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Un traité historique ouvre de nouveaux horizons pour les déficients visuels

Août 2013

Les États membres de l’OMPI ont récemment conclu un accord historique qui favorisera l’accès au niveau mondial des déficients visuels et des personnes ayant des difficultés de lecture des textes imprimés à la littérature, au divertissement et à l’apprentissage, un aboutissement qui a été largement salué comme un triomphe du multilatéralisme.

(Photo: WIPO/Berrod)
Adopté par les États membres de l’OMPI en juin 2013, le Traité de Marrakech cherche à remédier à la pénurie de livres qui empêche des millions de déficients visuels d’accéder à l’essentiel des œuvres publiées dans le monde.

Au terme de cinq années d’intenses négociations, le 27 juin 2013 à l’occasion d’une conférence diplomatique organisée au Royaume du Maroc, les 186 États membres de l’OMPI ont adopté le Traité de Marrakech visant à faciliter l’accès des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant d’autres difficultés de lecture des textes imprimés aux œuvres publiées. Pourquoi ce traité historique était-il nécessaire et comment améliorera-t-il l’accès des personnes ayant un handicap visuel aux œuvres publiées partout dans le monde?

La législation internationale relative au droit d’auteur : la recherche d’un équilibre

Depuis la conclusion en 1886 du tout premier traité international sur le droit d’auteur, la Convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques, la législation internationale sur le droit d’auteur reconnaît la nécessité de trouver un équilibre entre les droits des auteurs d’œuvres de création et l’intérêt public. Elle prévoit à cet effet des dispositions particulières connues sous le nom de “limitations et exceptions”. Au terme de ces dispositions particulières, la Convention de Berne et les autres traités ultérieurs sur le droit d’auteur exemptent certaines utilisations des œuvres protégées de l’obligation d’obtenir l’autorisation du titulaire des droits. Il appartient aux autorités nationales de définir à quels “cas spéciaux” s’appliquent ces dispositions, la seule condition étant que la reproduction de l’œuvre à ce titre “ne porte pas atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre ni ne cause un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l’auteur”.

En pratique, les limitations et exceptions prévues dans les législations nationales sur le droit d’auteur présentent une grande diversité. Une étude menée par l’OMPI en 2006 a montré que seuls 57 pays prévoyaient dans leur législation relative au droit d’auteur des dispositions particulières pour les déficients visuels. De surcroît, compte tenu de la nature territoriale du droit d’auteur, même si ces exceptions sont prévues au titre de la législation nationale, elles ne s’appliquent pas à l’importation ou à l’exportation d’œuvres converties en formats accessibles (par exemple les versions en braille, en gros caractères ou audionumériques des œuvres), même entre des pays ayant des règles similaires. Il s’ensuit que les organisations souhaitant produire des œuvres dans des formats accessibles doivent négocier avec les titulaires de droits pour échanger des œuvres en format spécial d’un pays à l’autre, ou payer pour produire leurs propres versions.

La complexité de cette situation permet de mieux comprendre pourquoi, selon l’Union mondiale des aveugles, sur les millions d’ouvrages publiés chaque année dans le monde, moins de 5% le sont dans des formats accessibles aux déficients visuels. De même, elle permet de mieux saisir pourquoi, par exemple, il est impossible à la bibliothèque de l’Organisation nationale des aveugles espagnols (ONCE), qui détient plus de 100 000 titres, et à son homologue en Argentine, qui en compte plus de 50 000, de partager ces œuvres avec les 19 pays autres hispanophones d’Amérique latine.

Conscients de la nécessité de résoudre ce problème, les États membres de l’OMPI commencèrent en 2004 à réfléchir à la question de savoir si les limitations et exceptions relatives au droit d’auteur en général devaient faire l’objet d’une harmonisation au niveau international. L’adoption de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées imprima un nouvel élan à ces discussions concernant les déficients visuels et des appels furent lancés en faveur de l’adoption d’un traité officiel qui remédie à la situation de la communauté mondiale des personnes atteintes de déficience visuelle. Ces discussions ont abouti, en juin 2013, à l’adoption d’un texte historique : le Traité de Marrakech.

L’objet du traité

Le Traité de Marrakech cherche à remédier à la pénurie de livres qui empêche des millions de déficients visuels d’accéder à l’essentiel des œuvres publiées dans le monde. Il demande aux pays qui acceptent d’être liés par ses dispositions (les “Parties contractantes”) de prévoir dans leur législation nationale des clauses autorisant la reproduction, la distribution et la mise à la disposition du public d’œuvres publiées dans des formats accessibles au moyen de limitations et d’exceptions aux droits des titulaires de droit d’auteur.

(Photo: WIPO/Berrod)
La légende de la musique, Stevie Wonder, qui avait suivi de près les négociations, a instamment prié les gouvernements d’accorder la priorité à la ratification du traité.

Il permet également l’échange transfrontière d’exemplaires en formats accessibles par des organisations au service des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant des difficultés de lecture des textes imprimés. Ce traité international est le premier à prévoir une harmonisation des différents types de dispositions particulières à l’échelle mondiale, ce qui permettra aux organisations d’échanger plus facilement des œuvres en formats accessibles avec leurs homologues à l’étranger. Ce faisant, les doubles emplois seront éliminés, l’efficacité renforcée et les coûts de production réduits. Plutôt que de voir plusieurs pays réaliser des copies d’une même œuvre en format accessible, chaque pays pourra produire une œuvre adaptée différente et l’échanger ensuite avec d’autres pays.

“C’est une formidable avancée pour la communauté internationale”, a déclaré le Directeur général de l’OMPI, M. Francis Gurry, notant la “diversité des intérêts” dans ce dossier et saluant le travail des négociateurs et leur capacité à parvenir à un accord en vue d’instaurer un cadre “simple, réaliste et efficace” qui respecte l’architecture internationale du système du droit d’auteur. “Ce traité a permis de concilier au plus juste les différents intérêts convergents en la matière. Il fera date. Il aura une incidence concrète et positive et contribuera à remédier à la pénurie de livres dont les personnes souffrant de déficience visuelle pâtissent depuis trop longtemps.”

“C’est un miracle!” s’est exclamé le président de la Conférence diplomatique de l’OMPI, M. Mustapha El Khalfi, ministre marocain de la communication. “Ce qui vient de se passer ici à Marrakech est synonyme d’espoir pour la communauté des malvoyants et pour la communauté internationale. Nous sommes en train de donner un visage humain à la mondialisation.”

À quelle date entrera-t-il en vigueur?

Le Traité de Marrakech entrera en vigueur dès que 20 États membres de l’OMPI auront accepté d’être liés par ses dispositions par le biais d’un processus de ratification ou d’adhésion. Le traité constituant désormais une réalité, les travaux ont démarré pour veiller à ce qu’il soit adopté par le plus grand nombre possible d’États membres, de sorte que toutes les personnes auxquelles il s’adresse puissent bénéficier des avantages qui en découleront. Peu après l’adoption du traité, la légende de la musique, Stevie Wonder, qui avait suivi de près les négociations, a félicité les négociateurs internationaux pour avoir réussi à conclure le traité mais a pressé les gouvernements de le ratifier. “Je demande respectueusement et instamment à tous les gouvernements et à tous les pays d’accorder la priorité à la ratification de ce traité, de sorte qu’il devienne une loi dans vos pays et États respectifs”, a-t-il déclaré devant les délégués lors de la cérémonie de clôture de la Conférence diplomatique de l’OMPI.

La plate-forme des parties prenantes pour les déficients visuels et les personnes ayant des difficultés de lecture des textes imprimés de l’OMPI

En sus des mesures juridiques visant à améliorer l’accès des personnes souffrant d’un handicap visuel aux œuvres publiées prévues au titre du Traité de Marrakech, plusieurs initiatives concrètes destinées à accroître le nombre d’œuvres publiées dans des formats adaptés mises à leur disposition sont également à l’étude.

En 2008, le Comité permanent du droit d’auteur et des droits connexes (SCCR) a pris la décision de créer au sein de l’OMPI une plate-forme des parties prenantes. Elle a pour objectifs, premièrement, d’améliorer dans les meilleurs délais l’accès aux œuvres en gros caractères, en braille et en d’autres formats et deuxièmement, de réduire la production inutile et coûteuse d’une multitude de copies d’une même œuvre par des organisations de différents pays au service de personnes souffrant de déficience visuelle en facilitant l’échange entre pays de ces œuvres.

TIGAR

Baptisé TIGAR, le projet de réseau du système de ressources mondialement accessibles des intermédiaires de confiance a été lancé en 2010. Ce projet pilote rassemble plusieurs institutions au service de la communauté des déficients visuels dans le but de faciliter l’accès aux titres dans des formats adaptés par exemple audio, gros caractères ou Braille. “TIGAR est un partenariat public-privé visant à faciliter l’accès des personnes souffrant de déficience visuelle à des œuvres en formats accessibles dans le monde entier”, a déclaré le Directeur général de l’OMPI, M. Francis Gurry. “Il vient compléter le cadre prévu au titre du Traité de Marrakech récemment adopté en instituant un système opérationnel pour remédier à la pénurie de livres dont les personnes souffrant de déficience visuelle pâtissent depuis trop longtemps. TIGAR est un précieux instrument qui vise à garantir aux déficients visuels un meilleur accès aux œuvres publiées et qui devrait ouvrir de nouvelles perspectives dans les domaines de la littérature et de l’apprentissage.”

Ce projet prévoit la création d’une base de données renfermant des titres d’ouvrages en formats accessibles que les organisations participantes du monde entier pourront consulter afin de se procurer ces ouvrages. Il prévoit également la mise en place des systèmes requis pour le transfert transfrontalier de ces œuvres en différents formats. La base de données contient désormais quelque 200 000 titres consultables, assortis d’informations sur les formats disponibles et sur les organisations participantes auprès desquelles ils peuvent être obtenus. Plusieurs des intermédiaires qui participent au projet ont d’ores et déjà entrepris d’intégrer ces titres dans leurs propres collections pour les mettre à la disposition de leurs adhérents. À ce jour, 21 intermédiaires de confiance et 45 titulaires de droits ont adhéré au projet TIGAR.

Le cadre technique propice

Un second projet a vu le jour en juin 2010 : connu sous le nom de “Cadre technique propice”(Enabling Technologies Framework (ETF)), il est géré conjointement par deux organismes internationaux de normalisation, le DAISY Consortium et EDItEUR. Le premier s’attache à élaborer et promouvoir des normes et des techniques en faveur de la communauté des déficients visuels. Le second s’emploie à concevoir, promouvoir et appliquer des procédés d’édition et des normes pour les métadonnées tout au long de la chaîne d’approvisionnement de l’édition. Ce projet a pour vocation de favoriser la mise au point et l’utilisation de procédés techniques et de systèmes pour produire en nombre des publications accessibles. 

Le renforcement des capacités

La plate-forme des parties prenantes s’attache en troisième lieu à renforcer les capacités et à resserrer les liens avec les intermédiaires de confiance et le secteur de l’édition dans les pays en développement et les pays les moins avancés. Des activités de renforcement des capacités sont d’ores et déjà en cours en Namibie et au Bangladesh, et d’autres devraient démarrer en fin d’année à Sri Lanka et en République-Unie de Tanzanie.

 

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