Célébration de l’excellence italienne en matière de design
Par Catherine Jewell, Division des communications, WIPO
Chaque année, l’Association italienne pour le design industriel (Associazione per il Disegno Industriale (ADI)) sélectionne ce qui se fait de mieux en Italie en matière de design industriel contemporain, pour constituer son catalogue ADI Design Index. L’OMPI accueillait du 25 septembre au 19 novembre 2013 une exposition présentant les 128 produits et concepts de l’édition 2012. Intitulée Italian Design Innovation – ADI Design Index 2012, cette exposition était administrée par l’ADI et organisée avec le soutien du Ministère italien du développement économique, de la Direction générale pour la lutte anti-contrefaçon, de l’Office italien des brevets et des marques et de la Mission permanente de l’Italie auprès de l’Office des Nations Unies à Genève.
Célébrer une culture d’excellence
“Le peuple italien est admiré depuis longtemps pour son expression au quotidien d’une créativité qui contribue à la dolce vita. L’un de ses éléments est une culture d’excellence en matière de style qui considère les objets de tous les jours d’un point de vue esthétique et les fait passer ainsi du prosaïque au sublime” a déclaré M. Francis Gurry, Directeur général de l’OMPI, dans son message d’introduction du catalogue de l’exposition.
“L’OMPI a pour objectif de créer pour les stylistes de demain un environnement plus robuste et plus propice à la création”, a-t-il souligné. Évoquant le système de La Haye concernant l’enregistrement international des dessins et modèles industriels, qui offre un moyen rapide et économique de protection des dessins et modèles contre la copie et l’imitation non autorisée sur les marchés internationaux, M. Gurry a rappelé les travaux en cours concernant l’élaboration d’un projet de nouveau traité international destiné à “simplifier les normes s’appliquant aux procédures d’enregistrement des dessins et modèles industriels au niveau national”.
ADI Design Index : la voie du prestige
Chaque année, trois projets de design sont choisis parmi ceux du catalogue ADI Design Index pour recevoir le Premio Nazionale per l’Innovazione (prix national pour l’innovation) décerné par le président de l’Italie. Cela leur permet également d’être en lice pour le Compasso d’Oro – le concours du compas d’or. Alors que ce dernier est traditionnellement destiné à récompenser le meilleur design italien, l’ADI instaure pour la première fois à l’occasion de l’Expo 2015 un Compasso d’Oro International auquel sont invités à participer les designers du monde entier sur le thème de l’exposition – Feed the Planet, Energy for Life.
À propos du Compasso d’Oro
- Issu d’une idée de Gio Ponti et Alberto Rosselli, le prix du Compasso d’Oro a été créé en 1954 par le grand magasin La Rinascente, afin de reconnaître et promouvoir l’excellence italienne en matière d’esthétique. Le Gouvernement italien a promulgué en 2004 une loi faisant des 300 produits primés de la collection historique du Compasso d’Oro “un patrimoine culturel d’intérêt national”. La gestion du prix est assurée exclusivement par l’ADI depuis 1964.
- La collection du Compasso d’Oro réunit les meilleures créations du design italien de 1954 à nos jours et continue de s’enrichir tous les trois ans de nouveaux objets.
Table ronde sur l’importance économique des dessins et modèles
L’ouverture de l’exposition a été précédée par une table ronde organisée en marge des assemblées de l’OMPI afin de souligner l’importance des dessins et modèles industriels pour l’innovation, la croissance économique et le progrès social. Les intervenants qui se sont exprimés à cette occasion étaient des représentants de gouvernements, du secteur privé et de la communauté des créateurs.
Le discours d’ouverture a été prononcé par Mme Gulino, qui a souligné “la complexité et la technicité” des dessins et modèles, ainsi que l’importance des recherches et essais nécessaires à l’élaboration des produits finis qui en sont issus. Elle a également attiré l’attention sur la place des dessins et modèles dans les affaires et l’économie. “Les dessins et modèles contribuent au développement économique et jouent un rôle déterminant dans le relèvement de la qualité et des niveaux de vie” a-t-elle observé.
Mme Gulino a insisté sur la nécessité d’une plus grande rationalisation et d’une simplification des procédures d’enregistrement des dessins et modèles. “Nous avons besoin de mieux harmoniser les législations dans ce domaine, en particulier parce que les différences de protection des droits de propriété intellectuelle dans les divers pays entraînent des coûts excessifs pour les utilisateurs et encouragent la contrefaçon” a-t-elle déclaré.
Évoquant le fait que la collection du Compasso D’Oro était désormais considérée comme “un bien d’intérêt national”, Mme Luisa Bocchietto, présidente de l’ADI, a indiqué que “les copies de ces objets portent atteinte non seulement au créateur, non seulement à l’entreprise, mais aussi à la nation italienne […] La protection de ces icônes de l’esthétique italienne et des icônes de l’esthétique dans le monde entier est extrêmement importante, car elles sont des symboles de l’économie, du travail, et pas seulement du beau”.
Le secret du succès de l’Italie en matière de design
Alessandro Sarfatti, ancien P.D.G. de Luceplan, attribue le succès du design italien à une “fantastique alchimie” entre les entrepreneurs, les créateurs et les fournisseurs. “Ce sont ces trois acteurs qui ont fait du design italien ce qu’il est aujourd’hui”, explique-t-il. “Le créateur apporte à l’entreprise sa vision du monde, ses idées, et ensuite, c’est à l’entreprise de respecter le projet et de le réaliser”, ajoute-t-il en donnant pour exemple sa propre expérience du développement de l’emblématique lampe “Hope”. Conçue autour de l’idée de la lentille inventée au XIXe siècle par le physicien français Augustin-Jean Fresnel pour l’éclairage des phares maritimes, cette lampe est le produit d’un long processus itératif. Des mois d’essais ont été nécessaires pour surmonter les difficultés posées par sa conception, mais une confiance réciproque entre la société et les créateurs a permis de parvenir à un produit de grande qualité et de remporter un succès commercial.
L’existence de ce modèle traditionnel et du type de relations qui s’y rattache est toutefois menacée par l’évolution du paysage commercial. “Les créateurs doivent faire face aujourd’hui à un défi consistant à rebâtir ces relations et à ranimer le processus créatif au sein des entreprises”, estime Valentina Downey qui, à travers son projet LAB.BRAIN.LAB encourage les sociétés à faire un usage dynamique et stratégique de l’esthétique industrielle pour améliorer leur rendement.
Difficultés de la protection des dessins et modèles
La conception de nouveaux produits nécessite des investissements importants. “Quand les entreprises protègent leurs produits, ce n’est pas seulement l’objet fini qu’elles protègent, mais aussi tout le travail qui a précédé” remarque M. Sarfatti. Selon lui, les imitateurs “vivent des idées des autres et acceptent, en gros, que le monde cesse de progresser”. Mme Downey abonde dans son sens, comparant les imitateurs à “un cancer qui finit par tuer la croissance intellectuelle de la communauté.”
Bien qu’il reconnaisse toute l’importance que revêt pour les entreprises la protection de leurs dessins et modèles, M. Sarfatti constate qu’il est souvent très difficile de prouver “qu’une copie est véritablement la copie d’un original, car les imitateurs modifient quelques détails”. Les poursuites en justice coûtent cher en temps et en argent, et s’il est vrai que les entreprises doivent les prévoir dans leur stratégie commerciale, “elles peuvent aussi se protéger en innovant, pour que le marché sache qu’elles sont à l’origine des idées”.
M. Sarfatti observe également que la place intégrante du design dans le processus de conception de produit est mal comprise et qu’on le confond souvent avec le style, de sorte qu’il ne se voit pas reconnaître toute l’importance qu’il mérite. “Le style a rapport au dessin proprement dit, alors que le design est un processus à l’origine duquel est une idée que le créateur traduit en un produit. Il suppose des décisions quant aux techniques à utiliser, à la manière de produire, aux solutions à rechercher. Il s’agit d’un processus circulaire, facile à décrire mais beaucoup moins à mettre en œuvre” explique-t-il.
Le design en tant que facteur de changement social
À titre de designers stratégiques, Valentina Downey et l’architecte Patrizia Scarzella travaillent avec des communautés d’Asie et d’Afrique afin de les aider à se créer des sources de revenus ainsi qu’à rétablir leur fierté dans leur culture et leurs aptitudes grâce aux principes du design. Mme Downey et Mme Scarzella ont élaboré au sein d’un projet générateur de revenus de la fondation Good Shepherd un programme de formation au design et de développement de produits visant à apprendre aux artisans locaux à penser en designers pour “développer des idées et trouver la meilleure solution pour une vie meilleure”, explique Mme Downey.
Dans les communautés où elles interviennent, Mmes Downey et Scarzella procèdent tout d’abord à un examen des réalités locales en matière de production, puis élaborent une méthode de formation destinée à permettre aux artisans d’acquérir une plus grande assurance dans l’utilisation de différents types de matériaux et de couleurs. “En Thaïlande et au Kenya, la plupart des femmes ont un sens inné et spontané de la couleur, et la formation que nous leur apportons suscite chez elles un intérêt renouvelé pour leur travail et une fierté à l’égard de leurs savoir-faire culturels” explique Mme Downey. Cette façon de procéder fait ressortir “les éléments techniques propres à leurs traditions, met en valeur des compétences artisanales traditionnelles grâce à une amélioration continue des produits et permet à la communauté de devenir plus compétitive et à l’économie locale de se développer durablement” ajoute Mme Downey.
Une plus grande prise de conscience du rôle du design
L’importance du design en tant que moteur de croissance économique et de développement fait l’objet d’une prise de conscience croissante et d’une meilleure compréhension à la fois parmi les décideurs et dans les milieux d’entreprise. Pour autant que le design fasse partie intégrante du processus de développement des produits, il est également reconnu de plus en plus largement comme ayant une importance stratégique pour le commerce et comme offrant une perspective susceptible d’améliorer l’efficacité et la performance ainsi que de contribuer à la création d’un avantage concurrentiel. Des principes similaires peuvent également être appliqués à des fins d’autonomisation ainsi que pour favoriser le développement et le statut socioéconomique de communautés à travers le monde. Fiodor Dostoïevski a peut-être bien raison : “la beauté sauvera le monde”.
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