et-Barbuda. Le soutien de la banque Scotia dans le cadre de son programme “Un avenir meilleur” et d’autres sociétés partenaires comme LIME, qui a offert un téléphone au lauréat du secondaire du concours littéraire, est inestimable. Les médias sont très présents à l’occasion de la Journée mondiale de la propriété intellectuelle. Ils appuient toutes nos manifestations et portent un réel intérêt à nos activités.
Comment envisagez-vous vos prochaines campagnes de sensibilisation à la propriété intellectuelle?
Mme Massiah : À l’avenir, nous envisageons de faire appel à un nombre bien plus important d’artistes et de demander aux principaux responsables de l’élaboration des politiques de soutenir nos campagnes. Pour bien faire, nous aimerions voir cette initiative s’étendre à tous les pays de l’Organisation des États des Caraïbes orientales, car les différents produits, talents et créations exportés par notre région dans le monde ont réellement besoin d’être mieux protégés. Si nous parvenions à rassembler tous les artistes de notre région, nous aurions la possibilité d’envoyer un message extrêmement fort quant au rôle de la propriété intellectuelle et à notre détermination commune à protéger les droits des créateurs.
Malheureusement, en ce qui concerne le piratage, nous constatons que de nombreux artistes d’Antigua-et-Barbuda mettent en pratique l’expression “à défaut de pouvoir le vaincre, rallie-toi à ton ennemi”. De nombreux vendeurs proposent ouvertement des morceaux de musique piratés au coin de la rue et certains artistes les abordent en leur tenant le discours suivant : “Puisque tu veux vendre ma musique, on va conclure ensemble une sorte de marché et tu vas me reverser un pourcentage de tes ventes”. Or, cette approche n’est absolument pas adaptée car elle perpétue le piratage.
Pour encourager la créativité, nous devons lutter sans relâche contre le piratage. Nous sommes convaincus que notre nouvelle stratégie en matière de sensibilisation aux questions de propriété intellectuelle, qui consiste à mettre l’accent sur la somme d’efforts que demande une œuvre de création ou un produit, permettra au public de mieux apprécier les artistes et leur travail. Tout en reconnaissant que nous ne parviendrons jamais à éradiquer complètement le piratage ou les atteintes aux droits de propriété intellectuelle, nous pouvons nous employer avec énergie à réduire sensiblement cette pratique illégale.
Pour y parvenir, nous devons faire davantage connaître les effets à long terme du piratage et travailler avec les entreprises locales pour que leurs activités en matière de respect des droits de propriété intellectuelle ne cessent de gagner en efficacité. Il importe également d’amener les différents acteurs de la région chargés de l’application de la loi – autorités douanières, forces de police, juges et magistrats – à conjuguer leurs efforts et à favoriser une démarche mieux coordonnée pour arrêter les contrevenants et réduire le piratage, voire l’éradiquer.
Mme Camacho : Il importe de sensibiliser au caractère pluridisciplinaire et transversal de la propriété intellectuelle et de mettre en place une stratégie plus coordonnée au niveau gouvernemental. Ainsi, nous créons actuellement divers comités pluridisciplinaires, à l’image du Comité directeur sur l’ananas noir d’Antigua-et-Barbuda, pour nous assurer que cet atout à fort potentiel économique sera protégé selon une approche plus concertée. Malheureusement, la valeur économique de la propriété intellectuelle est parfois négligée au profit d’autres préoccupations économiques à plus court terme.
Mme Massiah : Il est très précieux de pouvoir adopter une démarche multilatérale pour instaurer des systèmes, des politiques et des activités de sensibilisation aux questions de propriété intellectuelle qui nous permettront de protéger les droits des artistes, des inventeurs et des créateurs. Nous avons bénéficié d’un formidable soutien de la part de plusieurs pays et organisations pour mettre en place et consolider le système de propriété intellectuelle d’Antigua-et-Barbuda. Il reste encore beaucoup à faire, mais nous sommes sur la bonne voie et extrêmement reconnaissants pour l’aide que nous avons reçue jusqu’ici.
En 2013, l’Office de la propriété intellectuelle et du commerce d’Antigua-et-Barbuda, en collaboration avec la banque Scotia, a organisé un concours littéraire à l’intention d’élèves du primaire et du secondaire. Voici quelques extraits des textes lauréats :
Kevin Alexander, 10 ans. Sujet : Grâce à tes super pouvoirs, tu es projeté en 2050. Décris ta vie d’élève.
De gauche à droite : M. Alwyn Crump, Responsable
grands comptes, LIME; M. Kevin Alexander, lauréat
du concours littéraire pour les élèves du primaire, et
M. Gordon Julien, directeur, banque Scotia.
(Source : New Media)
“J’attrape la télécommande à côté du lit et j’appuie sur le premier bouton. Mon uniforme scolaire, mes chaussures et tout ce dont j’ai besoin sortent automatiquement du placard. J’appuie alors sur le deuxième bouton et mon cartable, posé sur une étagère, apparaît. J’appuie sur d’autres boutons pour changer d’éclairage, allumer une immense télévision numérique à écran plat et écouter ma musique préférée. Il est six heures du matin et j’entends maman qui m’appelle. […] Je me dirige vers la salle de bains où un bras mécanique commence à me brosser les dents et rince ma bouche automatiquement. […] En 2050, tout est numérique et les appareils sont à activation vocale. Je m’habille, je prends mon petit déjeuner et je pars à l’école.
La voiture de maman est bizarre mais j’aime bien. Les portières s’ouvrent toutes seules et on monte dedans. Il n’y a pas de volant, rien que des boutons. Ma mère place sa main sur le lecteur d’empreinte et la voiture démarre. Elle dit juste “école” et nous voilà partis. En chemin, le journal télévisé apparaît sur un petit écran. Antigua a changé. […] Nous avons des voitures volantes, c’est incroyable. Cinq minutes plus tard, nous arrivons à l’école. […]
Un par un, mes copains et moi traversons un portique qui nous scanne et indique notre nom et les cours que nous devons suivre. […] Il n’y a aucun professeur. Les chaises et les bureaux sont munis de petits écrans et de lecteurs d’empreinte avec notre nom. […] Chaque élève place sa main sur le lecteur, ce qui fait s’allumer notre bureau et démarrer le premier cours. Après la récréation, on suit un cours de physique, de sciences humaines et de lecture. […] Un grand écran nous indique que c’est la fin des cours.
On passe à nouveau à travers le portique. Maman m’attend devant l’école et la portière de la voiture s’ouvre automatiquement. On rentre à la maison en volant. C’est génial d’aller à l’école en 2050.”
Terrikia Benjamin, 15 ans. Sujet : Lutter contre une utilisation irresponsable et dévastatrice de la technologie
“La technologie imprègne tout notre quotidien. […] On peut même affirmer qu’elle est la pierre angulaire de notre société. On la trouve dans les foyers, les écoles, les églises, les centres médicaux, les entreprises. De fait, elle peut être bénéfique car elle a la capacité d’améliorer notre mode de vie, comme en témoignent les grandes avancées faites dans les secteurs de la banque et de l’enseignement. Pour autant, elle peut aussi être néfaste lorsqu’elle est utilisée à mauvais escient, dans le cadre d’activités irresponsables, criminelles et destructrices, par exemple la propagation de virus, le piratage informatique, le harcèlement en ligne ou la publication d’images ou de contenus inappropriés. Face à cette situation, les organes gouvernementaux, les organismes de réglementation et les concepteurs doivent prendre des mesures énergiques et novatrices pour lutter contre ce genre de pratiques délétères.”
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