Joanne Harris et la magie de l’écriture
Par Catherine Jewell, Division des communications, OMPI
La célèbre romancière Joanne Harris, auteur du roman à succès Chocolat (1999), dont l’adaptation cinématographique avec Juliette Binoche et Johnny Depp a été nominée pour les Oscars, partage ses vues sur le rôle de l’IAF ainsi que ses expériences de la vie d’auteur. Les livres de Mme Harris sont publiés dans plus de 50 pays et se sont vu décerner de nombreux prix britanniques et internationaux.
Pourquoi l’IAF est-il important?
Il est la voix des auteurs du monde entier dont il protège les intérêts en veillant à ce que leurs œuvres ne soient ni détournées ni exploitées sans leur consentement.
Pourquoi est-il important pour les auteurs d’avoir une telle voix?
Les auteurs et les artistes ne sont pas toujours des gens d’affaires avisés. Ils ont parfois besoin d’aide pour défendre leurs droits.
Pensez-vous que les auteurs soient reconnus à leur juste valeur dans la société moderne?
Reconnus, peut-être, mais pas toujours bien payés.
En tant qu’auteur, quelle est pour vous la tendance la plus inquiétante de notre époque?
Le peu de risques que courent ceux qui exploitent et diffusent les œuvres de tiers sans autorisation ou mention de droit d’auteur.
L’environnement numérique est-il un atout ou une menace?
Il peut être les deux. Cependant, nous devons combattre plus efficacement le problème du piratage et des atteintes au droit d’auteur.
Quel est votre message pour les pirates en ligne?
Il existe de nombreuses formes de piratage. Mais aux lecteurs qui estiment que le téléchargement de livres de musique est un crime qui ne fait pas de victimes, je dis : ce n’est pas vrai. Son incidence sur la survie des auteurs de milieu de liste se fait de plus en plus sentir. Si vous aimez l’art et si vous voulez le voir prospérer, vous devez payer l’artiste.
Beaucoup de gens estiment que les contenus devraient être gratuits. Que leur répondez-vous?
Je trouve que le champagne devrait être gratuit. Malheureusement, les vignerons ne sont pas d’accord.
Pourquoi le droit d’auteur est-il important pour vous, en tant qu’auteur?
Il est là pour protéger le travail des artistes et pour leur assurer un traitement équitable.
Le système du droit d’auteur a-t-il besoin d’être modifié?
Je pense que ce qui a besoin d’être modifié, c’est que les lois existantes en matière de droit d’auteur doivent être appliquées plus sévèrement.
À votre avis, qu’est-ce qui fait l’importance de la narration?
Elle nous rapproche des autres, indépendamment des considérations de race, d’époque et de culture. Elle crée une empathie et encourage la communication. Elle est notre manière de dialoguer avec d’autres êtres humains, d’ajouter en les partageant à notre expérience, à notre sagesse et à notre croissance affective.
Le pouvoir de la plume est-il plus grand que celui de l’épée?
Une épée peut vous tuer. Un livre peut vous immortaliser.
Quelles sont les difficultés auxquelles les auteurs sont confrontés de nos jours?
Je pense que les médias sociaux prennent de plus en plus d’importance dans le monde de l’écriture. Certains auteurs ne se sentent pas à l’aise avec la curiosité médiatique qui accompagne le succès ou avec le type de dialogue et de contact personnel qu’exigent aujourd’hui de nombreux lecteurs. C’est une difficulté que les auteurs doivent prendre en compte.
Avez-vous des conseils pour les aspirants écrivains?
Cesser d’aspirer et commencer à écrire. Le reste vient avec la pratique.
Comment vous êtes-vous sentie de voir votre roman Chocolat transformé en film?
C’était très amusant, même si l’histoire n’était pas exactement comme je l’avais écrite. Mais les acteurs étaient formidables, ainsi que le réalisateur, et le film avait beaucoup de charme.
Avez-vous pris part au processus d’adaptation à l’écran?
Il est rare que la participation d’un écrivain à l’adaptation cinématographique de son livre soit demandée autrement que par courtoisie. J’ai été consultée pour certaines choses, mais pour l’essentiel, je me suis contentée de me tenir à l’écart et de profiter du spectacle.
Quelle est la chose que vous aimez le plus dans l’écriture?
Tout. La magie qui se produit lorsque j’écris dans un pays et que quelqu’un que je n’ai jamais rencontré rit ou pleure en me lisant dans un autre.
D’où vous vient votre inspiration? Où et quand écrivez-vous?
De choses que j’ai vues dans mes voyages, de gens que j’ai rencontrés, d’histoires que j’ai lues, de rêves, de souvenirs. Je prends mon inspiration où je peux. Je travaille où je peux. Quand je suis en voyage, je travaille dans des avions et dans des hôtels. Quand je suis chez moi, c’est dans la cabane de mon jardin que je travaille le mieux.
Quand avez-vous commencé à écrire et combien de livres avez-vous publiés jusqu’à maintenant?
J’ai toujours écrit. J’ai publié 18 livres jusqu’ici – 14 romans, deux livres de cuisine et deux recueils de nouvelles.
Ressentez-vous un attachement, une affection particulière pour les livres que vous avez écrits?
Bien sûr. C’est le même type d’attachement qui nous unit aux personnes que nous avons aimées, aux enfants que nous avons élevés, aux maisons que nous avons construites.
Quel est le rôle de l’auteur dans la société?
Celui de rappeler aux gens qui ils sont.
Que lisez-vous en ce moment?
Une pile d’ARC, des exemplaires de livres avant correction qui me sont envoyés pour que je les lise, et un exemplaire lu et relu de Magic, de William Goldman, comme antidote.
Qui sont vos auteurs favoris, et pourquoi?
Vladimir Nabokov, Victor Hugo, Mervyn Peake, Angela Carter, Shirley Jackson, Ray Bradbury. Tous des maîtres conteurs, des observateurs de la nature humaine pleins de sensibilité et des virtuoses du langage.
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